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Quand un groupe a un style aussi immédiatement identifiable que les amateurs ferroviaires de Leeds, on ne s’attend pas à ce qu’ils en changent, ou qu’ils le fassent évoluer. Parce qu’on ne guettait pas la surprise chez eux, ni sur album, ni lors de leurs toujours impeccables concerts. De plus, leur copieux (et dispensable) EP de l’an passé ne laissait rien entrevoir comme surprise.

Cette évolution, sensible sur ce quatrième album (oui, je compte Progress/Reform dans le nombre) passe par des sons plus électroniques, des sons plus ronds, plus synthétiques, empruntant même une répétition qu’on pourrait rapprocher du kraut sur Beacons. La bonne nouvelle là-dedans, c’est qu’on ne peut pas parler de recrudescence d’eightite. On a déjà perdu quelques compagnons de route comme ça.

Le résultat est une occasionnelle injection de groove de Mnemosyne. Je conçois que ça pourra en dérouter certains. En effet, on fait quand même difficilement moins funky que Spencer Perceval. La bonne nouvelle, c’est qu’en moins pompier, en plus rentré, le charme opère encore. Oubliez un peu le post-rock chanté, c’est un pop-rock soyeux et relevé que propose Ilketrains en 2012. Plus pour fans de The National qu’Explosions In The Sky donc. Personnellement, je suis assez client des deux, donc on ne parlera pas d’arrachement. La fratrie Berninger va donc voir débouler dans son rétroviseur le groupe de Sheffield, même si la voix de baryton est ici un peu moins à l’aise avec des mélodies plus complexes.

On parlera de conjonction plus que d’opportunisme mais le résultat, bien qu’inégal (ces morceaux qui s’écoutent sans marquer) montre que si le feu est un peu plus profondément enfoui sous la glace, il est toujours là (Water / Sand) et ils aiment toujours profiter de l’instant pour densifier une fin de morceau (The Hive). C’est souvent cette fin de morceau qui peut emporter l’adhésion, comme sur ce We Used To Talk mal embarqué avec sa basse trop ronde. C’est à ce moment-là, lors de cette seconde accélération qu’on se rappelle qu’ils ont déjà délivré une belle série de climax en jouant sur leur son impeccable. Et une petite giclée de nostalgie est difficilement évitable, surtout que les guitares ne se lâchent plus vraiment, même sur le plus long, et à l’ancienne, Rekjavik. Ils préfèrent maintenant des guitares pointillistes à la Foals (The Shallows).

Iliketrains fait partie de ces groupes qui peuvent se surpasser le temps d’un morceau ou l’autre. Même si on y avait trouvé notre content d’adrénaline (Sea Of Regrets, magnifique), il faut bien avouer que l’album He Who Saw the Deep était un peu plus convenu, moins fourni en émotion pure (les deux premiers avaient mis la barre fort haut en la matière), et c’est une tendance qu’on retrouve ici. Certains morceaux passent dans l’oreille sans déplaisir mais sans marquer non plus. Si un jour nous prend l’idée de constituer une compilation des meilleurs morceaux de leur carrière, on y mettra sans doute The Turning Of The Bones. Ca commence de façon hypnotique et lourde, avant que la caisse claire ne cogne pour marteler de la mélancolie. Comme souvent par le passé, il y a cette phrase mantra souvent marquante. Souvenez-vous de Hold Down the Cavalery ou I will sleep in our bed/You can have the kitchen floor. Ici, ce sera We will dance ourselves to sleep qui vous accompagnera dans ces fins de soirée, de celles où l’alcool de prunelle vous fait partager vos émotions musicales avec l’assemblée réduite. Deux petits regrets pourtant. Si leur nouvelle façon convainc, elle est peut-être appliquée de façon parfois uniforme. Et puis les grandes envolées manquent un peu aussi il faut le dire. Peut-être est-ce le prix à payer pour qu’un groupe qu’on aime reste pertinent, ne se répète pas et évolue.

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