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CYCLO – Id

Par Benjamin Fogel, le 22-09-2011
Musique

Je pensais que le chercheur de vide allemand Alva Noto (Carsten Nicolai de son vrai nom) collaborerait ad vitam aeternam avec le musicien japonais Ryuichi Sakamoto (auteur des musiques de Furyo et du Dernier Empereur pour ce qui est de ses travaux les plus connus), je pensais que le duo avait muté en une entité indissociable, en un pont éternel qui reliait non seulement les générations mais surtout deux écoles de la texture sonore, le minimalisme pour le premier, l’ambiant pour le second ; la sortie cette année du très bon « Summvs », cinquième manifestation sonore de leur imbrication, me confortait dans cette conviction.

Et pourtant…

Non seulement, « Summvs » sera la dernière étape d’un cycle que les deux auteurs considèrent comme terminé, mais surtout c’est au sein d’une nouvelle entité que Alva Noto se rematérialise immédiatement ! Enfin je dis « nouvelle » dans le sens différent et inattendu, car c’est en réalité le projet Cyclo qui renait de ses centres en 2011, une décennie plus tard après son premier et unique album. Cyclo, cette machine bicéphale où Alva Noto fusionne avec un autre japonais : Ryoji Ikeda ! Ryoji Ikeda, le bidouilleur au touché millimétré, le dépeceur de l’IDM !

Cyclo est ainsi l’antithèse du duo Alva Noto / Ryuichi Sakamoto. Alors que le second était une histoire de complémentarité et d’élargissement des recherches, le premier est une histoire de superposition, d’infinis mélanges pour une introspection en duo d’un micro segment devenu depuis longtemps la maison des deux musiciens. Oui Cyclo est un nouveau plongeon dans les tréfonds du minimalisme, une répétition hypnotique de ce que les deux hommes font depuis toujours. La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent ? Alors, ces deux là sont définitivement fous ! Lorsqu’on écoute « Id » pour la première fois, on se demande « pourquoi ? ». Pourquoi refaire à deux ce qui a déjà été fait mille et une fois seul ?

Sur le papier de telles rencontres relèvent du fantasme – c’est Richard D James qui renverrait la balle à Thomas Jenkinson, c’est Burial et Kode9 créant des Wobble Bass à quatre mains – mais dès qu’elles se concrétisent, elles ne peuvent que décevoir et il est impossible ici de distinguer à l’oreille les apports de Alva Noto de ceux de Ryoji Ikeda ! Mais le travail des deux producteurs ne s’arrête justement pas aux limites de  notre audition. Car tout aussi musical qu’il puisse être, « Id » possède un alter ego visuel : chaque morceau a été crée pour réagir avec l’œil de manière à ce que les sens se répondent entre eux. Sur le site de Raster Noton (le label qui les a toujours accueilli) on peut lire : Since the beginning of the cyclo. project, the artists have developed a database of sounds composed to produce visual responses when analysed in real time with the help of stereo image monitoring equipment. Phase and amplitude of stereo signals can be illustrated graphically: the audio elements are constructed through the minute editing of frequencies (often beyond the physical range of human hearing) and selected by the artists for their visual characteristics when analysed. Through processes of composition, editing and experiment, cyclo. is amassing an ‘infinity index’ of sound fragments.

Il se passe alors quelque-chose d’étrange : face aux oscillations visuelles, à cette extrapolation scientifique de la musique, le corps vient alors prendre le relai des sens. Alors que tout pousse vers la rationalisation et l’illustration, vers la compréhension des limites de nos sens et la manière dont la physique peut nous aider à les compléter, le corps se met à comprendre « Id » sans la moindre aide du cerveau ! Cyclo devient une machinerie de l’intérieur, un micro amplifié greffé à l’intérieur de notre corps : c’est notre cœur qui bat, c’est ces petits os inconnus qui vibrent, c’est le sang qui fuit, c’est les organes qui travaillent. Tous ces sons, qui isolés ne veulent rien dire, n’ont pas de sens et représentent une forme d’impossibilité, s’enchevêtrent, se croisent et ne forment plus qu’une ligne compacte sur l’écran de l’ordinateur. On se sent alors comme perdu au Grand Palais lors de l’exposition « Personnes » de Boltanski.

En niant ses sens, en n’écoutant plus, en ne voyant plus, la magie de « Id » apparait : les sons connus se délitent (« ID#4 »), les sons se fragmentent (les courts et divines fractures de « ID#6 ») et bientôt ce ne sont plus des fréquences qui apparaissent sur l’écran mais bien une illustration de notre vie qui file avec ses chocs, ses tracas, ses respirations et ses amours.

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