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Cloud Nothings est un bel exemple de cheval de Troie. Avec son franc-parler et sa gouaille de jeune branleur, Dylan Baldi, 20 ans, se présente comme un artiste très conforme à son époque : spontané, geek et je m’en foutiste. Romantique débraillé, adepte de culture lo-fi, il place tous les adeptes actuels d’indie-rock dans leur zone de confort. Si bien qu’on aurait tôt fait de voir dans le groupe de Cleveland une simple émanation contextualisée, transitoire, comme tous ces groupes qui, le temps d’une année ou deux, écument les blogs hipsters avant de disparaître avec les changements de vents.

Le cas de Cloud Nothings est plus subtil. Car derrière le vernis lo-fi, depuis quelques années véritable passeport transnational, on arrive à déceler des partis pris sous-jacents bien moins consensuels. Il n’y a bien que le très ancien Turning On (2010) qui n’exploitait rien d’autre que l’esthétique Gorilla vs. Bear « effet décoiffé ». L’album éponyme de l’an dernier poussait en effet déjà tellement loin les curseurs de fraîcheur et d’insouciance que cela sonnait bizarre, qu’on se rendait compte qu’un sacré écart se faisait sentir entre les influences proclamées de Baldi (principalement le post-punk et la pop 60’s) et la réalité de sa musique. La vitesse inhabituelle des compositions, la blancheur des voix et le blocage affectif à 15 ans concordaient suffisamment pour que l’on puisse ressortir un attirail inusité depuis de nombreuses années : la pop-punk, la college music et l’emo des origines. Soit des matières hautement ingrates que Cloud Nothings réussissait à embellir avec l’urgence de sa production et un extraordinaire flair mélodique.

Un an plus tard, et dix dans la tête, Attack on Memory déterre d’autres cadavres. Le disque est plus sombre et orageux. Plus menaçant et revendiquant. Et c’est toujours le même procédé à l’œuvre dans la dialectique entre le groupe et son public : on joue avec les mythes. Barthes s’amuserait d’ailleurs bien à nous décrypter les grandes constructions fantasmatiques autour de par exemple Pavement ou Steve Albini. Et Cloud Nothings s’amuse avec ces figures, singeant les Pixies dès les premières mesures de « No Future No Past » et banalisant le travail d’Albini à la moindre occasion. Attack on Memory a les deux pieds dans les années 90, mais en rigole. Et ce qu’il y a d’important et d’intéressant, c’est qu’outre ces apparats de légende – Baldi se parant des costumes les plus fabuleux de la culture indie –, Cloud Nothings amène aussi des éléments de culture qu’on dira dépassés pour ne pas dire négatifs.

Dans leur précédent essai, les jeunots recyclaient sans problème, au nez et à la barbe de tous, les influences de Green Day et Blink 182. Dans Attack on Memory, ces retours de mémoire se font plus noirs. En fait, l’essentiel de cet album se situe à la lisière entre post-hardcore et emo, dans une zone poreuse où l’on retrouve aussi bien la vigueur et la crédibilité de Fugazi et Refused que la folie mélancolique de Cap’n’Jazz et Sunny Day Real Estate. Des groupes plus ou moins voués au passé dont l’ombre, tout à coup, ressurgit au sommet des charts et des médias influents. Et c’est bien là que se situe l’astuce homérique de Cloud Nothings : agiter les mythes lo-fi et noisy d’aujourd’hui pour faire débarquer discrètement des groupes controversés ou oubliés. Affrioler d’un côté et subvertir de l’autre.

Parce qu’il ne faut pas se tromper, si l’on retrouve bien sûr ça et là quelques clins d’œil à notre culture majoritaire du rock indépendant – et la signature sonore d’Albini en est l’aspect le plus flagrant –, Attack on Memory ressemble surtout à des albums de Jawbreaker, Drive Like Jehu ou Mineral, ce qui est avouons-le nettement moins vendeur. Et c’est à un album en particulier que le troisième Cloud Nothings semble ressembler : Water and Solutions de Far, sorti en 98. Une merveille à mi-chemin entre pop sucrée, punk-hardcore et neo-metal que seuls les plus initiés ont pu fréquenter, et qui miraculeusement retrouve en 2012 sa modernité.

On en vient à l’idée que Dylan Baldi pourrait ne pas faire autre chose que du revival. C’est possible. Sauf qu’à l’inverse des ribambelles de formations pour qui l’acte de faire revivre un son passé est très simple, ça va de soi, on file sur l’autoroute de la pensée dominante, Cloud Nothings établit une opération bien plus perfide, flirtant avec la facilité, séduisant avec les goûts de l’époque pour mieux faire accepter des connivences qu’en temps normal, sans subterfuges préalables, nous aurions repoussés. C’est malin et plutôt bienfaiteur.

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