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Les enfants Loups, Ame & Yuki : Mon voisin Miyazaki

Un film de Mamoru Hosoda. Durée : 1h 57min. Sortie le 29 août.

Par Alexandre Mathis, le 28-08-2012
Cinéma et Séries

En Europe, le loup garde encore son image de prédateur et de mangeur d’enfant des légendes. Il est toujours chassé lors de sa réintroduction sous couvert de protection des élevages. Pire que le folklore, le loup est aussi ringardisé par une terrible image d’Epinal en étendard de fans de Johnny Hallyday. Or, au Japon, le canidé a un tout autre statut. Vénéré comme un animal bon, il y est vu comme protecteur, esprit associé à la montagne. C’est principalement dans cette ampleur à la fois casanière et sauvage que Les Enfants Loups, nouveau film de Mamoru Hosada puise sa force. Déjà brillant aux commandes de La traversée du temps et de Summer Wars, dans lesquels il développait clairement son attachement à la famille dans un équilibre de tradition et de modernité (la SF, les mondes numériques), Hosoda, refoulé des studios Ghibli, trace encore plus son sillon avec ce qui deviendra probablement son chef-d’œuvre.

Plusieurs films se croisent dans Les enfants-loups. Il y parle avant tout de la grandeur de la maternité. Hana tombe amoureuse d’un ténébreux élève. Un homme doux qui se révèle être un Ōkami, comprenez un loup. Leurs enfants, Ame et Yuki, héritent de leur double nature- mi-humain, mi-loup. Métissage racial ultime, le film interpelle indirectement l’Occident sur son influence. En effet, aussi respecté soit-il, le loup fut éradiqué du Japon, notamment sous l’impulsion des européens, qui y voyaient un vecteur de rage, et des américains qui les craignaient. L’histoire contemporaine du Japon se fracasse décidément souvent à une rencontre de civilisations parfois houleuses où l’équilibre ancestral est perpétuellement remis en question par le peuple japonais. Pour en revenir au canidé pestiféré, l’ambivalence entre le respect et de la mise au ban conditionne toute la lutte d’Hana, jeune veuve désespérée avec deux enfants à charge. Après une première demi-heure vaporeuse à la poésie tout en candeur pastelle, Les enfants-loups devient un autre film. Le quotidien y est décrit comme une chose aussi terrible que formidable, où l’on voit ses petits monstres s’éveiller et guider ses choix de vie. Non sans rappeler les grands Miyazaki, il travaille aussi bien la sauvagerie de Princesse Mononoke, la puissance de la famille d’un Ponyo sur la falaise, et surtout le refuge un brin fantastique de Mon voisin Totoro (même cadre, même capacité à illustrer l’éveil enfantin). Ces comparaisons n’écrasent en rien le long-métrage, mue de sa propre puissance narrative. Seulement, force est de constater que, pour une fois, la référence au maitre Hayao n’a rien d’usurpée.

Le parent : ce héros

Les femmes sont les véritables héroïnes chez Hosoda. Dans La traversée du temps, c’était une étudiante malicieuse qui se jouait des époques ; dans Summer Wars, on était frappé par la grand-mère, incarnation d’une tradition en rien ringarde, aux valeurs salvatrices sans tomber dans le conservatisme. Ici encore, la figure d’Hana, femme à la fois futée, amoureuse et lucide ressemble à la mère idéale. Non pas qu’elle ne fasse pas d’erreurs, ni qu’elle ne doute pas, mais elle protège ses petits et apprend à les laisser prendre leur envol. Au-delà des péripéties qui émaillent la trame, le sujet de fond est ici. De leur côté, les petits se cherchent une identité, parabole à peine voilée de ces enfants d’immigrés tiraillés entre deux cultures ne pouvant pas toujours se blairer. Les trajectoires fascinent d’autant plus qu’elles s’avèrent inattendues.

Les espaces de vies se prêtent à merveille aux dessins légers d’Hosoda, moins fouillés que ceux de Ghibli. La forêt luxuriante dépayse autant que la maison concentre la chaleur humaine. Les quelques incursions d’images de synthèse s’intègrent aussi naturellement que les mondes numériques dans la campagne nipponne d’aujourd’hui. Jusque dans sa conception esthétique, Les Enfants Loups embrasse les deux époques ; à bien y réfléchir, c’est le lot de tous les grands films d’animations du pays du soleil levant, de Pompoko à Nausicaa en passant par Paprika. Ame et Yuki : bienvenue dans votre autre grande famille.