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Aladdin est à la fois une rencontre et un conflit, et tout s’y joue à deux. Il y a deux époques sur la pochette de « We were strong so we got lost » mais aussi deux lieux, l’exaspération de la ville et le vide des campagnes, les verres un peu trop remplis et les clopes sans filtre. Formellement, on se demande si les deux protagonistes appartiennent à la même image, s’il ne s’agit pas d’un collage, puis on écoute « K.Maro » et on réalise combien le passé de Nicolas Ker et le futur de Dj Gilb’r s’entrelacent (« Key To Fort Knox »).

Nicolas Ker apparait seul sur la pochette de « We were strong so we got lost ». Bien qu’il s’agisse d’un album incroyablement duale, le côté pile de la pièce, le machiniste Dj Gilb’r, reste en retrait et n’impose pas sa silhouette. Sur la couverture l’homme de la lumière ; au dos l’homme du secret.

Parler de Nicolas Ker comme d’un homme de lumière laisse un gout amer dans la bouche lorsqu’on sait combien celle-ci l’a toujours soigneusement esquivé. D’un côté la lumière du peuple qui lui aura tourné autour pour finalement toujours s’en détourner au dernier moment, de l’autre la lumière divine qui ne l’aura jamais guidé en dehors des enfers.

Il se fiche alors de répéter comme un dément le titre d’une chanson («  The Secret Life of Animals »), il se fiche de pousser Dj Gilb’r dans des formats de chansons structurés, lui qui au sein de Château Flight ne connaissait que  les développements non calculés, il se fiche de lâcher ici une basse slappée ou bien de s’accoquiner avec un beat putassier, il se fiche de jouer la carte de facilité sur des titres comme « Mass Confusion » et de laisser les chœurs scander des refrains fédérateurs comme à la vieille époque, il se fiche de tout parce qu’il est intouchable : le chanteur de Poni Hoax est déjà revenu de tout sauf de lui-même ! Les seuls combats qu’il lui reste à mener sont contre sa personne ; le reste, il l’a déjà conquis à l’insu de tout le monde. Nicolas Ker est une anomalie contemporaine, un type un peu comme Daniel Darc, un spécialiste de l’auto-sabotage qui ne niera jamais son besoin de reconnaissance mais qui à côté de ça sera toujours incapable de se compromettre. La cold wave, Joy Division et la dépression pleine d’espoir, il a ça dans le sang, c’est de l’héroïne qui coule dans ses veines, un truc addictif contre lequel il ne peut pas lutter. Ca doit bien le faire marrer tous ces petits jeunes qui se réclament de, à lui qui vit comme.

Mais malgré cette obscurité qui l’entoure, il reste l’homme de la lumière ! Ca se voit dans son regard cyniquement malicieux, et dans son chant froid et précis sans jamais se prendre au sérieux. Car il faut le rappeler Nicolas Ker est un grand chanteur qui n’imite pas ses idoles, mais qui revit à travers eux.

Gilbert Cohen, lui, est alors un miroir qui réfléchit la lumière ; il l’alimente tout en se nourrissant d’elle. On se souvient alors de ce que Château Flight avait fait en 2009 pour La Caution tout au long de « Crash Test » leur album commun, on se souvient de la capacité du musicien électronique à se greffer aux univers des autres tout en les nourrissant. Et c’est exactement de ça qu’il est à nouveau question avec Aladdin : la rencontre entre une icône puissante mais brinquebalante et un bidouilleur discret mais bien ancré dans le sol.

Ca sent la clope, ça sent la bière, ça sent le whisky. A quoi pense cette fille ? Que peut-elle bien fixer ? Elle se remémore son histoire avec Nicolas Ker, elle se dit que les choses auraient pu se passer différemment mais qu’au final il restera toujours le même, qu’il ne changera pas et que leur histoire ne sera jamais dans la lumière, qu’elle restera en noir et blanc. Et alors, son attention est captée par la porte du fond qui s’ouvre : Dj Gilb’r se dresse devant elle, et elle sait qu’il prendra la relève.