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THE PAINS OF BEING PURE AT HEART (A l’Aéronef)

Le 21 février 2011 à Lille

Par Nathan Fournier, le 26-02-2011
Musique

Douce adolescence, ils sont propres sur eux, mais ont le bout des ongles peint en bleu. Ils préfèrent se cacher derrière leurs cheveux trop longs ou regarder leurs Doc Martins. Quand ils lèvent la tête, leurs yeux se posent sur le plafond, ou vers le vide. Ils n’osent pas vraiment chanter, ils préfèrent marmonner.

Ils sont nés trop tôt pour pleurer Kurt Cobain, trop tard pour sangloter sur les Smiths ou se pâmer sur les allusions sexuelles de The Jesus & Mary Chain. Ils sont nés avec le “Loveless” de My Bloody Valentine et ils ont grandi avec Sarah Records. Ils sont de la génération Gus Van Sant, ils sont presque adultes, mais ils veulent rester dans le tourment de leur quinze ans. Quand ils pouvaient rire de tout et pleurer pour rien.

The Pains of Being Pure at Heart est une bande d’adolescents incandescents, ils jouent de la musique parce qu’elle leur est rivée au corps. Ils jouent la musique qu’ils n’ont pas vécue. Ils prolongent l’expérience des années 80, par défaut, comme s’ils ne savaient pas exprimer autre chose que leurs déboires d’enfants. Ils sont d’éternels amoureux de la fille qu’ils n’auront jamais. Ils sont adeptes des désenchantements, ils ne se remettront jamais de leur premier chagrin d’amour. Leurs corps ont grandi, leurs vêtements les serrent, maintenant. Mais dans leurs cœurs résonne encore un « There is a light that never goes out ».

Ils sont timides, ils n’osent pas trop jouer. Concentrés, accrochés à leurs instruments, à marmonner derrière des sons distordus. Quatre accords, pas plus. Ils cachent leur maladresse derrière du bruit. Et peu à peu, ils se dérident. Parce que le public se prend à rajeunir, à se souvenir ces temps plus ou moins anciens, quand il y avait dans le ventre un quelque chose qui pesait, sans raison. Il est difficile d’avoir un cœur pur, de garder une naïveté originelle en vieillissant. Alors le groupe joue, comme s’il était dans son garage de Brooklyn, comme si personne ne partageait ces amours secrets et ses déprimes passagères, comme si leur exutoire était confidentiel. Sauf qu’il est universel. Ces états momentanés forment la station de correspondance entre l’enfance candide et l’austère recul de l’adulte. L’endroit où tout le monde s’est perdu à force de rêver. Un lieu dont on voulait s’échapper et qu’on regrette maintenant.

Ils remuent leurs cheveux, se couchent sur leurs guitares, frappent de plus en plus fort sur la batterie. Ils extériorisent leurs années passées. Ils sourient aussi, un sourire contagieux, qui se propage comme les « wouhouhou » de « Come Saturday ». Ils s’embrasent sous les lumières rouges, comme victimes d’un coup de foudre. Leur credo est simple, être adolescent jusqu’au dernier jour.

Ils ont à peine connu les Stone Roses, ils ont pleuré les dix ans de la mort de Kurt Cobain, ils ont vu Morrissey mal tourner, les Pixies se reformer, ils sont nés avec Teenage Fanclub, ils ont dû tomber amoureux de Sonic Youth sur le tard. Ils sont des enfants des années 90, nés bien trop tard pour épancher leurs cœurs fragiles sur le romantisme des années 80, mais ils partagent leur amour de cette musique, qui, comme le public, n’est décidément pas prête à vieillir. Douce adolescence.