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Sub Pop #4 : Memories from…

Par Collectif, le 18-07-2013
Musique
Cet article fait partie de la série 'Sub Pop' composée de 6 articles. Une série de Playlist Society sur Sub Pop à l'occasion des 25 ans du label. Voir le sommaire de la série.

Sub Pop nous a marqué tous d’une manière ou d’une autre. Qu’on aime ou pas, nous avons tous écouté un morceau ou un album. De la révolte Grunge à la pop assagie, Sub Pop aura su plus que quiconque capter l’air du temps. Quelques membres de l’équipe de PS ont désiré faire partager leurs souvenirs du label. Un Memories From… avec des moments de vie dedans.

Memories from… Anthony

Le jeune provincial d’obédience angevine que je fus sait ce qu’il doit à Sub Pop.

Imaginer son absence dans le paysage de mes années 1988-1993 conduit à un constat assez implacable.

Sans Sub Pop, je n’aurais peut-être pas joué dans des groupes de rock un peu sauvages, car cela m’aurait semblé inimaginable, je n’aurais pas acheté de batterie en toute décontraction et sans savoir en jouer (désinvolture et présomption sont les mamelles du jeune de 18 ans),  je me demande quelles chansons nous aurions pu reprendre pour nous faire la main sans Mudhoney et Nirvana, je n’aurais pas chanté (et c’est un verbe généreux…) dans un de mes groupes de rock si quelques vocalistes estampillés Sub Pop ne m’avaient pas franchement détendu sur la question, je n’aurais peut-être pas ouvert mes oreilles vers d’autres endroits accueillants comme  SST, Amphetamine Reptile, Touch & Go ou Earache,  je n’aurais pas dodeliné de la tête en riant niaisement et en gueulant  « Motherfucker » avec les Dwarves,  je n’aurais pas eu envie de hurler la larme à l’oeil l’hymne d’Angers en apprenant la signature des Thugs sur le label…

Je passe sur les chapitres vestimentaires et capillaires, sans compter l’érosion de mes tympans et de mes cordes vocales à cette époque d’insouciance…

Sub Pop a constitué la bande-son déterminante de cette période de ma vie, non sans conséquences sur mes activités et les rencontres amicales que j’ai faites. Dans ces circonstances, si j’étais né 5 ans plus tôt ou plus tard, c’aurait été une autre chanson.

Memories from… CGA

J’ai passé mon adolescence dans un no man’s land culturel, où le premier disquaire potable était à 30 bornes. Pour enrichir ma culture musicale, j’avais trois moyens à ma disposition : la radio, la lecture de magazines… et une imagination débordante pour me figurer comment tous ces disques dont je lisais les louanges pouvaient bien sonner. Et c’est comme ça qu’un soir – ça devait être à l’automne 91 -, en écoutant l’émission de Zégut, j’ai eu mon premier contact avec Sub Pop : ce soir-là, il a passé Smells Like Teen Spirit, fraîchement sorti, avant que ça devienne énorme. J’ai été foudroyé. Le lendemain au lycée, avec mes potes, c’était l’effervescence. En attendant de pouvoir acheter le disque, je décidai d’enregistrer le morceau. Avec les moyens du bord : un transistor recevant les grandes ondes (RTL n’émettait pas encore en FM dans mon coin à l’époque) et un vieux magnétophone portable avec un micro intégré. J’avais le doigt sur la touche Pause, prêt à réagir dès que le riff de Nirvana grésillerait dans le haut-parleur. Cinq minutes plus tard, c’était dans la boîte. On s’est passé le morceau en boucle le lendemain au lycée avec mes potes, entre les cours. La suite logique, ce fut la recherche de la moindre info sur Nirvana. Je suis alors tombé sur des papiers plus larges sur Sub Pop et le grunge, avec quelques noms mythiques : Mudhoney, Soundgarden, Green River ou encore Tad et leur imposant frontman Tad Doyle. Sans pouvoir les écouter. Je me souviens d’une photo des deux fondateurs du label, Bruce Pavitt et Jonathan Poneman, et j’avais été impressionné par la longue barbe et la casquette de Pavitt. Je me souviens aussi d’une visite chez le disquaire-potable-dont-je-parlais-plus-haut, où je lui avais demandé ce qu’il avait comme disques grunge et notamment de chez Sub Pop – ce à quoi il m’a répondu “Ah, mais il n’y a pas que Sub Pop, faut regarder aussi Alternative Tentacles” avant de reprendre la conversation avec son pote et de me laisser fouiller quasiment sans repères. Je crois que j’en suis ressorti avec d’autres trucs, mais pas un seul disque de Sub Pop… Et un peu dépité aussi. Ce n’est que plusieurs années après, à la faveur de visites répétées à la généreuse médiathèque de Bordeaux, que j’ai pu vraiment écouter les albums séminaux du label. Mais la flamme s’était éteinte. J’étais passé à autre chose.

