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Depeche Mode #3 : Sometimes

Par Ulrich, le 04-11-2011
Musique
Cet article fait partie de la série 'Depeche Mode' composée de 7 articles. L'équipe de Playlist Society raconte son histoire Depeche Mode. Voir le sommaire de la série.

Un jour, dans un vague pays imaginaire, je crus reconnaître une muse, Euterpe, prête à souffler dans le coeur d’un poète, quelques mélodies douces. Affublée de sa célèbre flûte, elle était un peu plus grande que la moyenne, elle me précédait de quelques pas. Mais alors que je me hâtais de la rejoindre, elle tourna brusquement dans une allée et le temps que j’atteigne le coin de la rue, elle avait disparu. En une seconde, elle était devenue inaccessible, me laissant comme un couillon au bout de cette allée, à maugréer sur mon infortune.

Black Celebration provoque ce même tourment qui finit par générer chez moi un énervement latent, se manifestant par son écoute frénétique. Il peut être poussé à son paroxysme lorsqu’on me demande de choisir un morceau, je deviens l’âne de Buridan, qui ne sait à quel seau d’eau et avoine se vouer et crève silencieusement de sa bêtise.

Avouez que crever la gueule grande ouverte devant sa chaîne HIFI, c’est tout sauf glamour. Pour éviter donc ce désolant spectacle, j’ai décidé de ne pas choisir et surtout de ne pas céder à la pression amicale de mes camarades qui, croyant m’aider, me soufflent en choeur que je devrais jeter mon dévolu sur Stripped. Oui mais non. Stripped est par trop évident. Pourquoi ne pas choisir alors A Question of Time, A Question of Lust ou le titre éponyme ? Oui, pourquoi pas ? Ces titres, dignes du Best Of de Depeche Mode, égayeraient bien des chroniques mais j’ai décidé de ne pas choisir ou si, j’ai choisi… de siffloter le temps de cette parenthèse, Sometimes.

Morceau court et surtout emblématique de l’évolution future de Depeche Mode. Sometimes, dans son écrin minimaliste, préfigure le prochain album, le luxuriant Music For The Masses. Sometimes, c’est la pépite cachée de Black Celebration, presque une démo. Bien avant U2 et son fatiguant Rattle and Hum, Martin Gore en 1 min 54 sec place sa voix sur un étonnant gospel, accompagné par le seul son d’un piano fantômatique et l’écho de la voix de Dave Gahan qui lui répond en canon. Lorsqu’on s’attarde sur cet album, on est tenté de zapper Sometimes et de ne retenir que les tubes en puissance que sont Stripped et le reste. Pourtant, la ligne mélodique légèrement vaporeuse de ce morceau ancre Black Celebration dans une nostalgie langoureuse. Les paroles simples (simplistes, diront certains) participent au spleen général qui se dégage de l’album, Martin Gore jetant un regard plus que désabusé sur le monde qui l’entoure.

I can be tiring
Even embarrasing

En apparence, ces paroles ne feront guère de bruit dans le Landerneau du songwriting. Des mots simples qui s’inscrivent dans la lumière oblique, légèrement mordorée, d’une fin de journée ; un chant cathédrale qui s’élève dans une contrée lointaine, à l’atmosphère septentrionale et n’incite guère à manifester une quelconque joie.

Sometimes est une pause, un souffle, voire un hoquet, dans un album qui ne respire guère le bonheur, avec ses nombreuses ballades déprimantes. Sometimes, c’est le dernier refuge avant d’attaquer l’Everest de l’album, Stripped. Sometimes, c’est enfin comprendre ce que deviendra Depeche Mode, un groupe à la trajectoire non rectiligne, ancré dans un quotidien où la politique est présente, même s’il n’est pas, à proprement parlé, un groupe à messages.

Au départ, il y eut un groupe qui pervertit la musique industrielle avec la pop et en une poignée d’années, il parvint à hisser sa musique à un son hautement distinctif. Black Celebration fut la première marche qui conduisit le groupe au sommet et Sometimes, petit morceau à l’apparence anecdotique, fut un petit grain de sable nécessaire pour stopper une machine lancée désormais à très grande vitesse.

***

L’intégralité de la série Depeche Mode :