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Lucinda
Georgia
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Le jour même où j’ai glissé « Humbling Tides » pour la première fois dans mon lecteur, KMS publiait un article sur les images de désirs chuchotées par Yann Tambour sur « Flux » à l’époque où il existait sous le patronyme de Encre. Je me suis alors souvenu de ces chansons sur ces choses qu’on n’exprime pas ou que l’on n’exprime de travers, de côté, comme pour se protéger soi même, et j’ai revisualisé cette pochette où les sens se troublent, où la chair difforme invente une nouvelle sexualité qui répond aux mots du disques ; l’étrangeté des délires de Chris Cunningham épurée de la souillure.

Stranded Horse perd donc son Thee. Il le perd comme l’homme perd ses illusions : sans broncher, sans y penser, sans même s’inquiéter du sens de la perte. C’est comme ça, on change de peau, on change de vie, on subit le changement car c’est l’évolution et que nous ne sommes rien face à elle. A la fin, il ne restera rien, aucun nom, aucun pseudonyme, juste des chansons belle comme nos anciennes vies, des chansons comme « What difference does it make ». Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas de prendre la direction opposée à Encre mais au contraire de prolonger ce dernier dans une vision post-coïtale.

De la même manière que Joanna Newsom ne fait plus qu’une avec son harpe, de la même manière qu’elle protège entre ses cuisses divines son instrument au point que malgré sa taille immense il disparaisse en elle, Yann Tambour englobe sa kora de tout son être et est prêt à se noyer, à suffoquer pour que celle-ci puisse vivre et irradier le monde de ses délices mandingues. La peau tendue a aspiré l’humidité et les 21 cordes content une nouvelle histoire. Si Tiramakhan Traore a découvert la Kora, Stranded Horse l’aura présenté au soleil et aura chassé avec les nuages (« Le bleu et l’éther »).

Quelques violons et une guitare acoustique à discrétion s’égrènent sur « Humbling Tides » mais ils ne sont que les fantômes du passé qui virevoltent autour d’un monde enfin unifié : on écoute « And the shoreline it withdrew in anger » et l’on ressent le touché, l’évidence.

L’ouest est un affluent, des axes déréglés Il s’éveille, répand, des rives allongées Il brandit aux aurores, des lames dans le noir Et lentement se dore, des midis jusqu’au soir Il ouvre des stries vertes, des coulées d’horizon Et répand des ornières, des canaux en amont Il s’empare du bout de la terre et dévoile Des jets de lumière, des halos en dédales Il n’y a rien à Paris, rien au levant Des déserts gris, de veules amants Là le souffle vous cueille, vous sertit d’écailles Là l’émeraude se mêle et s’écoule en dédales.

« Les axes déréglés » ? Oui mais alors conjugués au passé.

Note : 8/10


>> « Humbling Tides » est en écoute sur Deezer