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OMAR M’A TUER de Roschdy Zem

Sortie le 22 Juin 2011 - durée : 1h25min

Par Thomas Messias, le 28-06-2011
Cinéma et Séries

Les auteurs de polars l’ont bien compris : l’investigateur est souvent plus passionnant que l’enquête en elle-même, a fortiori si le suspect principal est un faux coupable trop évident. Le deuxième film de Roschdy Zem en est la preuve éclatante : dans Omar m’a tuer, ce n’est pas l’affaire Raddad, pourtant fascinante, qui en fait l’intérêt principal, mais la façon dont un homme va surgir de nulle part pour tenter de démontrer son innocence. Cet homme, c’est Pierre-Emmanuel Vaugrenard, écrivain tourmenté par une élévation sociale qui le culpabilise. Les plus belles scènes du film sont celles où Vaugrenard, descendu à Marseille pour coller au plus près de ce drame qui l’obsède, se cloître dans sa chambre d’hôtel pour reconstituer les faits et tenter de comprendre. Il fallait bien le génie lumineux de Denis Podalydès, qui fait aisément oublier ses facéties de La conquête, pour tirer le meilleur de ce zébulon angoissé. Son Vaugrenard ressemble au Rouletabille qu’il interpréta par deux fois sous la direction de son frère et au détective Luigi Primo incarné par Sergio Castellitto dans le grand À vendre de Laetitia Masson (« Je suis France Robert).

Bien entendu, Podalydès n’est pas le héros du film. Roschdy Zem lui accorde néanmoins une place non négligeable, ce qui a d’ailleurs pour effet de sauver les meubles. Car pour le reste, Omar m’a tuer n’est qu’une reconstitution un peu plate, un assemblage factuel et plaintif d’où n’émerge aucune thèse, aucun point de vue. Le seul parti pris que semblent prendre Zem et ses co-scénaristes (dont Rachid Bouchareb) a même tendance à desservir Omar Raddad : là où il aurait fallu de la combattivité, du mordant, le film tombe régulièrement dans une victimisation outrancière. Il y a ici une façon assez complaisante de filmer Raddad en train de pleurer, de clamer son innocence, de subir les pires traitements. Après avoir réalisé le mignonnet Mauvaise foi, Roschdy Zem a sans doute imaginé avoir assez d’épaules et d’expérience pour s’attaquer à un tel sujet. Son film manque hélas de carrure, de style, d’intensité : c’est le devoir trop appliqué d’un élève crispé par son sujet.

À ce titre, la prestation de Sami Bouajila a de quoi faire débat. Si les qualités de l’interprète sont difficiles à remettre en cause, il se dégage de sa prestation une sorte de gêne. Méthode Actors Studio dans la poche, Bouajila s’est fait la gueule de Raddad, avec le même nez accidenté et le même front interminable. Il singe avec réalisme le regard perdu et mouillé de l’accusé martyr. Pourtant, sa prestation ne nous touche jamais, probablement parce qu’il ne s’en dégage aucune humanité, juste des tonnes de froideur. Le Bouajila qu’on aime, sensoriel, délicat, parfois sanguin, a laissé place à un technicien hors pair, une machine artistique sans faille, d’un terrifiant ennui. Si bien que l’une des affaires criminelles les plus saisissantes du siècle dernier, imbroglio policier et sous-texte politique à la clé, se mue à l’écran en un film conventionnel qui ne touche jamais. On a de la peine pour Raddad comme on en a pour le film, qui milite sans passion pour la réhabilitation de ce pauvre petit jardinier auquel la vie n’a pas vraiment fait de cadeau.

Note : 4/10