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En dance music, les producteurs germains (et plus généralement européens) ont pris la main au début des années 2000, via la mininale. Heureuse a été leur politique inconsciente du milieu de cette décennie : devancer l’extinction minimale en rebalisant la house, faire surgir de nouvelles singularités culturelles en évitant l’enlisement. Aussi le patrimoine house américain a-t-il été revisité, parfois repris mécaniquement mais le plus souvent inventé une seconde fois. Dans la nébuleuse tech-house qui trône depuis ces années, on retrouve par conséquent des éléments de la house originelle – un tempo mesuré, beaucoup de charleys dans les rythmes, quelques claviers « chigaoïsants » –, associés à la tradition allemande de minutie formelle, de haut degré de finition et de mécanicité des structures. De fait, il est devenu étrange d’écouter de la house « type » quand bien même celle-ci est redevenue omniprésente.

Écouter la deep-house de Rick Wilhite, pour celui qui est pourtant amateur de Pantha du Prince ou Robag Wruhme, n’est pas chose facile. Deux conceptions s’opposent, l’une dite « soulful », l’autre plus formaliste et composée – double sens du mot deep, d’un côté la profondeur d’âme, de l’autre la richesse musicale. Le premier album de Wilhite (lui qui pourtant œuvre dans le milieu depuis quinze ans) justifie cette distinction à tel point que le néophyte peut en être éberlué. Disons le franchement : Analog Aquarium est radicalement daté et approximatif – aucun anachronisme à imaginer ce disque sorti en 95. Tout est ici fait dans une image immuable de la house, d’un genre qui ne change jamais. Pas de retour aux sources : on reste à la source, toujours.

Ce n’est pas du tout innocent si cet album se revendique analogique. On est en plein DIY, dans une opposition franche à la technologie. Pas de post-production, aucun détour logiciel, zéro complexité numérique, tout est fait à mesure humaine, à hauteur de souffle. Le mixage ? Un sampler géré en live, un flanger qui se résume en un bouton appuyé directement sur la machine ou encore un gain maîtrisé du bout des doigts – le volume d’un titre peut carrément monter ou baisser en cours de route. Un mauvais truc d’amateur, peut-on conclure rapidement. À la différence qu’il se passe des choses, ici, à écouter cette bizarrerie sortie du perfectionnisme ambiant.

Dans les pérégrinations de Wilhite, la répétition crée en effet un drôle de « mood », un insaisissable qui n’est pas triste ou joyeux, simple ou complexe, pénétrant ou superficiel. Il s’agit d’autre chose, de ce qu’il serait pompeux d’appeler une transcendance. On a l’impression que se cherche et se trouve une sorte de vérité purement spirituelle. Il y a surmontement et dépassement, bien au-delà d’un supposé bon agencement gestaltiste des samples et des rythmes. Pas de bonne forme, tout tâtonne, avance dans l’expérience mystique pour elle-même.

Ce n’est surtout pas un hasard si l’existence de la house s’est toujours faite dans la scansion religieuse, « In House we trust » comme « In God we trust ». Malheureusement tous les prêtres ne se valent pas. Et si Wilhite fait partie des bons, des excellents, qu’on ne dira jamais fumeux, il n’a clairement pas l’aura pure d’un Moodymann ou d’un Theo Parrish. Manque de feeling jazzy, peut-être, pas assez de travail sur les effets, tendance trop facile à laisser de la place au chanteur soul Billy Love, autant de petits riens qui rendent Analog Aquarium très troublant mais difficilement communicable. La foi en la house à l’œuvre mais pas dans ses caractères les plus lisibles et accessibles.

Note : 7/10