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Mais qu’a-t-il pu arriver à Samuel Beam entre 2007 et aujourd’hui ? La peur du temps qui passe ? La quarantaine qui se rapproche et oblige à tirer des bilans ? L’angoisse provoquée par ce public qui apprécie les chansons de l’intérieur sans jamais exprimer briquet à la main sa gratitude ? Si l’on pouvait souligner (et apprécier) l’ouverture sur le monde que représentait « The Shepherd’s Dog », il semblerait que Iron & Wine ait maintenant décidé de parcourir les continents à la recherche non pas de trésors enfouis en soi mais bien de richesses physiques. Il n’a pas laissé de mot d’adieu à ceux qui l’avaient soutenu jusque là (« Half Moon » a plus le gout de la carte postale que de la lettre) et n’a pas jugé utile d’emmener avec lui sa guitare et ses talents (« Me And Lazarus »).

Avant la musique de Iron & Wine était raffinée et explorait le subconscient dans une approche minimaliste, mais aujourd’hui elle préfère aux délicates introspections les déballages vulgaires d’émotions forcées. Déballages vocaux, déballages des nouveaux instruments, évolution et désenclavement et au final un citoyen de plus perdu dans une monopole trop grande pour lui. On aurait pu trouver audacieux que Samuel Beam délaisse si souvent sa guitare, celle qui l’avait porté aux nues. On aurait pu l’admirer pour cette mise en danger ! Mais au final on ne voit dans cet abandon qu’un homme qui a trahit son meilleur ami dont l’exigence le ralentissait dans sa conquête des vielles radios américaines.

Alors que Iron & Wine aimait à marcher seul sur les terres nostalgiques de son passé, il semble désormais incapable d’avancer sans être devancé et secondé par des hordes de chants en forme de carcan étouffant (« Tree By The River »). C’est un Ber Harper fatigué au songwriting las qui apparait sur « Walking Far From Home » qui n’arrive plus à porter ses bagages dès la première escale (« Rabbit Will Run »)

Emporté par les vapeurs des alcools de mauvaise qualité ingurgités dans l’avion, il se prend pour le touriste roi, pour celui qui viendrait apporter aux primates la petite touche raffinée qui manquerait à leur existence, mais la vérité est qu’il s’endort sur le piano comme un vieil ivrogne perdu dans les chimères d’une autre vie (« Big Burned Hand »). Sur « Your Fake Name Is Good Enough For Me », on entend des scratchs et des cuivres mais l’on arrive plus à distinguer les dernières volontés de l’homme décédé. Le frère, le père, la mère oublieront, l’amour ne les atteindra plus.

Sans s’approprier les clichés qui essayent de lier tristesse et grandes chansons, il est certain qu’entre un Sad Man Singing à fleur de peau et un « Glad Man Singing » dégoulinant de chœurs écœurant, il y a de quoi s’offusquer du bonheur d’autrui. Avant la fenêtre donnait sur un petit jardin intérieur où avait éclos des dizaines de compositions florales précieuses et inattendues, mais en faisant tomber les murs l’ouverture sur le monde ne dévoile qu’un paysage aussi vaste qu’anecdotique. Il faut parfois cultiver son jardin et ne pas s’occuper de la folie du monde.

Note : 3,5/10

>> A lire également, la critique de Thibault sur La Quenelle Culturelle et la critique de Olivier sur KUB3