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Les moments parfaits : Ode to Viceroy (Mac DeMarco)

Les moments parfaits sont des scènes inventées à partir d'une chanson, de ses paroles et/ou de son titre. Chaque texte est accompagné de la chanson qui l'a vu naitre et de quelques mots sur celle-ci.

Par Catnatt, le 30-11-2012
Musique

Intérieur – Chambre de Matthias – Jour
23°, temps clair, vent de force 1, humidité : 34%
Le dimanche 25 Novembre 2012 – 12h20
– Matthias Helsens : sexe masculin, né le 4 octobre 1984 à Paris (75), brun, yeux noirs, taille 1m88, intermittent du spectacle, célibataire
– Un ami de Matthias Helsens : voix rauque, ton neutre.

Matthias est allongé sur son lit, il vient de se réveiller, une lumière douce se répand à travers la fenêtre. Il est encore habillé de la veille, le visage brouillé par le sommeil, la main sur son ventre. Il regarde au plafond.

Son téléphone sonne. Matthias décroche (voix un peu pâteuse)

« – Hey, tu te réveilles ?

Matthias acquiesce :

– Oh que oui. Quelle heure est-il ?
– Midi passé. T’abuses. Dis donc… c’était sportif avec Sarah hier soir ?
– Je suis officiellement célibataire, mec. Sacré cuite hein ?
– Pas moyen d’arranger l’histoire ?
– Nope ! Et pas tellement envie. Elle m’est tombée dessus comme la misère sur le monde. Incroyable ! J’ai pas compris d’où ça venait. Et que je branle rien et que je suis désinvolte et que je suis un dilettante et que je suis, oh chais plus mais j’en ai pris pour mon grade !
– En même temps, Mat, t’es comment dire… Enfin… Tu t’impliques pas des masses dans ton couple.

Matthias se relève et s’assoie sur son lit, le portable toujours collé à son oreille :

– Hein ?! Mais c’est quoi cette phrase à la con ? M’impliquer dans un couple ? Ta gonzesse t’a fait copier ça combien de fois ?
– Oh ça va, je dis ça, moi, c’est pour toi. Elle m’a fait mal au cœur Sarah quand je l’ai vue pleurer hier soir.

Matthias reste silencieux. Il reprend :

– Moi, ça m’a rien fait, étrangement. Et tu sais quoi ? Ces conneries de désinvolture, ça m’a rien fait non plus. Non. Tu sais ce qui m’a fait péter un plomb ?
– Quand elle t’a dit qu’elle avait jamais joui avec toi ?

Matthias éclate de rire :

– Non, ça je m’en fous. Non, ce qui m’a vraiment fait vriller c’est quand elle a dit : « Et tu pues avec ta saleté de clope, là ! Des Viceroy, non mais c’est quoi ce snobisme de merde ? T’as pas 20 euros pour aller au resto mais pour t’empoisonner, ça…» Je crois qu’elle l’a ponctué d’un agréable « connard » en plus.
– La gonzesse te dit que tu la baises mal et toi tu te fous en pétard pour tes clopes ! Hey mais t’as un sérieux problème de priorité, mon pote.
– Tu comprends rien. C’est moi, ça. C’est pas ce que je fais qui est en question. C’est ce que je suis. Ça, c’est important.
– Elles sont dégueulasses ces clopes.

Matthias se lève, parcourt la pièce, s’arrête :

– Oui, elles font mal… Comme le reste quoi qu’on en dise… L’autodestruction, c’est tout ce qui reste comme espace de liberté, c’est une contestation face à l’injonction de se rentabiliser. Elle n’a pas le droit d’attaquer ça ! C’est limite… Politique ! Si elle comprend pas ça, j’ai rien à foutre avec elle.
– T’es complètement barjot !

Matthias esquisse un sourire :

– Ouais, c’est pour ça que tu m’aimes. C’est moi et je fumerai mes Viceroy jusqu’à ce que je meure.
– Je te promets qu’à ton enterrement, on en fumera tous une en ta mémoire. Non mais sans déconner, tu crois que tu l’as jamais vraiment fait jouir ?
– C’est pas mon problème, si elle est assez con pour préférer simuler plutôt qu’en parler, elle qui braille au féminisme toutes les trois secondes, non, c’est vraiment pas mon problème.

Matthias attrape son paquet et son briquet, s’assoie sur le bord de la fenêtre. Il regarde dehors, le soleil envahit la pièce. Il s’allume une clope, tire profondément dessus ; il entend son interlocuteur faire de même. Ils profitent tous les deux de ce moment de silence.

– Dans les épreuves cruciales, la cigarette nous est d’une aide plus efficace que les évangiles.
– Cioran. Amen. »

Ode to Viceroy est une chanson de Mac DeMarco sur l’album 2 publié en 2012 sur Captured Track. Avec sa voix au bord de la rupture tout en étant très sûr d’elle, Mac DeMarco a tout du branleur irrésistible. Il incarne au travers d’un je m’en foutisme qui ne manque pas de ressources la quintessence du cool. Quant à Ode to Viceroy, je l’aime en particulier pour l’autodestruction élégante et la fuite l’air de rien qu’elle distille.

>> Crédit photo : Pooneh Ghana