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Creepoid. J’suis pas fan du nom. Et ça m’inquiète un peu de savoir que c’est le genre de choses qui peuvent faire le succès ou l’échec commercial d’un groupe, parce que j’ai un vrai coup de coeur pour ce groupe de Philadelphie dont Horse Heaven est le premier album. S’il fallait créer un terme à la con comme adorent le faire les critiques musicaux, je dirais que Creepoid fait dans le grunge-psyché-folk, ce qui ne vous dit probablement rien. En y réfléchissant deux secondes et en mélangeant la musique des vos groupes préférés de grunge, psyché et folk, vous devez vous dire Creepoid fait du psyché-cracra avec une guitare acoustique qui se balade entre deux vagues de hurlements primaires. Et bien vous ne pourriez pas être plus éloigné de la réalité.

J’adore vous dire ce que vous êtes en train de penser, pas vous ? C’est un des trucs que je déteste, quand les critiques culturels vous donnent l’impression que ce qu’ils ont ressenti est ce que tout être normalement constitué devrait ressentir. Pourtant je le fais de temps à autres, my bad.

Je me demande par où commencer. D’habitude, j’écris une critique sans brouillon, tout ce que je veux dire se trouve entre mes deux oreilles et j’arrive à le sortir de manière plus ou moins cohérente. Mais là j’ai eu l’idée saugrenue d’écrire un brouillon, et j’suis perdue. Il y a quand même des mots-clé qui résument à peu près l’affaire : « tristesse adolescente », « bonjours les acouphènes », « inévitable explosion grungy », « orgie électrique », « pas très joyeux tout ça », « gamins talentueux », « ‘Spirit Birds’, c’est Patti Smith à Halloween », « je ne serais pas surprise qu’ils se baladent sur scène avec des têtes réduites accrochées à leur pied de micro », « quand est-ce qu’on mange ? »…

Les brouillons, c’est bon pour les dissertations de philo, pas pour des critiques d’albums.

Même si la voix féminine du groupe vient apporter quelque peu de luminosité à l’ensemble, l’ambiance sur cet album est plutôt pesante. Ne serait-ce que par la musique, mais si vous prêtez attention aux mots, vous vous rendrez compte qu’il y a des trucs à se couper les veines de tristesse, même s’ils les chantent avec une étrange nonchalance. Imaginez deux anges qui chantonnent « it’s gonna kill you all » pendant qu’une vidéo pleine explosions nucléaires passe en arrière-plan, et vous avez l’exacte image mentale que je me suis dessinée pendant « Horse Heaven », qui clôt l’album.

Avant ça, il y a « Enabler », qui est une bonne synthèse de tout ce que j’aime chez ce groupe. Ce morceau est une bombe. Les voix de ces jeunes gens me font penser à celles The XX, très posées, très calmes, pas exceptionnelles mais suffisamment belles pour capter l’attention et la prendre en otage pendant la durée du morceau. La musique, elle, monte tranquillement en puissance, avant l’inévitable explosion grunge qui, dans le cas d’ « Enabler », va faire trembler vos murs. Bonjour les acouphènes. Les trois dernières minutes de ce morceau sont une orgie électrique à couper le souffle.

Les aspects psychédéliques de leur musique lui confère parfois un aspect franchement cauchemardesque. On parle souvent de « brume psychédélique », je ne vois vraiment pas d’autre métaphore, c’est exactement ça. Ce n’est pas la « purple haze » de Hendrix, mais plutôt une brume anthracite et quasi-opaque de laquelle sortent les belles et mystérieuses voix du groupe. Je ne connais pas d’autre groupe qui ait réussi à réussir le mélange folk, psychédélique, grunge et slowcore avec autant de justesse. Aucune fausse note, aucun mauvais morceau, une vraie personnalité musicale, une mixture musicale bien à eux qu’ils maîtrisent incroyablement bien. Et ce n’est que leur premier album, c’est vous dire s’ils ont de la marge pour faire évoluer leurs recettes et nous repondre des morceaux du calibre de « Enabler », « Hollow Doubt », « Staircase » ou « Find You Out ».