Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

I’ll be reborn some day someday, if I wait long enough
I don’t have to be afraid

Derrière ses lunettes rectangulaires, John Darnielle ressemble plus à un premier de la classe qu’à un chanteur. Il ressemble à celui qui aurait passé quelques années, finit brillamment médecine… pour finir homéopathe plutôt que chirurgien. Il a choisit la musique plutôt, et a décidé d’être John Darnielle alors qu’il aurait pu être Kurt Cobain ou Varg Vikernes. Derrière ses lunettes rectangulaires, John Darnielle n’est qu’humilité et sincérité. Et plutôt que d’être rock-star, il a voulu raconter l’histoire des gens.

Les gens, ce terme générique qui évoque aussi bien la vieille dame du dessus que les foules du métro. Les gens, c’est ce flux perpétuel, cette masse en mouvement qui ne laisse pas de place aux histoires. John Darnielle arrête ce flux et se saisit des gens pour les raconter, avec empathie. Il ne raconte jamais son histoire personnelle, mais il raconte comme si c’était la sienne. L’histoire de qui ? Qu’importe. Un marin, les frères Diaz, le meilleur groupe de Death Metal de Denton, Texas, ou le diable en personne. Ils sont tous les personnages de John Darnielle, et ils ont tous cette humanité. Ni bons, ni mauvais, ils sont des personnes qui essaient de s’en sortir, de faire leur histoire comme on arpente un chemin. Le chanteur pose sur eux ses yeux pleins de compassions et d’amour. C’est sûrement aussi ridicule à lire qu’à écrire, mais c’est ce qui s’approche le plus de la vérité de la musique de John Darnielle.

En fait, si l’on devait résumer le projet de The Mountain Goats, il suffirait de citer cette chanson de All Hail West Texas, « Color in your cheeks ». C’est un peu la déclaration de foi de John Darnielle. Dans cette chanson, il parle de « se faire de nouveaux amis » et en réalité, il embrasse les gens, chaque personne comme elle est.

Come on in, we haven’t slept for weeks,
Drink some of this, it’ll put color in your cheeks.

Transcendental Youth, c’est encore une fois la même histoire. Darnielle s’entiche de ceux qui ont quelque chose à raconter. Il parle de ces désespérés qui n’ont plus aucun choix, de ceux qui arrivent au bout d’un chemin et ne voient qu’une impasse. Ils doivent survivre et surmonter cette impasse, ce moment où la foi s’efface. Transcendental Youth est un grand « just stay alive ». Mais la force de cet album est ailleurs que dans cette déclaration d’espoir, de cet optimisme sûrement béat et naïf. John Darnielle n’est pas notre psychologue, il ne veut pas être l’homme qui nous aide à nous en sortir. Il n’a pas assez confiance en lui pour s’imposer en diseur de vérité. La force de sa musique, elle est dans la sincérité avec laquelle il enchaîne les histoires.

Do every stupid thing that makes you feel alive

Parce que de toute façon :

You can’t judge us, you’re not the judge

Si l’on sépare les chansons de son auteur, alors il ne reste qu’un amas d’optimisme que le cynisme écarterait dans un grand geste de dédain. Jamais un tel espoir et une fougue quasi adolescente ne pourraient parler aux cœurs désabusés de cette manière sans la voix des Mountain Goats, sans sa force, sa façon de raconter les histoires. Rien n’est faux dans les yeux de John Darnielle, pas de tromperie, pas de travers. Derrière ces lunettes rectangulaires, il y a simplement quelqu’un qui croit.