Memories from… Dominique K.

Vous souvenez-vous où vous étiez le 5 avril 1994 ? Moi je m’en souviens parfaitement, j’étais assise à un stand au salon du jeu à Porte de Versailles. J’observais, moi la rôliste, avec consternation une partie de Magic The Gathering, ce jeu de cartes qui commençait à envahir le monde (et notre espace de salon). L’ennui me faisait bâiller et je ne désirai qu’une chose au plus vite :  fuir au plus vite de cet endroit. Lorsque soudain, un gamin déboula entre les stands en criant “Kurt Cobain est mort ! Kurt Cobain est mort !”. Je me souviens d’avoir croisé le regard d’un copain, étonné et accusant un peu le coup. Mais le plus étrange fut la réaction des personnes présentes à ce moment dans ce coin du Salon du jeu. Tout le monde s’arrêta de jouer et de parler, comme si le temps s’était suspendu à cette annonce : Kurt Cobain était mort. Ce 5 avril, un petit gars de Seattle venait de signifier à la génération X la fin de la cour de la récré. Ce jour-là, je ne me suis pas souciée de Sub Pop, ni de Bleach, ni d’aucun disque du label. En revanche, je me suis souvent posée la question du “pourquoi ?”.

18 ans plus tard, je n’ai toujours pas trouvé la réponse. En revanche, entre temps, Bleach est devenu l’album de Nirvana que j’aime le plus, alors que je me souviens l’avoir littéralement détesté à la première écoute. Sub Pop ne fut jamais mon label de coeur, j’étais plutôt 4AD, mais j’admets volontiers que sans le label de Seattle, je n’aurai jamais écouté certains groupes comme Mudhoney, The Shins et surtout le dernier album de Sleater-Kinney qui est un de mes albums de chevet.

Memories from… Arbobo

De ce label censé incarner un pan entier de ma culture, je n’aurai vu que les marges. La logique aurait voulu que j’aie une étagère entière de disques de Sub pop, ce qui est loin d’être le cas.

Chez ces rockeux, parfois pas très loin du punk, les artistes ont visiblement eu la vie cool. On les a laissés s’épanouir à leur manière plutôt que de cultiver un son ou une esthétique “maison”. C’est ce que je retiens, ce que je crois (à tort peut-être, mais je n’en ai cure), en pensant à deux de mes dieux vivants, Julie Doiron et Damien Jurado. Rien que pour le “soon, coming closer” qui éclabousse son premier album, Julie Doiron mériterait une statue. Mais elle n’a fait que ses toutes premières armes sur ce label. Contrairement à Damien Jurado. Aujourd’hui ce songwriter parmi les plus fins et les plus doués de sa génération est hébergé chez Secretely canadian. Oui, mais avant… avant il était “secretely grunge” ou secrètement punk, en tout cas il avait la main plus leste sur la guitare. Quatre albums ce n’est pas rien, certains artistes ne parviennent pas à enregistrer autant durant leur carrière. C’est le temps, 6 ans, que Jurado a passé chez Sub pop. Peut-être ces albums ne sont-ils pas ses plus beaux, ni les plus aboutis. Mais difficile de ne pas succomber à I break chairs. Et difficile de ne pas voir naître, sur air show disaster par exemple, ou Angels of May, l’écriture qui le fera briller par la suite.

