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Cette chronique a été écrite par 6 des 17 membres de Playlist Society, chacun s’appuyant sur les paragraphes précédents de ses camarades. Chacun dans son coin a écouté l’album, a donné son avis négatif ou positif et a déterminé un angle pour l’exposer. Il a suffit ensuite de donner un ordre à tout ça. L’exercice est de fait particulier car les avis divergent mais nous croyons que ce texte reste cohérent. Par ordre d’apparition : Eeleria, Olivier, Catnatt, Marc, Arbobo et Benjamin.

On aurait pu croire qu’au lendemain du succès de leur premier album, The XX ne s’évanouisse dans les airs, ne disparaisse à jamais. Après avoir publié un disque presque parfait, cette tentation aurait pu être envisageable et compréhensible. En effet, le départ de leur guitariste et clavier, Baria Qureshi et l’envolée en solo de Jamie Smith nous laissaient penser que The XX ne serait qu’un groupe éphémère, un One Wonder Group, un groupe à la carrière courte mais brillante. Mal nous en a pris, ils signent leur retour avec Coexist. The XX nous avait charmés avec un joli spleen musical où se croisait tout ce que la New Wave des années 80 avait produit en mélancolie. Un charmant ennui, presque extatique, nous étreignait lorsque nous chantonnions Crystalised ou VCR. A priori, le retour du groupe aux affaires aurait dû nous réjouir. A priori. Car en quelques morceaux, Coexist nous entraîne d’un charmant ennui à un discret bâillement pour finir par nous endormir totalement. L’écoute du premier simple et morceau de l’album, Angels, aurait déjà dû nous mettre la puce à l’oreille : ce titre, déjà trop en retenue, donne le tempo à un album qui aurait pu être la face B du précédent. Les trois musiciens n’ont pas encore digéré leur adolescence, ils expriment encore leur mal-être avec des paroles déjà trop entendues, à la limite parfois de la niaiserie. Sur un morceau, ça passe ; sur un second, nous tiquons ; sur tout un album, nous aimerions que la révolte gronde ici et là, mais non, ces trois-là continuent à se regarder le nombril, osant à peine lever leur regard sur un monde qui les dépasse apparemment.

Le profond ennui qu’inspire l’album le dispute à l’agacement qu’il génère dès la mi-écoute. La réussite de l’exercice est totale, puisque Coexist enfonce l’auditeur dans une léthargie démobilisatrice dont il ne sortira qu’au prix d’efforts surhumains pour se souvenir qu’il est éveillé. Chez The XX, le délicat songwriting disparait sous d’épaisses couches de Tranxène. L’acmé est atteinte à mi-album avec Sunset, morceau taillé pour les dancefloors si les dancefloors avaient été des endroits où l’on dansait assis. On passera, magnanime, sur la persistante sensation d’écouter une compilation d’illustrations sonore pour pastilles reportages lacrymales de prime-time. L’inconfort vient ici de la massive dose de tranquillisants utilisés. Si la chose faisait illusion sur le premier album, l’immobilisme dont fait preuve le second nous rappelle que faire du sur place constitue une solution infaillible pour n’arriver nulle part.

Mais pourquoi faudrait-il toujours aller quelque part ? Pourquoi faudrait-il toujours savoir où l’on va ? Vagabonder ; errer ; languir est-il si terrible ? Oui, l’ennui plane sur cet album mais si l’on sait s’abandonner, la meilleure amie de l’ennui, cet état que notre société abhorre, émerge : l’imagination. Une échappée belle. C’est un album pour les heures entre chiens et loups, celles où l’on ne sait pas trop quoi faire de soi, planer au-dessus du monde, celui qui s’agite inutilement la plupart du temps, au-dessus parce que justement il nous dépasse et que l’on se sent las. The XX pousse la logique jusqu’au bout, ils suspendent le fracas du monde, non pas au profit d’une espérance mais de celle d’une léthargie, cet état au plus loin du monde actuel. Il n’est même plus question de mélancolie, ce serait déjà une sensation, non, on est à deux mesures de la torpeur. Pas de démonstration de force, ce serait déjà trop réel.

Coexist, contrairement à ce que son titre laisserait suggérer, est un disque de repli sur soi, d’introspection. Alors que les jeunes groupes ayant connu le succès veulent sur le second album montrer qu’ils savent faire autre chose (et disparaissent derechef du radar), The XX devient sa propre référence, ne semble pas vouloir prendre son inspiration ailleurs que dans son cocon. Ne pas aller vers le public est en ce sens une prise de risque, comme celui qu’ils prennent en faisant ressembler leurs morceaux à des épures, alors qu’on se rend bien compte que tout ajout serait une suppression. Trop de groupes visent l’émotion et sont ridicules de ne pas y arriver. En visant la torpeur, The XX non seulement touche sa cible mais en sus, génère une tension rentrée qui jamais ne met mal à l’aise. Evidemment, on peut aussi voir Coexist comme une gueule de bois, tout en sachant que ce n’est pas une descente, parce qu’il n’y a même pas eu de fête. Et on peut se surprendre à aimer ça.

The XX s’obstine, sourds aux attentes de coup d’éclat. Rien de changé depuis le premier album, et si c’était un bien finalement ? Pourtant cette fidélité à soi-même n’interdit pas quelques pas de côté, de nouveaux reflets sur cette surface lisse comme une feuille d’acier. De manière inattendue, on pense à Everything but the girl, à la tristesse traînante et cristalline du chant de Tracey Thorn, sur les beats dancefloor des albums tardifs (Swept away, merveille douce-amère). Le chant de Jamie et Romy est comme écrasé par le poids de la vie, l’élocution ralentie par le fardeau d’exister. Groupe en noir et gris, the XX parvient presque au niveau de son disque précédent. C’est un exploit en soi, car on ne voit aucun artiste depuis 15 ans qui nous aura autant plu sans faillir entre leurs deux premiers pas.

Le groupe se retrouve ainsi dans une situation paradoxale : prisonnier de sa propre tristesse, il fait preuve d’un immobilisme gênant et geignard. Mais c’est justement au travers de cet immobilisme qu’on découvre ses partis-pris très marqués et qu’on admire son caractère. The XX avance en lui-même : ses progrès sont intérieurs et ne se matérialisent pas dans la réalité. A l’époque, l’on avait beaucoup vanté l’aspect minimaliste de la musique des anglais. Et bien ce minimalisme, The XX nous le jette aujourd’hui à la gueule et nous l’enfonce bien profondément dans la gorge. Coexist trouve justement son ambition dans le fait de n’avoir d’autre ambition que celle d’être encore plus en-soi. Sa recherche d’un minimalisme statique est une non-évolution, mais définit un positionnement très marqué face aux groupes qui cherchent dès le second album à élargir leur auditoire. Au final, il est à ce stade impossible de savoir si Coexist marquera l’éclat en plein vol du groupe ou si, au contraire, il pourra, dans quelques années, avec le recul être considéré comme une étape capitale dans son développement. Sans compromis dans sa manière d’aborder la musique, il est à la fois passionnant dans sa démarche et décevant dans son rendu. Mais dans un sens, même la déception lui sied bien.

>> Projet piloté par Catnatt

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