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inFAMOUS 2 (PS3)

Par Benjamin Fogel, le 12-07-2011
Jeux-vidéo

[Attention Spoilers] En amplifiant les concepts du premier épisode, en voulant faire pareil mais mieux, inFamous 2 échoue à faire cohabiter ses deux ambitions : créer un nouveau super héros à la mythologie bien portée, et offrir aux joueurs des alternatives constantes entre le bien et le mal. Chacune s’oppose à l’autre et contredit ses envies ! Les scénaristes ont beau jongler avec la liberté, le joueur finit toujours par trinquer.

Pourtant, l’incompatibilité entre les deux leitmotiv du jeu semblait dès le départ inéluctable : qui dit mise en exergue d’une mythologie dit destinée et construction d’une tragédie propre ; or, à force de détruire la notion de destinée en laissant aux joueurs le choix, inFamous 2 n’arrive jamais à se construire et à donner de l’ampleur aux personnages de Kuo et Nix, les deux femmes qui incarnent chacune un pendant des deux orientations possibles. Alors que le final de inFamous permettait dans tous les cas à l’histoire de retomber sur ses pieds – elle prônait alors l’idée que peu importe le karma de Cole, celui-ci était condamné à la même histoire – celui de cette suite offre deux directions opposées (sacrifice de Cole et destruction des « porteurs » dans le premier cas ; métamorphose de Cole, incarnation de la bête et décès de Zeke, dans le second). La mythologie en prend alors un coup ! Alors que pendant toutes l’aventure, on imaginait déjà Cole à la tête d’une nouvelle race de mutants, alors qu’on entrevoyait un développement à la X-Men dans un monde tremblant face au démon, dans un monde plein de milices et de nouveaux monstres, alors qu’on s’imaginait déjà entrain de jouer Kuo, Nix et autres hommes-araignées dans un inFamous 3, voilà que la logique du choix nous impose de couper court à tous nos fantasmes ; à moins de sortir un inFamous 3 version bleu et un inFamous 3 version rouge incrémentant la notion de réalités parallèles, toute pirouette semble à ce stade impossible. Alors que la mythologie semblait seulement se construire, faut-il déjà y voir sa fin ?

Ce qui fonctionne dans des « stand alone » comme Heavy Rain ne devient ici qu’une illusion, une suite de miroirs fallacieux qui laissent croire au joueur que les possibilités sont multiples. Mais la vérité du karma est tout autre : dès le départ les dès sont jetés ! Que l’on choisisse la voie du bien ou la voie du mal, il faudra s’y tenir tout au long du jeu, sans revirement possible ! De plus, il s’agit toujours de choix réalisés en connaissance de cause ! On sait dès le départ sur quel résultat débouchera la fourniture de médicaments aux révolutionnaires vs l’idée de les manipuler pour les pousser à la guerre. Connaître à l’avance le résultat des actions ôte tout sens au choix et replace simplement l’histoire sur un double destin ; un retour à la case départ, mais cette fois avec une mythologie bien entaillée. Le choix n’implique jamais de conséquence imprévisible, l’Enfer n’est jamais pavé de bonnes intentions. inFamous 2 ne souffre pas du manichéisme, il souffre du manichéisme à l’origine de son manichéisme.

Pourquoi ces considérations si essentielles sur le papier et dans la construction de l’œuvre, ont-elles été développées comme un simple gimmick, comme un background sans conséquence ? En parcourant New Marais, en se faufilant au travers cette Nouvelle-Orleons imaginaire mais tout autant ravagé par Katrina, en combattant au corps à corps, en tirant des éclairs dans les cieux, en traversant l’espace sous une impulsion électrique, en absorbant l’énergie de la ville, en blêmissant face aux incursions d’éléments des survival-horror, en hurlant à la mort à chaque chargement de l’IMS, on comprend alors ce qui se cache vraiment sous les pouvoirs de Cole : un plaisir de l’instant ou la liberté n’est pas une question de choix mais juste une notion de déplacement dans l’espace, de course, de vitesse et d’adrénaline dans le combat.

S’il vaut mieux un destin écrit à une fausse liberté binaire, il faudra alors oublier le futur pour se contenter de l’instant présent, de ces moments qui précèdent les aiguillages. Et là, les rails ne seront plus une contrainte mais bien un allié pour apprécier les décharges qui parcourent le corps.

Note : 7,5/10