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Je suis toujours submergé par une forme de candeur adolescente lorsqu’il s’agit d’amour en musique : ces musiciens qui a un moment ou un autre ont modifié les schémas, cassé la routine et tout risqué pour se lancer dans un projet avec l’être aimé ont toujours produit chez moi une certaine estime ainsi qu’un immédiat sentiment de complicité. Ian McKaye et Amy Farina (The Evens), Mark E Smith et Elena Poulou (The Fall), Michael Gira et Jarboe (Swans ; ne me faîtes pas croire qu’ils n’ont jamais été ensemble !)… Même lorsque Trent Reznor offre un album plus que moyen à Mariqueen Maandig, je reste en quelque sorte ému. Nombreux de mes musiciens phares sont dans cette configuration (si ce n’est pas avec leur femme, c’est avec leur frère). Colin Newman, leader de Wire, a toujours fait partie de ceux qui ont compté pour moi, et autant dire que lorsqu’en 2004 il fonda les excellents Githead avec sa femme Malka Spigel, je n’ai été qu’à moitié surpris.

Wire : un nom béni des Dieux (le magazine, la série ; il n’y a pas de coïncidence), une trilogie fondatrice (« Pink Flag », « Chairs Missing » et « 154 »), une modernité qui ne s’est jamais démentie (l’excellent « Object 47 » sorti en 2008)… et aujourd’hui un groupe qui revient avec « Red Barked Tree » en forme de synthèse exhaustive de la palette de couleur qui est à la disposition des anglais ; une palette tout en nuance et en subtilité.

Ce sont à la fois de somptueuses pop song anglaises qu’on retiendrait de toutes ses forces de peur qu’elles puissent s’envoler trop haut (« Please Take ») et des brûlots portant en eux des années d’histoire et de rage (« Two Minutes »). Please take your knife out of my back and, when you do, please don’t twist it ? Un message universel balancé à tous ceux qui nous ont souillés ! C’est un combat qui s’étend sur trois décennies : un titre comme « A Flat Tent » est impossible à situer temporellement parlant, c’est à la fois hier, aujourd’hui et demain, c’est l’essence du post-punk, c’est à la fois acide et aride, tout en étant fédérateur et plein de convictions.

Sur « Red Barked Tree », la technologie s’oppose à l’alchimie, la rythmique mathématique se confronte à la spontanéité pour un résultat en forme de math-rock lyrique, et cette chanson résume toute l’essence de Wire : un groupe qui ne cesse de juxtaposer l’innée et l’expérience, l’intuition et la réflexion. « Now Was », par exemple, a été craché dans l’espace sonore en quelques minutes mais est interprété avec la révérence, avec la précision que l’on doit aux chansons qui ont muri pendant des années.

34 ans de carrière et Wire cherche toujours son Red Barked Tree, comme un saint Graal, comme une quête essentielle (essentielle dans le sens où l’on ne peut aller à son encontre sans remettre en cause son essence propre), comme le disque qui comportera en lui le sens de la vie, le pourquoi du comment du bonheur. Il s’agit d’une quête utopiste, d’une quête sans fin mais Wire est le dernier groupe au monde à prendre l’enjeu à bras le corps, et à avancer toujours un peu plus loin, toujours plus prêt du but… et à aller peut-être un jour jusqu’au bout de son voyage.

Note : 8/10

>> A lire également, la critique de Mathieu sur Random Songs