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BALADA TRISTE d’Alex de la Iglesia

Sortie le 22 Juin 2011 - durée : 1h47min

Par Thomas Messias, le 22-06-2011
Cinéma et Séries

La parenthèse britannique de Crimes à Oxford mise à part (ainsi que son Perdita Durango, spin-off de Sailor & Lula d’après Barry Gifford), Alex de la Iglesia semble faire toujours le même film depuis le début de sa carrière. On y voit des gens ordinaires, marginalisés de par leur condition sociale ou leur physique ingrat, devenir des parangons de médiocrité pour écrabouiller leurs congénères et/ou accomplir la vengeance d’une vie. Les films d’Alex Deléglise commencent souvent sur les chapeaux de roue, au rythme d’une idée par plan et de mille plans par minute. Chacun de ses films respire la passion d’un cinéaste transporté par l’envie de raconter de vraies histoires et de secouer sans cesse le spectateur quitte à le rendre nauséeux. Ce qui finit toujours par arriver : bien que talentueux, le metteur en scène finit toujours par ne plus pouvoir suivre un scénariste impossible à canaliser et dont les postulats délirants virent toujours à l’eau de boudin. Mettre en valeur des personnages singuliers puis les réduire en charpie comme un gosse piétinerait ses jouets : voilà le cinéma d’Alex de la Iglesia, artiste passionnant qui n’est toujours pas parvenu à nous offrir un film plus qu’à demi-convaincant.

Passé par le festival de Venise et porté par une réputation tumultueuse, ce Balada triste (de trompeta) est à l’image du travail habituel de son réalisateur… en bien pire. La scène d’ouverture suffit à donner une idée de l’absolue laideur de l’ensemble. L’image est grise et sale, symbole de la complaisance permanente d’un film bien décidé à tirer au maximum sur la corde afin d’extraire ce qu’il y a de plus pathétique chez chacun de ses personnages. Pour en faire quoi ? Rien, absolument rien, si ce n’est du pathos débité au mètre. Balada triste ressemble trait pour trait à ses héros, deux clowns bien décidés à devenir les meilleurs du marché et à ravir le coeur d’une belle acrobate. Or, par essence, les clowns ne sont pas drôles. Juste un peu sordides, et ce malgré leur nez rouge, leur attirail et leurs mauvaises blagues. C’est tout le drame d’Alex de la Iglesia : il gesticule en permanence, nous balance ses effets à la tronche, mais ne ramasse à la sortie qu’une série de bides assez consternants. S’il a tendance à commencer fort pour s’écrouler ensuite, il se plante ici dès le début en forçant le trait dans les premiers plans, pour ne plus jamais s’en relever.

À la vue de cet effroyable marasme, deux constatations s’imposent. Primo, De la Iglesia a visiblement tout intérêt à rester fidèle à son éternelle image de sale gosse fan d’humour macabre et de massacres généralisés. Après une expérience anglophone un rien conventionnelle, il tente avec Balada triste de renouer avec son style d’antan tout en adoptant un positionnement plus adulte, plus responsable. Parlant explicitement du franquisme dans les premières bobines, tentant ensuite une métaphore filée en faisant de ses clowns les symboles du déchirement de l’Espagne, le réalisateur a visiblement voulu atteindre la consécration et réussir le fameux « film de la maturité ». C’est à peu près aussi crédible que Gad Elmaleh tentant de nous émouvoir dans La rafle.

Deuxième conclusion : s’il ne semble pas pouvoir trouver de sitôt une quelconque crédibilité de cinéaste sérieux, l’Espagnol doit cependant trouver des solutions pour enfin se renouveler. De nombreuses fragments de Balada triste rappellent des morceaux plus convaincants de ses précédents films. La lutte fratricide et absolue entre les deux clowns n’est qu’un remake déguisé du combat acharné que se livrent les deux comiques de son inédit Mort de rire. Le combat final sur la croix géante ressemble à s’y méprendre à la conclusion de Mes chers voisins, récit d’une querelle de voisinage se déroulant dans un immeuble cossu. Situations, personnages, ambiances : tout semble déjà vu, en plus mou, plus triste, moins sinueux. Seule une partie de la direction artistique, avec notamment quelques décors à tomber, permet de relever le piteux niveau général. Pour le reste, Balada triste remporte tristement le trophée de moins bon film de son réalisateur. Ce n’est pas rien.

Note : 2/10

https://www.youtube.com/watch?v=zTfa2Wu4Tx4