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Ian MacKaye #2 : Waiting Room

Par Ulrich, le 01-07-2011
Musique
Cet article fait partie de la série 'Ian MacKaye' composée de 6 articles. L'équipe de Playlist Society raconte son histoire avec Ian MacKaye de Minor Threat, Embrace, Fugazi, The Evens… Voir le sommaire de la série.

Je me rappelle d’avoir tenu la K7 du tout premier EP de Fugazi entre les mains, petit objet dérisoire avec sa pochette en noir et blanc, son arête rouge, le tout serré dans son cellophane. Il n’y avait aucune mention sur la pochette, sauf ce simple nom en majuscule et noir qui se détachait sur le côté. FUGAZI.

Je me souviens d’avoir demandé des renseignements au disquaire chez qui je traînais alors. “Eux, ce sont les Fugazi, le nouveau groupe de Ian McKaye que tu connais déjà. Tu veux écouter le premier morceau ?” Tout l’art du bon disquaire en une phrase. Il venait de me donner la clé, celle qui est à jamais pendue à votre cou et que vous serrez fort contre votre coeur, lorsque vous sentez que tout s’écroule autour de vous.

J’ai donc écouté pour la première fois Waiting Room, première chanson du tout premier disque de Fugazi, au casque, chez ce disquaire de Montparnasse, aujourd’hui disparu. Il n’existe pas peut-être de meilleure introduction à l’esprit Fugazi que ce morceau, fut-il le premier. Il est devenu l’hymne du groupe, son plus gros succès aussi et les membres n’ont jamais boudé le plaisir de le jouer et le rejouer en concert.

I am a patient boy

L’introduction de Waiting Room m’avait alors complètement hypnotisé, retourné, drogué. Vingt ans après, j’éprouve toujours ce même plaisir innocent et enfantin à accompagner les premières mesures de ce morceau : la basse de Joe Lally, puis la batterie de Canty, la guitare de MacKaye, arrêt, puis reprise et à 39 secondes Ian MacKaye qui claque son I am a patient boy, I wait I wait I wait.

Tout, dans ces premières secondes, est une ode à la simplicité et au rythme. Elles marquent de leur fer rouge l’esprit de l’auditeur qui, surpris par la construction de cette introduction, se laisse embarquer pour la suite. Pour ma part, je ne sais toujours pas quel est le plaisir vénéneux qui me pousse à prendre ce pied monstrueux. J’ai écouté des milliers de fois ce morceau et je me fais agréablement avoir, à chaque fois. Est-ce la basse mélodique de Lally qui insuffle un semblant de chaleur et de groove à un morceau par ailleurs brut et sans artifice ? Sont-ce ces quatre secondes d’arrêt à la 22ème, qui rompent volontairement toute idée d’embrigadement ? Ou la découverte de tous ces petits détails qui l’agrémentent ? Par exemple, ce son de cymbale façon maracas. Sont-ce tout simplement les interventions vocales de Picciotto qui, laissant sa guitare de côté, accompagne au chant MacKaye ?

Vingt-trois ans après, je me pose toujours ces questions et espère au fond ne jamais trouver la ou les réponses. Je sais simplement que si, un jour, on me demandait à quoi l’esprit punk ressemblait, ma réponse tiendrait en deux fois une poignée de secondes : le cri blanc de Johnny Rotten sur Anarcky in UK et cette intro de Fugazi, charge après au mélomane de découvrir par lui-même toute la symbolique de ces deux choix.

Function is the key
Inside the waiting room

Mais, après tout, j’ai une clé autour du cou, il me suffirait de l’introduire dans une serrure pour y trouver ces réponses. Mais aurais-je ensuite la patience d’attendre dans cette salle d’attente ? I’m not a patient boy et le temps peut bien fuir entre mes doigts, je pense que même dans ma tombe, je chanterais avec les vers de terre ce Waiting Room, seul continent au monde où je connais chaque coin et recoin et sur lequel, je me sens aussi à l’aise que cette eau qui s’écoule jusqu’aux égouts de ma conscience.