Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

C’est l’histoire d’un rendez-vous manqué, de deux amants qui s’apprêtent enfin à se rejoindre lorsque l’un des deux trébuche, se râpe le visage contre le gravier raboteux et rocailleux, et qui défiguré préfère fuir plutôt que de gâcher la perfection des retrouvailles. C’était début 2009 et « The Crying Light » aurait pu être mon album de l’année. Mais les acouphènes et la dépression qui les accompagnât m’obligèrent à me recroqueviller là où le Rivotril empêchait par effet de bord l’épilepsie de danser. Je n’ai ainsi jamais pu pleinement profiter de « The Crying Light » et aujourd’hui lorsque je le réécoute, sa perfection reste gâchée par les associations qu’elle provoque.

Dans ces conditions, il n’y a que deux manières d’aborder « Swanlights ». Il s’agit soit de le voir comme une nouvelle chance, une opportunité de rejouer la scène en sachant pertinemment que la deuxième prise n’arrivera jamais à reproduire le naturel et l’instantanéité de la première, soit de le recevoir en plein cœur comme un deuxième coup de couteau qui vous rappelle cruellement que vous avez loupé votre chance et que le passé ne pourra plus jamais se rematérialiser.

Faut-il se contenter de peu ou se compromettre ? « Swanlights » qui alterne très grands moments d’écriture et légères phases de paresse où Antony Hegarty finit fatalement par s’enfermer dans son personnage (un enfermement ponctuel qui arrive finalement déjà tardivement par rapport à ce que l’on craignait initialement) n’aide que rarement à répondre à la question. Il nous pousse plus à osciller entre espoirs hallucinés et inévitables déconvenues. Inévitables parce qu’aussi racés soit-il, on finit toujours par connaitre les « trucs » d’Antony And The Johnsons (« The Great White Ocean »).

A cause de ses intonations trop forcées, la première partie de « Ghost » place Antony Hegarty dans le sillon de Bjork, selon un jeu de je t’influence / tu m’influences un peu téléphoné qui videra plus tard leur nouvelle et attendue collaboration sur « Fletta » de tout effet de surprise, chacun essayant de se focaliser sur les points d’intersections vocaux dans ce qui s’avérera au final plus un exercice de style qu’une grande chanson. L’exercice est une notion qui revient régulièrement à l’écoute du disque, tant les chansons généreuses comme « Kiss My Name » font défaut ici. Du everything is new d’ouverture au everything is new de clôture, la métamorphose n’a jamais lieu et il faut vraiment attendre « Christina’s Farm » pour qu’une clarinette et une écriture en suspens rappelle la divinité de Joanna Newsom.

Pourtant tout fait sens sur ce quatrième album. L’interlude « Violetta » permet de se refocaliser avant « Swanlights », le titre qui vole son nom à l’album et qui offre son premier vrai moment de renouveau. Sur une guitare qui génère une instrumentation drone en conflit avec un piano, j’ai enfin l’occasion de mettre face en face le « Dust and Water » de « The Crying Light » avec son celui qui est censé me le faire oublier. Mais parfois il faut plus que du sens pour définir les choses.

On se sent ainsi toujours en visite sur « Swanlights », l’hôte a beau tout faire pour vous mettre à l’aise, pour vous faire oublier, pour vous faire passer à autre chose, vous restez incapable de vous asseoir confortablement dans le sofa et d’en profiter. Non il faut toujours rester sur le qui-vive prêt à sauter et à se raccrocher aux chansons d’avant qui vous ont échappé et que vous craignez toujours de ne jamais reconquérir.

Peut-être qu’il me faut juste du temps pour prendre mes marques et qu’alors, à défaut d’être le parfait remplaçant, « Swanlights » sera celui qui me tendra la main et m’aidera à traverser le précipice que la vie a creusé entre moi et « The Crying Light ». Pour cela, je lui serai alors éternellement reconnaissant.

Note : 6/10