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PS’Playlist Janvier 2013

Les PS'Playlist sont des playlist mensuelles où chaque membre de Playlist Society propose un morceau, récent ou ancien, qui l'a marqué ces dernières semaines. Chaque chanson de la tracklist est accompagnée de quelques mots.

Par Collectif, le 31-01-2013
Musique

>> Dans la série des sites qui portent mal leur nom, Playlist Society a souvent brillé par son absence de… playlist. Aussi, tous les mois, nous publierons désormais une playlist composée par l’intégralité des plombiers de PS (il faudra qu’on vous explique un jour cette histoire de plombiers). L’objectif sera simplement de proposer une tracklist qui nous ressemble en tenant compte de la diversité des membres qui composent l’équipe et en mélangeant les choix des auteurs musiques avec ceux des auteurs spécialisés sur les autres rubriques. Notre première sélection est placée sous le signe de Rodriguez.

1) Rodriguez   “Cause”  (Jean-Sébastien Zanchi)
Extrait de “Coming from Reality” / 1971 / Folk

Etre marqué par un documentaire dont beaucoup saluent la qualité, rien de très original. Et pourtant Sugar Man, permet de redécouvrir les deux magnifiques (et uniques) albums de Sixto Rodriguez parus en 1970 et 1971. Y figure Cause, cette petite merveille qui débute de manière bien désenchantée : “cause I lost my job two weeks before Christmas”. Quelques mois après la sortie de ce deuxième album, Sussex Records lui rendra son contrat à cause de ses ventes décevantes. Deux semaines avant Noël.

2) Certain General “I lose myself” (Anthony)
Extrait de “Cabin Fever” / 1988 / Rock

Avant l’âge de l’accès illimité et des premiers salaires, on achetait des disques sur la base de critiques élogieuses lues dans des journaux complices, sur la base de pochettes engageantes, sans parfois prêter l’oreille une seule seconde à la musique. Beauté du geste. En 1988, Cabin Fever de Certain General invitait à succomber sans réfléchir : ciel bleu éclatant, stoïque poteau électrique, élégance et morgue de Parker Dullany et Sprague Hollander. Et la magie intemporelle de « I Lose Myself ».

3) Japandroids – “For the love of Ivy” (Olivier Ravard)
Extrait de “Celebration rock / 2012 / Noise post punk de type crissant

“Quand un bruit vous fait peur, écoutez-le.” a dit un jour John Cage, qui s’y entendait en bruit, y compris en bruit que l’on n’écoute pas, puisque je n’ai jamais réussi à écouter un album entier de John Cage, ni un morceau entier de Japandroids, jusqu’à cette reprise du Gun Club fort bien achalandée en boucan et néanmoins respectueuse – ou le contraire. Attention : il faut apprécier les guitares qui crissent. Les guitares de Japandroids crissent plus que les rames d’un métro qui freine, ce qui s’avère bien pratique à l’usage pour masquer le crissement du métro qui freine. Morceau du mois, idéal en transports en commun.

4) Beulah – “Calm Go The Wild Seas” (Nathan Fournier)
Extrait de “When your heartstrings break” / 2003 / Indie Rock

Beulah a complètement disparu. Depuis 2004, plus rien. Un spasme de Miles Kurosky en 2010, et la mort clinique à nouveau. La fin de Beulah, c’est un peu la fin d’Elephant 6, la fin des remous de la pop des 90s, le noeud qui boucle la boucle. Adieu les harmonies vocales, les cuivres et les phrases simplettes et touchantes. Adieu les “I miss you like hurricanes”. Restent alors quelques “wouhouhous” pour calmer les mers agitées.

5) Lisa Germano – “Stars” (Marc)
Extrait de “Geek the girl” / 1994 / Folk

Il serait sans doute réducteur de classer Lisa Germano comme ‘bizarre’, mais ce qualificatif est assez difficile à éviter pourtant. La voix de Lisa nous susurre des choses, sur un ton à la fois rassurant et anxiogène, entre malaise et évidence lumineuse. Lisa Germano est un paradoxe qui chante, et une différence indéniable. Cette originalité n’a pas de prix à notre époque (écoutez No Elephants récemment paru), tout comme elle était déjà précieuse en 1994 pour Geek the Girl.

