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Il y a plein de raisons pour refuser de grandir mais qu’il s’agisse de l’attachement à l’insouciance adolescente, de la haine pour le temps qui passe ou du combat contre les conventions qui segmentent la vie, il y a toujours une nécessité à se positionner contre « la règle ». C’est toujours à ça qu’on pense face aux longs cheveux gris de J Mascis qui entre déprime affecté et sourire complice cache son regard derrière ses lunettes toujours trop grandes pour lui. Le clip de « Over It », contrairement à un « Back To School » de Deftones par exemple, n’est ni un hommage ni un appel à la nostalgie : J Mascis empoigne son skate non pas pour « faire » jeune mais parce que c’est le seul moyen qu’il connait pour se déplacer dans la vie.

Il en aura fallu des disputes et des doutes pour arriver à ce premier album solo, à cette première pochette où le nom de J Mascis n’est suivi de rien ou la solitude est à la fois le cœur de la réalité et de la création. Oui il aura fallu 20 ans depuis le « Green Mind » de Dinosaur Jr, première étape vers le travail en autarcie et officialisation de la séparation avec Lou Barlow. Tout le reste n’aura été que des actes manqués (J Mascis AND The Fog) ou des albums qui n’en sont pas (les Peel Sessions). C’est comme si tout avait été pensé pour soit n’être jamais seul soit pour ne jamais donner l’impression de l’être.

Ce n’est pas non plus un hasard si « Several Shades Of Why » arrive seulement aujourd’hui. Pendant deux décennies Lou Barlow et J Mascis ont vécu dans la rupture et n’ont jamais cessé de chercher à recréer ce qu’ils avaient perdu (avec Upsidedown Cross, Witch, Sebadoh, Folk Implosion…). Et lorsque le premier baisse les bras et accepte en 2005 qu’il en est peut-être bien et bel fini de la notion de groupe, c’est justement le moment que choisit Dinosaur Jr pour se reformer. Aujourd’hui « Several Shades Of Why » prouve que les plaies se sont refermées et que réaliser une escapade solo n’est plus un acte politique mais un repos apaisé qui se fait avec la sérénité de ceux pour qui la solitude ne sera que passagère.

Au premier abord, on pourrait ne voir dans cette collection de dix chansons qu’une succession de balades touchantes mais anecdotiques ou pire un simple pendant acoustique du bruit de Dinosaur Jr ; la rythmique vocale et la voix nasillarde de J Mascis ne faisant d’ailleurs rien pour marquer des différences. Mais des morceaux comme « Very Nervous and Love » créent une telle proximité qu’on en a le souffle coupé. I can’t speak my mind, i can’t even speak.

Sur « Not Enough » on retrouve l’intimité des sketchy EP de Jonah Matranga tandis que sur « Make It Right » on plonge dans la beauté pure des chansons de Mark Kozelek ; la solitude y devient un compagnon choix. Même les nombreux invités (Kurt Vile, Sophie Trudeau, Kevin Drew, Ben Bridwell, Pall Jenkins…) s’effacent en toute discrétion derrière ce nom et se glissent furtivement dans les chansons.  Can we be loved ? Can we be all those things you said to me ? Même lorsqu’on se sent complètement perdu, désarmé face à la rudesse des relations humaines, on trouve toujours une note, une intonation, une petite voix du fond, qui éclaircie l’avenir (« Too Deep »). C’est un disque où l’on ne connait pas les raisons mais où l’on savoure le résultat. Lorsque l’électricité revient brièvement sur « Is It Done » on se sent nu mais jamais livré à soi-même.

A l’adolescence, il était aisé d’associer chaque disque à des instants, aux soirées entre potes, aux balades sur la plage, à l’ennui du quotidien et surtout à des émois aussi légers que vacillants. Mais la vie adulte (peut-être une des première fois où j’emploie ce terme en pensant à moi) a allongé le temps nécessaire à la création de souvenirs vifs et pérennes. Les actions se succèdent à l’infini encore et encore dans le même contexte sans laisser la possibilité aux chansons de se déposer sur des « instants ».

Et pourtant je me souviendrai longtemps de ces quelques minutes passées dans les bras d’Audrey ce matin avant de retourner affronter la monotonie, ces quelques minutes accompagnées par « Listen To Me »… J Mascis poursuit le combat que nous avons abandonné et défend le pont qui relie les différentes époques de l’existence et à « Several Shades Of Why » de continuer de tisser des liens entre les vies et la musique.

Note : 8/10

>> A lire également, la critique de Thomas sur Interlignage et le texte de Mathieu sur Random Songs

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