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DATE LIMITE de Todd Phillips

Par Benjamin Fogel, le 11-12-2010
Cinéma et Séries

[ATTENTION SPOILERS] Il parait qu’il faut rire, que c’est bon pour la santé, que ça permet d’oublier (un peu) qu’on va mourir et que la journée a été écœurante (beaucoup). Il parait aussi que Todd Phillips est un réalisateur au doigté humoristique des plus agiles et que ses films s’accordent bien avec la recommandation énoncée ci-dessus. Il parait beaucoup de choses. Or si je ne suis manifestement pas un garçon très marrant, je dois être un peu pascalien et effectivement à ce stade là cela ne me coute pas grand-chose de croire (un peu beaucoup). Alors allons-y rions de bon cœur, laissons-nous aller, esclaffons-nous gaiement, puisqu’il est de toute façon plus profitable de rire que de ne pas rire.

Il n’y a à première vue aucune raison de se retenir, aucune raison d’essayer de sauver les apparences, de chercher à se faire plus intelligents que ce que nos zygomatiques laissent supposer lorsqu’on les laisse s’exprimer au grand jour. Dans « Date Limite », le spectateur est toujours surpris et challengé par la bêtise de Ethan Tremblay, ce n’est même pas tellement que les gags soient drôles (même si certains le sont vraiment), mais plus qu’ils sont parfois complètement inattendus (la scène de masturbation dans la voiture, la tentative de garder son sang-froid vite régurgitée…). Les coups s’enchainent et le système de la blague dans la blague, qui transforme via une surenchère finement dosée le sourire en gloussement puis en fou rire, tourne à plein régime. Oui il parait aussi que l’idiotie fait rire et que dans cette catégorie là, Zach Galifianakis serait un maître…

Le problème c’est qu’à force de dire aux gens à quel point ils sont géniaux, ils finissent toujours par franchir les limites. Alors que Zach Galifianakis est parfait dans « Bored To Death » introduisant dans chaque épisode une nonchalance cosmique, il s’avère dans « Date Limite » poussif et irritant comme un gosse qui multiplie les grimaces depuis plus d’une heure parce que vous avez eu le malheur de rire un peu trop spontanément à la première. En face de lui, Robert Downey Jr a beau cabotiner à outrance, il peine à renvoyer la balle à celui pour qui tous les gags ont été écrits. Il aurait fallu que sa méchanceté tranche plus nettement avec les facéties de son compère, que l’on ne se limite pas à une bourde sur un handicapé et à un coup de point sur un enfant horripilant, il aurait fallu qu’on ne sache plus qui est le plus instable, qu’on sorte de la gentille comédie sans ambition.

Car sorti du crédo de l’humour pur, peu de choses semblent intéresser Todd Phillips au point qu’il en oublie de tracer les lignes qui relieraient les gags entre eux. Dans le style buddy/road movie avec deux personnages que tout oppose, difficile de faire moins recherché : lorsqu’au début du film Peter Highman toise Ethan Tremblay en lui disant que non ils ne feront jamais un putain de détour par le Grand Canyon, on renâcle à plein nez la future amitié de pacotille qui va naître et le passage obligé par le lieu en question ; à côté « La chèvre » de Francis Veber passe pour une adaptation de la comédie humaine de Balzac. On ne s’offusquera alors même plus des coquilles scénaristiques, de ces hommes ordinaires qui cartonnent des policiers en toute impunité, ni même du traitement grossier des sous-entendus homosexuels ; on l’a bien compris l’important ici est avant tout de ne jamais sortir du schéma : problème généré par le héros comique – gag – situation aggravée par le héros comique – surgag – retour à la normale – transition – problème généré par le héros comique…

Il y a des jours où je préfère ne pas rire et rester enfermé dans des pensées noires. Ce n’est peut être pas bon pour la santé mais il parait que cela permet de se sentir moins vide… Enfin il parait beaucoup de choses…

Note : 4/10

>> A lire également, la critique de Rob Gordon sur Toujours Raison et la critique de Nicolas Gilli sur la Filmosphère