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De la même manière qu’il y a des films qui transpirent le cinéma, Portal 2 transpire le jeu : chaque mécanisme est comme un nouveau cadrage, chaque énigme est comme un nouveau montage. 4 ans après le premier épisode, nous n’avons toujours pas réussi à appréhender la puissance réflexive du système des portails, cette manière dont ces entrées et ses sorties jouent avec nos conceptions de l’espace et  notre manière d’aborder celui-ci (de la gravité à la notion de sol et de mur). Avec Portal, le FPS n’était plus une question de massacre ou de tactique mais une question de rapport entre le joueur à la première personne et son environnement, et mine de rien nous n’en sommes toujours pas revenus.

Lancé cette fois comme un jeu à part entière (et non comme une simple brique post Half-Life), Portal 2 n’oublie pourtant pas ses origines et privilégie le minimalisme et l’économie d’effets à la démonstration de force ; on pense alors à un groupe indé qui venant de signer sur une major chercherait à rassurer son public sur son absence de compromission. C’est un peu la première limite du jeu : alors que l’arsenal marketing promettait une épopée scénarisée et riche en cinématiques, le jeu décide de se passer de tous enrobages intermédiaires qui auraient permis de densifier le scénario. A chaque instant, on sent que Portal 2 est trop sûr de lui : trop sûr de son originalité, trop sûr de son charme old school, trop sûr de son génie ! La conséquence est qu’à force de se croire au dessus de tout et de penser que ses mécanismes se suffisent à eux même, il finit par perdre le joueur dans une aventure qui manque de sens et de romanesque. On les voit encore se marrer les développeurs : « des enjeux dramatiques ??? Mais à quoi bon lorsqu’on tient un concept si génial !!! »

Et ils n’ont pas tout à fait tort les programmeurs car oui le concept est évidemment génial ! Il est génial en solo, il est doublement génial en coop, il est génial dans les phases de test, il est génial dans ses escapades ! D’autant que Portal 2 cache cette absence d’humanité derrière un humour méticuleux, moins cynique que celui du premier épisode mais tout aussi absurde, au point qu’on s’en satisferait presque de cette absence de personnalité du personnage principal, et que, comme ses papas, on s’amuserait aussi à voir l’être humain traité par les robots comme un simple animal dénué de sentiments et de ressentis. Là aussi on hésite entre tour de passe-passe scénaristique et réel parti pris. Car si l’on ne cesse d’apprécier l’idée de jouer un personnage qui n’existe qu’à travers la vision des robots, qui ne se définit qu’à travers leurs mots, on réalise aussi que le jeu se défausse par la même de la question qui aurait pu faire de lui une grande œuvre SF à mi-chemin entre « Cube » de Vincenzo Natali  et « 2011, l’Odysée de l’Espace » de de Stanley Kubrick.

Il est alors assez paradoxal de constater que l’absence de vie qui régit et pèse sur la partie solo du jeu – alors que l’on y interprète un humain – disparait complètement dans le mode coop qui au travers de ses deux robots insuffle enfin la vie. Au final, la morale de Portal 2 est que tout aventure a besoin de fonctionner à un moment sur une interaction sociale, qu’elle soit humaine ou robotique.

Note : 7,5/10