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THE BLACK KEYS – El Camino

Par Collectif, le 12-12-2011
Musique

Cette chronique a été écrite par 8 des 17 membres de Playlist Society, chacun s’appuyant sur les paragraphes précédents de ses camarades. L’exercice est particulier puisqu’il s’agit d’une fiction tentant de refléter ce que nous avons pu ressentir après l’écoute de cet album. La note globale n’est pas une moyenne mais une illustration du ressenti de la majorité. Ainsi, à raison d’un paragraphe par auteur, vous retrouverez ci-dessous dans l’ordre d’apparition les textes de : Alexandre (7,5/10), Jean-Sébastien (5,5/10), Eddie (5/10), Nathan (3,5/10), Anthony (6,5/10), Benjamin (5/10), Catnatt (4/10), Ulrich (note plutôt basse).

Au soleil couchant, rien de plus plaisant que d’oublier l’harassant travail à l’ombre d’une taverne avec une bonne bière. C’est ce que je m’apprête à faire, en vieux loup solitaire, tee-shirt de Led Zep en seul étendard de drague. Je n’avais pas eu le temps de tremper mes lèvres dans le délicieux breuvage qu’une élégante cow-girl pousse les portes du bar. Ligne fine d’une guitare de gitan, shorty saillant comme dans un film de Tarantino, la belle brune me rejoint au comptoir. Son regard de braise est déjà la porte d’entrée à une soirée de déchéance délicieuse.

Elle s’assoit à côté de moi sans dire un mot, mais son corps entier me parle ; manifestement il n’a pas réellement envie de ne faire que ça. Sans jamais m’adresser la parole, je perçois dans son attitude une attirance réciproque. Regards par-dessus l’épaule, moue boudeuse, propension à jouer bien trop fréquemment avec ses cheveux : tout m’appelle inexorablement vers elle. Exactement ce genre de fille que l’on imagine volcanique en pleine action. Elle craque la première, se tourne vers moi, dans le juke box résonne les premières notes de “Little Black Submarines”. Sa chair que j’imagine déjà moite ne demande qu’à ce que l’on danse ensemble.

Avec un sourire elle pose sa main sur mon poignet. Sans mots échangés nous quittons nos sièges pour une danse que je sais pleine de promesses. Cette soirée allait s’avérer parfaite. Prêt à la suivre n’importe où, je crains un instant qu’elle soit une de ces aguicheuses qui s’amusent à faire fantasmer les hommes sans jamais céder à leurs désirs. Ces préliminaires silencieux m’ont rendu électrique. Après tant d’efforts pour attirer mon attention, je ne saurais me contenter de quelques effleurements. Avec un plaisir non contenu, elle ondule langoureusement sans me quitter des yeux. Une, deux, trois minutes s’écoulent. Attend-t-elle un signe de ma part pour passer à la vitesse supérieure ?

Ces quelques minutes d’hésitation passent comme des heures. Je me sens happé dans un tourbillon. Je veux m’en échapper de toutes mes forces mais l’attraction est plus forte. Combien de temps pourrai-je encore supporter cet état étrange ? La beauté de l’instant devient fade dès que ma raison s’immisce. Elle me crie que tout est calculé, comme un ballet nuptial, que derrière ses élans de désir, dans cette danse des corps en fusion, il n’y a rien d’animal. Tout ça n’est qu’une parade bien calculée. Rien ne brûle, rien ne suinte. La spontanéité de nos gestes n’est qu’une chimère. Mais les vues s’emmêlent et ma raison se perd. Devant ce déchainement mécanique, mon corps prend le dessus, rien ne peut l’arrêter. Je lui glisse alors les quelques mots magiques dans l’oreille.

“Vous me…”. Le démarrage en trombe de “Dead and Bone” et sa rythmique chemin-de-fer ne me permettent pas de finir ma phrase. Mes mots, destinés à entretenir la tension, finissent par s’évaporer dans la salle. Car la brunette s’est déjà détournée de moi pour se précipiter sur le volume du juke-box. Au maximum. A quelques mètres de moi, elle a déjà oublié toutes les bonnes intentions qui semblaient nous guider doucement vers un prometteur échange de fluides. Au lieu de ça, elle saute sur place, hurle des “Wo-ho-ho-ho” et des “Naaaa Naaa” en agitant frénétiquement la tête. Ses cheveux balayent l’air, elle grimace en gloussant… Elle surjoue, c’en est insupportable. Je reste coi, seul à contempler le spectacle de cette gourde écervelée. Je m’avance alors vers elle…

…avec l’intention de mettre un terme à cette mascarade. Il n’y aura pas de passion, pas d’histoire d’amour. Cette fille me rend bête. Je me sens vil et faible. Je ne l’aime pas, elle ne me touche pas, mais ce corps, ces seins, ces hanches continuent de brouiller mon esprit. Je tombe dans les apparences, je me laisse emporter par les riffs, une couche de vernis recouvre mes pensées et asphyxie de nouveau ma raison : la quitter dans l’instant ou la posséder maintenant ! Je me dégoûte, je ne pense plus qu’au vide et au sexe, la tranquillité ou le plaisir, pas de milieu, pas de compromis, pas d’amour. Elle se colle contre moi, se frotte contre moi, mais sous la pression de sa cuisse, mon corps ne réagit pas : il va me sauver, il va décider pour moi ! Car, rien n’y fait, je ne bande pas !

Je me demande si je suis normal. Je vois bien les regards des autres sur elle, le désir, tant de désir… Je me secoue, je dois forcément louper un truc, je la regarde encore : lascive, elle continue sa prestation impudente, le corps tendu, mon impuissance, son épaule dénudée, « Sister », ma frigidité, sa chute de reins, mon apathie, la naissance de ses seins. De tout mon cœur, de tout mon sexe, je danse avec elle en espérant comme un forcené que l’appétit, la bestialité brûleront tout – le doute, l’indifférence, la vague répugnance- sur leur passage. Elle est belle à crever, comme une arme, comme un fusil mais qui ne serait pas chargé. Jolie fille à blanc. J’ai envie de hurler « Stop Stop » !

Le charme est brutalement rompu. Un déhanchement de trop, une oeillade trop appuyée, son faux grain de beauté, je ne sais… Mais brusquement, je reste à la porte de tout ce charme déployé. Je connais bien ce genre d’allumeuse, beauté de surface mais à la discussion paresseuse et ennuyeuse. Même dans une étreinte brutale et bestiale, il me faut plus qu’un simple échange de fluides. Cette fille-là a tout de la bombe sexuelle mais son côté factice s’est révélé au énième rythme pseudo crasseux. Je décide de la planter là, fatigué déjà, ravalant mon désir fugace mais inutile. En partant ainsi, je devine son incrédulité, ses gestes qui deviennent mécaniques… Elle est maintenant fidèle à son image : une jolie poupée gonflable sans âme.

>> Projet piloté par Catnatt

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