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Les paroles de « Father, Son, Holy Ghost » ne laissent aucun doute sur le sujet : Girls ne parle jamais de l’amour entre deux êtres, mais toujours de la forme que Christopher Owens voudrait donner à cet amour. Les declarations d’espoir s’enchainent alors tout au long des chansons : You might be right around the corner / And you’ll be the girl that I love” […]You’ll look at me and know I’m the one / And you will love me / For all the reasons everyone hates me (« Honey Bunny ») ; Just like I used to say, “My love is true.” (« Saying I Love You ») ; Cause there’s something that I get from myself / And there’s something that you give to me / Well, I got one without the other /  Well it’s not enough to be / I need your love (« Vomit »). Il n’y est jamais question de changer pour l’être aimé, de faire des sacrifices ou de se battre pour elle. Non, ce sont des chansons autocentrées où Christopher Owens vit dans l’attente de l’amour. Il s’imagine habité par le romantisme, mais il n’est peut-être  bien qu’un jeune homme capricieux et prétentieux ! Il s’imagine que c’est à l’âme sœur de le trouver et que le destin lui amènera celle qui le dorlotera dans ses pires défauts. On a alors rapidement envie de le bousculer, de le sortir de ses apitoiements et de ses insupportables jérémiades, et comme, malgré nos conseils et  notre soutien, il continue de s’enfoncer avec cet air de chien battu, on rêve ensuite de le bousculer, de lui mettre une bonne claque et de lui faire mal pour de vrai : Tu cherches l’amour mon grand ? Et bien bouge-toi un peu et cesse de te lamenter ? L’amour ça se gagne, ce n’est pas un don du ciel !

Du coup, on se retrouve rapidement avec « Father, Son, Holy Ghost » dans le même système attraction / répulsion qui caractérisait « Album ». D’un côte on est touché par la conviction de ce grand gaillard et par la beauté de sa candeur, de l’autre on se retrouve vite exaspéré par ses minauderies. Successivement, tout au long de ce second disque, on s’imagine alors soit le serrer dans nos bras soit le frapper de toutes nos forces ! On a envie de gerber face à tous ces bons sentiments et ces affections d’un autre temps, et on vacille sous les relents de textes d’une mièvrerie insoutenable et sous les guitares qui dégoulinent honteusement. Mais, à chaque fois, qu’on croit être arrivé au bout de nos limites et qu’on s’apprête à rendre les armes, un étrange pressentiment nous pousse à continuer l’écoute : et si cette haine de Girls n’était qu’une manifestation de notre jalousie, d’une innocence perdue ? N’en voudrions-nous pas juste à Christopher Owens de nous jeter en pleine gueule ses convictions à nous qui ne croyons plus en rien ?

Tout comme il est incapable de se remettre en question dans  le cadre de sa vie sentimentale, Christopher Owens ne prend jamais de recul sur sa musique ! Il fait ce qu’il a à faire avec une croyance absolue dans ses capacités et dans ses mélodies. Comme on pourrait ad vitam aeternam lui reprocher son romantisme sans jamais influer sur celui-ci, il semble impossible d’agir sur sa musique. Cet homme est une tête de mule qui sait où il va, et, quelles que soient nos divergence d’opinion, on finit par le respecter pour ça. Parce que Girls n’est pas un groupe qui triche et parce que c’est une qualité trop rare aujourd’hui pour ne pas y accorder de l’importance. Oui ce grand benêt est une tête à claque aux émois éculés et au maniérisme excessif, mais il préfère ça que de faire semblant d’être ce qu’il n’est pas. C’est cette idée qu’il faut conserver de lui ; et s’il doit devenir l’icône d’une génération, il ne faudra pas que ce soit pour ce qu’il représente, mais pour la manière dont il ne représente que lui-même. Il ne doit pas incarner l’éphèbe abandonné qui contraste avec les postures musicales trop calculées, mais bien l’homme fragile qui accepte ses malformations affectives et qui s’affirme comme un humain avec un petit h.

Ainsi « Father, Son, Holy Ghost » fourmille de chansons à l’intimité renversante. Girls a beau s’acoquiner avec toutes les pièces de l’histoire du rock, il conserve, non pas une incroyable personnalité, mais une étonnante unicité : ce n’est pas de l’originalité mais bien une capacité à transposer le patrimoine musical sur ses propres problématiques. C’est le romantisme et le réalisme, c’est le discret et l’imposant, c’est le club de banlieue et le stade national, c’est la sensibilité de la pop anglaise (des Beatles aux Smiths) qu’on trempe dans toute l’histoire américaine (de la soul de « Love Like A River » au hard-rock de « Die »), et Christopher Owens devient un crooner magnifique, un type à l’aise dans tout ce qui est vrai pour lui. Il arrive ainsi à offrir un sentiment d’universalité via des textes qui, de par leur affligeante banalité, ne devraient parler à personne. Il transcende sa propre médiocrité en l’assumant.

Pourtant ça continue de dégouter à tout bout de champ : ça transpire le pathos, ça lorgne vers les ballades de Guns N’Roses, et la relation attraction / répulsion ne semble ne jamais en finir ! Mais Girls est cette fille vers qui l’on revient toujours comme un aimant ; et ce souvent contre notre volonté ! Il faut s’y voir : on la moque pour ne pas laisser sous-entendre qu’on la trouve belle, on conspue sa vulgarité pour ne pas s’avouer qu’on a envie d’elle ; on couche avec elle, mais on fuit au petit matin ; on  ne veut plus jamais la voir, mais elle nous obsède ; il n’y a rien qu’on apprécie en elle, mais on l’aime quand même. Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, … pour une femme…qui n’était pas mon genre ! Oui, et le pire c’est que cette fois nous en avions conscience dès le début. Mais que pouvions nous faire d’autre ?

On ne peut rien faire car Christopher Owens a cette aptitude à transformer le mauvais goût en raffinement, la guimauve écœurante en pépite doucereuse. Il rajoute des couches et des couches (des chœurs gospels, des orgues célestes, et autres arrangements luxuriants…), s’approprie le kitsch et ose les solos risibles, et on ne se sent même plus le courage de s’en offusquer. Les chansons sont d’une telle justesse dans l’improbabilité de leurs mélanges qu’on finit par s’en émerveiller (« Vomit » et son passage noisy qui contraste avec son final dans une église de Harlem). Les morceaux deviennent catchy comme chez R.E.M, le lyrisme ne se refuse rien, les refrains meurent au profit de la renaissance de la pop (« Alex ») et la guitare, véritable prêtresse de ce « Father, Son, Holy Ghost », offre tout l’éventail de ses facettes ; on se loge dans les accords malingres de celle-ci et l’on ne se sent plus capable d’en sortir (« Just A Song »).

Lorsque sur « Alex », Chritopher Owens pose la question Would you listen to a lover’s song ? Would you hold my hand ? on a envie de se laisser dévorer par la lâcheté et de fuir ! Que ferait-on de tout cet amour ? Mais on moment de franchir le pas, « Honey Bunny » résonne à nouveau ; on se sent sale et jeune, chétif et faible ; on se déteste mais, comme Girls, on finit par s’accepter. Et enfin, on se fichera du qu’en dira-t-on ; les autres peuvent bien crever, nous savons où nous allons.

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