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LE DERNIER COSMONAUTE par Aurélien Maury

Par Anthony, le 18-05-2011
Littérature et BD

La première oeuvre – dite parfois également “oeuvre de jeunesse” – présente généralement 2 caractéristiques : charme et maladresse.

Deux impressions que tous les parents du monde ont ressenti lorsque, fiers de leur effort surhumain d’1/4 d’heure, tous les enfants du monde soumirent un jour leur premier dessin abouti à l’avis de leurs géniteurs. Au bout du dessin, deux mains potelées et un sourire fier et inquiet à la fois, ne permettant aucun autre commentaire qu’un “C’est très beau, chéri(e) !” (il serait pédagogiquement discutable de répliquer un “Mais qu’est-ce que c’est que cette merde, pupuce ?” ou hors de propos de suggérer que “la prochaine fois, dessine une fleur plus petite que maman, les pâquerettes dépassent rarement 1m62 !”). On ne peut donc que s’attendrir en gardant pour soi les approximations techniques qui se corrigeront avec le temps.

Aurélien Maury a très largement dépassé le stade du dessin de Maternelle dans son premier album Le Dernier Cosmonaute. Il est même doué d’une belle technique graphique, se rapprochant sur la forme d’un Chris Ware, dans une filiation moderne du comic strip américain. Ici, point de pâquerettes géantes ni de soleil aux rayons maladroitement tracés : Le Dernier Cosmonaute n’a d’enfantin que la naïveté du récit et la psychologie de son personnage principal, Larry, un jeune homme qui préfère s’attarder dans ses rêves de voyage dans les étoiles plutôt que de prendre à bras le corps la vie d’homme qui se présente à lui (sous la forme assez claire d’un dépucelage en bonne et due forme par la gentille Alice, son amie d’enfance).

Le décor planté par Aurélien Maury pour y faire évoluer ses personnages, ainsi que les différentes étapes du récit, contribuent à laisser cette impression générale d’oeuvre de jeunesse : Larry est outrageusement nigaud, un peu geek, vivant dans une petite bourgade américaine d’un ennui abyssal où son meilleur ami prend les traits de son nounours Teddy, confident et double mature de Larry (car Teddy fume des clopes et fait office de figure paternelle auprès de Larry, caractéristiques assez éloignées du nounours de facture traditionnelle…). Entrepris assez franchement par Alice qui lui déclare ses sentiments dans le cadre fiévreusement sensuel d’une laverie automatique, Larry semble égaré, incapable de réagir avec justesse à cette déclaration soudaine. Contraint de devoir grandir et basculer dans l’âge adulte,  Larry, un peu benêt, se fait remonter les bretelles par l’ours Teddy et va enfin faire le deuil de ses rêves d’enfants…

Le Dernier Cosmonaute est une histoire d’apprentissage, une peinture du renoncement aux chimères de l’enfance, dont le procédé allégorique  – la tête dans les étoiles versus les pieds sur Terre – se retrouve jusque dans la description de la première nuit de Larry et Alice, le jeune homme s’imaginant au moment crucial propulsé dans l’espace à bord d’un vaisseau de forme phallique se dirigeant vers une planète en forme d’ovule… Ah ? Vraiment ? Est-ce bien raisonnable ? Raconté comme ça, cet épisode peut aisément susciter un certain scepticisme…

Pourtant, il émane un charme nostalgique de cette bande dessinée, une candeur attendrissante qui excuse ces maladresses d’écriture, presque touchantes de sincérité. On imagine aisément Aurélien Maury, achevant Le Dernier Cosmonaute comme s’il mettait le point final au testament de sa propre enfance, enfin prêt à oublier ses fusées et son ours pour s’attaquer à des histoires plus matures et entamer une oeuvre adulte. C’est en tout cas ce que laisse augurer la conclusion de cette BD.

Le Dernier Cosmonaute peut donc se lire avec le regard d’un parent attendri mais lucide sur le fait que son auteur n’a plus, depuis bien longtemps, de petites mains potelées.