6) Villagers – “Nothing arrived” (Catnatt)
Extrait de {Awayland} / 2013 / Indie Pop ?

A l’origine, j’avais choisi “Earthly Pleasure” version live. Parce qu’il faut vraiment voir Conor O’Brien en concert pour avoir une opinion définitive. Ce type est tellement doué… Et j’ai tellement attendu cet album. Mais je me suis ravisée et ai choisi “Nothing arrived”. Parce que ” I waited for Something, and Something died. So I waited for Nothing, and Nothing arrived”.

7) Massive Attack – “Teardrop” (Matthieu Hybert)
Extrait de “Mezzanine” / 1998 / Trip-Hop

Vue sur souvenirs heureux, brumeux ou pluvieux, c’est selon. Hymne universel, Teardrop c’est une petite fenêtre qui ouvre sur un ciel de réminiscences étoilé d’instantané, et constellé de flash back. Tout sauf des souvenirs fabriqués que nous offrent les génériques télévisés. Teardrop c’est un cœur qui bat trop vite, mais c’est un cœur qui bat encore et qui tant qu’il n’est pas mort conjugue l’espérance à la douleur et la foi à la stupeur. Teardrop c’est une promesse, celle « qu’en semant dans les larmes, on moissonne dans la joie… »

8) Twilight 22 – “Electric Kingdom” Julien Lafond-Laumond
Extrait de “Bootyz in motion II” / 1983 / Electro-funk

La vraie crise, ce n’est pas le délitement progressif que l’on vît depuis des années, c’est le carrefour vertigineux, le fourmillement des possibles comme l’a connu la musique noire au début des années 80. Le jazz à l’abandon, le funk et le disco en bout de cycle, tout s’est arrêté et, en même temps, tout est devenu envisageable. Electric Kingdom le montre : c’est le boogie de tous les potentiels, mauvaise came comportant simultanément souvenirs funk et baroques et anticipations techno et rap.

9) Leftfield – “Open up” (Dominique K)
Extrait de “Leftism” / 1995 / Electro

L’autre jour, en rangeant pour la énième fois mes CD, je suis retombée sur les deux albums de Leftfield. Un coup de chiffon plus tard, j’écoutais Leftism à nouveau, dansant comme une gosse au milieu de mon salon. Open Up est un morceau toxique, la voix de John Lydon y joue un jeu étrange et même dangereux. Il n’invite guère au partage et pourtant, j’ai toujours aimé danser sur ce morceau, tout en appréciant ses plages “détentes”.

10) John Foxx – “Rear-View Mirror” (Ulrich)
Extrait de “The shape of things” / 2012

Ce fut certainement le morceau que j’ai écouté le plus l’année dernière. Il me rappelle cette période où je découvrais l’oeuvre de J.G. Ballard. Je me souviens notamment d’un passage de High Rise, où lorsque l’architecte de cette tour devenue infernale se promène dans le jardin des enfants observant son chef d’oeuvre d’un oeil détaché. Dans cette scène, le regard du lecteur est invité à vivre le périple interne d’un homme dont la vision futuriste se solde par une régression totale et un abandon du trop humain qui sommeille en chacun de nous.

11) Pere Ubu – “Free White” (Benjamin Fogel)
Extrait de “Lady from Shangaï” / 2013 / Post-Punk

Ne jamais lâcher l’affaire, c’est l’une des règles d’or de David Thomas, l’homme qui depuis bientôt 40 ans est à la tête de Pere Ubu. A force de prier pour que Pere Ubu ne se sépare jamais, il est devenu Pere Ubu à lui tout seul. Ici il chante « It’s a wonderful world. It’s a beautiful thing » et c’est aussi ironique que sincère. Ironique parce qu’il s’agit toujours de bousculer le monde de la musique, sincère parce qu’il y a une vraie joie à être encore présent après tant d’années.

