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Météora : animés par la foi

Un film de Spiros Stathoulopoulos. Sortie le 17 juillet 2013. Durée : 1h22min

Par Alexandre Mathis, le 23-07-2013
Cinéma et Séries

L’histoire se passe au milieu de montagnes grecques, à Météora. Deux monastères se font face tels des pensionnats non-mixtes se répondant aux sons des cloches. Ils sont là depuis des lustres, chacun sur sa collines de grès et bâtis on-ne-sait-comment à l’époque. De chaque côté, des croyants ascétiques. L’un abrite des nones, l’autres des moines. La pratique de la foi est radicale et Météora montre des instants de ce quotidien fait de prières et de contemplation. Pour descendre de leurs monastères, les femmes se mettent dans un cordage qui glisse le long de la paroi à l’aide de poulies. Les hommes ont droit aux marches, mais l’effort pour remonter la colline est un vrai chemin de croix. Et puis deux âmes émergent : Théodoros et Urania. Ils ne comprennent pas encore l’affection qui les lient. Alors plutôt que de se dire « je t’aime », ils se disent « Dieu te bénisse ». Ce sont deux beaux jeunes gens. Lui a sa barbe fleurie et son regard tendre, elle a des sourcils fins qui accentuent ses sentiments.

C’est cette histoire d’amour naissante et interdite qui intéresse le plus. Dans un mélange surprenant, Météora a recours à la fois à des plans sublimes de l’environnement, à des instants dépouillés dont l’image affreuse rappelle les mauvais reportages ainsi qu’à des scènes d’animations issues de l’iconographie orthodoxe. Si elles servent à illustrer des délires fantasmagoriques sur fond d’ésotérisme, on comprend parfois mal l’utilité de ces dernières. Le problème du film est là : il ne canalise rien, il s’étiole, veut viser à élever les esprits mais se rabaisse par tics auteuristes. Le réalisateur Spiros Stathoulopoulos décline du Lars Von Trier en version lumineuse, aérée de toute visée dépressive et ayant foi en l’humanité. Ce qu’il travaille au niveau des thèmes, c’est une manière de mêler l’iconoclasme et l’empathie pieuse. Les personnages s’emparent du champ religieux pour se laisser aller à l’amour profane : un médaillon à l’effigie du christ sert de miroir pour un appel de lumière au monastère d’en face, la dégustation d’une brebis est un partage sensuel de deux âmes qui veulent lier leurs corps, la prière est un moment de regards emplis de désirs et de craintes.

« Quelle est la couleur de tes cheveux ? », demande pudiquement Théodoros à la belle lors d’un pique-nique romantique interdit. On devine que la chevelure est noire mais la question est vertigineuse. Les deux disciples de Dieu sont chacun dans leurs habits religieux. Cela signifie qu’elle est couverte de la tête aux pieds de noir. Seuls ses mains et son visage laissent paraître des bouts de chair. Pour le jeune homme, demander la couleur des cheveux, c’est s’ouvrir tout un nouveau champ de fantasmes érotiques. Pour elle, c’est comme si on lui demandait : « montez-vous prendre un dernier verre ? » Dans une scène d’animation qui suit, elle lâche ses cheveux aux vents. Ils servent alors de passerelle entre les deux monastères afin que l’homme qu’elle désire ne la rejoigne, le tout sous le regard de Dieu.

C’est un peu le désir inassouvi du réalisateur : relier des esthétiques différentes pour fabriquer une grande œuvre sur l’amour et la religion, le tout sous l’admiration de ses pairs. Rarement un film n’aura autant varié entre le superbe et le hideux, le futile et le poétique, l’abscons et l’instinctif.

https://www.youtube.com/watch?v=5MHPG_itiYQ