Rien pour avoir laissé sa chance à ce garçon qui n’y était pas complètement à sa place, Sub pop gardera toute ma gratitude.

Memories from… Marc

Si on vous dit ‘Seattle’, il est probable que vous répondiez ‘grunge’, même si la réalité actuelle du Northwest est à des lieues de ce cliché. Pour Sub Pop, c’est pareil, et il a fallu aussi trouver un second souffle après la brusque mise en avant du début des nineties. Et ce second souffle, il a parfois fallu aller le trouver hors de l’état de Washington (The Shins, Shearwater), voire carrément à l’étranger (CSS, Wolf Parade). Loin des vrombissements de guitares, c’est en première partie de Malajube et Snowden que j’ai découvert les alors inconnus Fleet Foxes (ils n’avaient que trois morceaux sur leur myspace). Dans cette attachante salle de Neumo’s, ils ne m’avaient pas fait une énorme impression, mais j’avais quand même gardé le nom pour plus tard. Le reste, comme le veut le poncif, appartient à l’histoire. Et quand Robin Pecknold a définitivement débranché sa guitare pour être au plus près du public de l’Ancienne Belgique, on a pu mesurer le chemin parcouru, et découvrir à quel point Sub Pop a su se renouveler, a su inlassablement chercher de quoi fournir à nos oreilles avides de quoi s’émerveiller.

Memories from… Catnatt

Je ne suis pas une blogueuse zic. Je suis une blogueuse qui parle de musique : j’ai toujours fait cette nuance, car je n’ai pas la culture qu’ont la plupart de ces passionnés. J’aime la musique sans prétendre que je suis une experte. Au même titre, je me tape complètement des labels ; ce que je veux dire, c’est qu’il ne me viendrait jamais à l’idée de m’attacher à une maison de disques en particulier. Grossière erreur et Sub Pop en est la démonstration frappante. Quand Ulrich nous a envoyé un mail au sujet de leur anniversaire, il a pris soin d’écrire : « Car un jour, nous avons tous écouté un disque de ce label, même Nath’ »

Sceptique, je jetais un coup d’œil et j’ai dû m’incliner. On a tous, même vous, oui, vous au fond, aimé un disque de Sub Pop. Et non, ce n’est pas Nirvana en ce qui me concerne. J’ai au bas mot 30 albums de ce label, ça dit quelque chose sur une direction artistique tenace. Mes préférés ? Shearwater, Loney Dear (dont j’ai tous les disques, je t’aime passionnément, à la folie), Cocorosie, Mogwai. Qui n’a pas plané sur « Runners of the sun » de Shearwater passe à côté d’une émotion folle. Qui n’a pas chanté « Saturday waits » de Loney Dear est passé à côté de l’occasion de déclarer son décalage. Qui n’a pas ricané bêtement à « the most beautiful girl (in the room) » de Flight Of The Conchords est passé à côté d’une source de joie inépuisable. Je pourrais continuer pendant des lignes et des lignes. Je crois que ce qui caractérise ce label, c’est de choisir des artistes avec une certaine humanité chevillée au corps qu’elle soit sombre, lumineuse, torturée ou claire.

Surtout Sub Pop m’a offert deux chansons que j’ai attachées pour toujours à deux êtres que j’aime. Mon fils avec « On the Sea » de Beach House et Olivier avec « Hopscotch » de Cocorosie. C’est toujours une bénédiction. Merci pour ces deux cadeaux et joyeux anniversaire !