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Dans le sombre et petit cosmos du net, on a assimilé The War On Drugs au génial Kurt Vile. Il y était le guitariste. On l’imaginait comme Roger Waters, l’architecte du son, le compositeur, celui qui fabriquait de ses mains nues les cosses dans lesquelles viendrait s’allonger la voix d’Adam Granduciel. La langueur doucement psychédélique des War On Drugs, c’était l’œuvre de Vile. “Arms Like Boulders” était le tube en puissance de Kurt Vile avant qu’il ne se lasse et s’en aille, les cheveux toujours aussi gras, se confronter à son avenir. Kurt Vile se serait défait de l’étiquette War On Drugs tout en profitant de la légitimité du groupe. Un halo de fumée comme auréole, et Kurt Vile est le nouveau flambeau de la musique américaine dans toute sa splendeur, entre folk, rock et alternative, quelque part entre un Bob Dylan et un Stephen Malkmus.

Dans ce magnifique parcours, on oublierait Adam Granduciel. Il n’est pas le catalyseur, la voix par laquelle le talent de Vile nous est arrivée aux oreilles. Il aurait été trop facile d’enterrer The War On Drugs une fois Kurt Vile parti vers de nouveaux horizons. The War On Drugs ne reposait même pas sur un équilibre entre les deux membres. The War On Drugs, c’est l’œuvre de Granduciel, son joyau, c’est la came qu’il a faite pousser lui-même sur son balcon de Philadelphie. La ville de la fraternité, comme par hasard. Kurt Vile le dit, The War On Drugs, c’est le groupe d’Adam, son meilleur pote. Adam a joué un peu pour Kurt, alors Kurt lui a rendu la pareille. Un album sort, et nous voilà à notre confusion initiale. Rien de ce que vous entendez dans Wagonwheel Blues n’est dû à Kurt Vile. Il faut se rendre à l’évidence, on est face à deux enfants terribles du rock indépendant US. Ce ne sont pas les frères Gallagher, non, ils ne se battent pas, ils s’aiguillent. Et ainsi, Vile et Granduciel ont trouvé la fibre, le son, l’atmosphère qui rafraichiraient l’indé à grand coup de volutes de fumée, de voile devant les mots et d’envolées acides.

Alors on se retrouve, comme ça, devant le dernier album d’Adam Granduciel. Sans Kurt Vile, mais avec cette langueur charnelle, cette force toute en retenue, qui déboule sans à-coups. On se retrouve à écouter la suite logique de Wagonwheel Blues, on se retrouve à entendre exactement ce qu’on attendait de The War On Drugs. La fougue a laissé sa place à une fausse lassitude inébranlable.

The War On Drugs sort Slave Ambient chez Secretly Canadian, cette année. Pas d’émois comme “Arms Like Boulders“, mais une évidence : il faudra compter avec Adam Granduciel, maintenant.