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A l’occasion du grand retour de Magazine, deux textes sur le groupe de Howard Devoto :
> Le 11/01 : The Correct Use of Magazine Part 1 par Ulrich
> Le 12/01 : The Correct Use of Magazine Part 2 par Benjamin Fogel

Howard Devoto est l’homme du coup de tête : il ne joue pas sa vie au dé, il la joue à l’instinct et avec une rapidité de décision à faire froid dans le dos. Quels que soient les enjeux du sujet, quelle que soit l’importance de la question, il prend, en un claquement de doigt, des décisions qui influeront sur toute sa vie ! C’est ainsi qu’il a quitté les Buzzcocks après le « Spiral Scratch EP », c’est ainsi qu’il a signé la mort de Magazine, c’est ainsi qu’il a arrêté la musique et c’est ainsi qu’il retourne vers elle. Il faut vraiment visualiser ce type qui aura choisi ses premiers collaborateurs, John McGeoch et Barry Adamson, sur un simple pressentiment : il a organisé des auditions ; ce sont les premiers qui se sont présentés ; il a su que ce serait eux. On pourrait alors penser que c’est un homme qui croit au destin et qui aime se laisser porter par le puzzle invisible de la vie, mais ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Sa façon de fonctionner à l’instinct n’est que la contraposé de sa capacité à ne pas avoir d’attache. Lorsqu’on se sait capable de tout plaquer du jour au lendemain (qu’il s’agisse de son groupe ou de ses amis), les décisions n’ont plus le même poids.

Howard Devoto est une sorte d’alter-égo raffiné de Mark E. Smith : tous les deux ont nourri leur post-punk de leur personnalité atrabilaire, tout en faisait de leur cynisme la marque de fabrique de leurs textes et de leurs déclarations. La différence entre les deux ? Lorsque Mark E. Smith pique une colère, il vire tout le monde autour de lui, alors que lorsqu’il arrive à saturation Howard Devoto préfère tout plaquer ; l’un retrouve la solitude en envoyant chier le monde, l’autre la recrée en se mettant à l’écart et en laissant le monde tourner sans lui. A eux deux, ils représentent les deux extrêmes de l’intransigeance envers soi-même que requiert le post-punk. C’est une musique où on ne peut pas tricher, où l’on ne peut pas faire le mariole ou jouer à la rock star, on ne peut qu’être soi-même avec les crises que cela comporte. Si son compère de The Fall se complet souvent dans des paroles abstraites, les mots de Devoto résonnent eux toujours d’une manière plus concrète, et du coup on retrouve cette nécessité de transparence qui ne l’a jamais quitté dans « Of Course Howard (1979) » et ce Loyal to my obsessions / And if you lose me, that’ tour loss and mine / And I’m sorry / And that’s a mark of my respect. Il faut dire que le leader de Magazine parle plus facilement de lui et que son cynisme se teinte souvent d’autodérision. S’il dénonce la facilité de la pop anglaise dans « Happening in English », il n’hésite pas non plus à se moquer de ceux qui l’ont érigé en mythe en clamant More mortal than ever et en minimisant son impact sur la musique par un And it won’t be going on forever / And we don’t be going to the moon. C’est pour cela qu’il raille la mort de Ian Curtis sur « Hello Mister Curtis (with Apologies) », ainsi que la sienne à venir. Il ne croit pas dans les icônes, il veut que les gens prennent du recul ; il est toujours ce grand démystificateur !

Howard Devoto disait que le punk devait être en évolution permanente, qu’il devait éviter de tomber dans les vanités éculées et être toujours prêt à faire l’inacceptable. Cet engagement de vision aura déterminé non seulement sa musique mais aussi sa vie ; et c’est aussi en ça que Magazine a toujours capté l’essence du post-punk. Aujourd’hui l’inacceptable pour Howard Devoto, c’est peut-être de reformer Magazine 30 ans plus tard et de cracher sur le mythe ; de revenir avec rien de neuf, de juste se marrer à réappliquer sa formule et de s’assurer de ne jamais bafouer son identité ; comme s’il se délectait de nous rappeler que la nouveauté c’est qu’il n’y plus de nouveauté. Les voilà donc qui redébarquent comme si de rien était, comme si rien n’avait changé ! Pourquoi maintenant, pourquoi que maintenant ? C’est juste que “maintenant” est le bon moment ! A 60 ans, Howard Devoto n’a pas peur du déclin – au pire, il fera avec – ; sa mort le hante déjà et il a juste envie d’en rire. Le seul indice qu’il nous laissera, c’est ce I was out probing the weakness in society. Sonder les abimes de la société et mettre en lumière la crasse avec ce mélange de rage et de sourire vicieux, voici bien ce qu’on attend d’un groupe de cette trempe !

Ne pas se plier aux codes, ne pas se plier aux diktats ! Né dans un monde codé où les styles musicaux devaient être clairement définis, Magazine n’a jamais hésité à nourrir son post-punk de synthés et de guitares d’obédience prog rock. Question d’opportunité ? Question de goûts ou de vision artistique ? Non, il s’agissait avant tout de pisser sur les règles, de montrer d’entrée de jeu que le groupe faisait ce qu’il voulait et qu’il ne se laisserait rien dicter. Cet acte de foi anime toujours « No Thyself » qui déborde de riffs grandiloquents et de notes de piano qui bavent (« The Worst of Progess…). Mais Magazine ne joue pas avec le kitsh, son engagement le transcende et lui permet de livrer un post-punk bigger than life, de jouer avec les références ; sur « Physics », Howard Devoto se transforme en crooner magnifique à la Mike Patton, et nous rappelle que rien n’est impossible pour le groupe de Manchester.

Certes le guitariste Noko (son collègue de Luxuria) n’est pas John McGeoch, mais du fait que « No Thyself » est l’album qui aurait pu suivre « The Correct Use of Soap » en lieu et place de « Magic, Murder And The Weather », on se dit qu’il apporte plus au groupe qu’un Ben Mandelson. Si son jeu manque d’inventivité, il se niche suffisamment dans celui de McGeoch pour assurer la continuité. En parlant de continuité, on peut aussi noter que, tout comme celle de l’EP « Give Me Everything » (1978), la pochette de « No Thyself » est tirée d’une œuvre d’Odilon Redon. Même si Magazine n’a jamais été un groupe qui vivait dans le rêve et l’ésotérisme – et ce malgré les interprétations libres que peuvent générer certains des textes de Devoto –  il y a une phrase d’ Odilon Redon qui rentre curieusement en résonance avec Howard Devoto : « L’artiste vient à la vie pour un accomplissement qui est mystérieux. Il est un accident. Rien ne l’attend dans le monde social ».

Nous n’avons aucune garantie que Magazine publie d’autres œuvres après ce « No Thyself », mais avons-nous déjà eu des garanties avec ce groupe ? Les garanties sont contraires à sa nature. Ces types-là apparaissent et disparaissent, et nous n’avons aucun contrôle dessus ; leurs albums ne sont pas liées à une année et se passent de repères ! Et tant mieux s’il est impossible de dater ce cinquième album, car l’intemporalité est le moteur de Magazine.

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