12) Rodriguez – “I wonder” (Axel Cadieux)
Extrait de “Cold Fact” / 1970 / Folk

En janvier, je découvre Sixto Rodriguez grâce au fabuleux documentaire qui lui est consacré, « Sugar Man ». Son premier album, « Cold fact », sorti en 1969 mais longtemps méconnu, regorge de tubes en puissance. « I Wonder », composé dans les rues enneigées de Detroit, est peut-être le plus mélancolique et entêtant d’entre eux.

13) Chief Keef – “Kay Kay” (Dom Tr)
Extrait de “Finally rich” / 2012 / Rap

Parce qu’on était surtout concentré sur les déboires judiciaires du jeune rappeur de Chiraq, on en aurait presque oublié d’explorer à fond “Finally Rich”. Évitant de justesse les tops d’un paquet d’éjaculateurs de classement précoces, le LP rassemble le meilleur de Keef en 2012, dont ce ‘Kay Kay’, véritable anthem qui double ‘I Don’t Like’ et le renvoie au rang de gentil phénomène hype. Ici, Keef “ball” avec aisance et un refrain catchy, sur une prod puissante de K.E. On The Track. Sans complexe.

14) Rancid –  “Maxwell Murder” (Alexis Fogel)
Extrait de “…and out come the Wolves” / 1995 / Punk-Rock

Rancid s’exerce à la contraction de musique et livre en 86 secondes une chanson qui aurait pu s’étaler sur 10 minutes tellement chaque riff est riche. Elle inclue l’intro du disque, deux couplets rythmiques, deux pré-refrains dansants, trois refrains de pur punk et un solo de basse unique qui fait l’apologie du médiator tout en crachant que le punk ne tourne pas toujours en rond sur trois accords.

15) Willy Mason – “Still a fly” (Thomas Messias)
Extrait de “Where the humans eat” / 2012 / Folk

Avoir une vie prenante, c’est aussi découvrir en janvier que l’un de ses chouchous de ce début de siècle a sorti un album en novembre. Découvrant en retard mais avec délectation le dernier Willy Mason, j’en profite pour retomber dans son premier opus, Where the humans eat, en particulier dans les géniales Oxygen et Still a fly. J’y entrevois mon propre reflet, à peine troublé : celui d’un jeune déjà vieux, heureux de vivre mais rendu précocement cynique par son désir ardent de devenir adulte.

16) Cate Le Bon – “What is worse” (Arbobo)
Extrait de “Cyrk II”  / 2012 / Pop-Rock

J’avais guetté Cyrk, le deuxième album de Cate Le Bon, mais le résultat était décevant, manquant d’élan. Et voilà que sortit en fin d’année Cyrk II, un bonus du premier, son prolongement, en toute confidentialité. Ce n’est pas une version « deluxe » mais un vrai supplément, rien que des inédits. Et là, on est de nouveau séduit, en particulier par ce délicieux What is worse. “On n’a pas deux fois l’occasion de faire une bonne première impression” : Benoit Poelvoorde, Les marches de la gloire, 2001

17) Rodriguez – “Sugar Man” (Alexandre Mathis)
Extrait de “Cold Fact” / 1970 / Folk

Personne ne se souvenait de Sixto Rodriguez. Artiste prometteur des années 70, il ne connait pas le succès escompté aux Etats-Unis alors que sa musique avait de quoi rivaliser avec Bob Dylan et consorts. Dans le documentaire Sugar Man, on découvre un homme adulé en Afrique du Sud, symbole de la lutte contre l’Apartheid, sans que le principal intéressé ne s’en doute. Playlist Society se devait de rendre hommage à Sixto, lui qui fera bientôt au Zénith de Paris. Sacrée revanche.

>> Projet piloté par Catnatt