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Suite à la saisissante session de septembre dernier, il est troublant de se plonger dans les titres de « Swansongs », quatrième album du songwriter américain Marc Anthony Thompson plus connu sous le nom de son entité à l’architecture évolutive Chocolate Genius Inc. Troublant parce que enrobée d’instrumentations classieuses mais souvent trop lisses, les chansons perdent de leur impact émotionnel comme si la moindre altercation entre les cordes humaines et les cordes de nylon provoquait un retrait, un apeurement des premières. C’est le premier signal d’un album qui nous touchera de l’extérieur alors qu’on pensait ne le sentir que de l’intérieur.

Dès « Enough For You », on réalise que Chocolate Genius Inc ne veut pas être seulement un album à voix affectée : le piano, la pédale wah wah de la guitare, l’impression de connaître depuis toujours cette mélodie comme s’il s’agissait d’une reprise d’un titre de Marvin Gaye par Bruce Springsteen (Marc Anthony Thompson a d’ailleurs participé en 2006 au Sessions Band Tour comme guitariste, s’accaparant même parfois le micro) démontre de véritables velléités fédératrices. Passée la modernité de son introduction, « She Smiles » s’offre comme une grande chanson intemporelle, quelque chose de simple mais d’important. Le fait que l’on pense à des titres comme « Tears in Heaven » de Eric Clapton ou que l’on visualise certains grands noms de la musique américaine (grands dans le sens au succès public avéré) est à la fois rassurant et dérangeant. Mais au fond n’était-ce pas déjà ce que l’on pouvait ressentir à l’époque avec « Half A Man » puis plus tard avec sa version de « Julia » des Beatles ? La réponse peut aussi bien se trouver dans le banal « Kiss Me » qu’au contraire dans le réunificateur « Polanski » qui n’a rien d’une chanson politique en forme de biopic, mais qui parle de l’abandon, du départ, de ces choses qu’on laisser dernière nous ; tragique et poignant et en même temps plein d’optimisme.

La tristesse que dégage « Like A Nurse » peut paraitre forcée, comme si l’unique leitmotiv était de tirer les larmes des yeux, mais lorsque celles-ci se mettent vraiment à couler, elles ont un gout de sel qui n’a rien d’artificiel. Il faut dire (et c’est encore plus parlant sur scène) que Chocolate Genius Inc a le don de mettre en perspective ses chansons avec la vie des gens. Ainsi « Sit And Spin », chanson sur la perte du père, quelque chose entre deuil et résignation, et rage contre les Etats-Unis et leur maudit healthcare, se veut la deuxième partie d’une histoire familiale entamée douze ans plus tôt avec « My mom » ; une chanson qui aurait presque pu s’appeler « My father » si Marc Anthony Thompson faisait grand cas des thématiques trop soulignées.

Le trip hop de « Lump » prend à la gorge comme un vieux Massive Attack à l’époque où Tricky susurrait nonchalamment les mots. La soul coule dans les veines de toutes les chansons mais afin de ne jamais laisser place à l’équivoque, Chocolate Genius Inc nous entraine dans le gospelien « When I Lay You Down ». Comme chez Ben Harper, il y a cette volonté forte de s’assurer qu’on ne se trompe jamais sur ses racines. L’homme a cette manière de s’inscrire ici dans l’histoire de la musique avec classe et naturel. Et de classe il en est souvent question ici. De par sa voix d’abord qui est chaude, sensuelle, terriblement soul mais aussi très pop, puis ensuite au travers de sa posture, du magnétisme qu’il dégage, de son humour pince-sans-rire qui converse avec la tristesse de certaines chansons. Oui Marc Anthony Thompson est un grand monsieur, de ce à qui on doit le respect.

Lorsque « Ready Now » clôture « Swansongs » (et ce même s’il possède une discrète instrumentation), il prouve sans équivoque combien tout enrobage était ici superficiel. Les grands messieurs se suffisent à eux-mêmes.

Note : 6,5/10

>> A lire également, la critique de Laure Dasinieres sur Not For Tourist, la critique de JS sur Goodkarma et la critique de Benoit sur Pop Revue Express