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Party Girl, la politique des trois auteurs

Par Axel Cadieux, le 15-05-2014
Cinéma et Séries
Party Girl, premier film de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis. Ouverture de la compétition Un Certain Regard au festival de Cannes 2014.

Dans la majorité des films, la party girl serait restée en arrière-plan. A peine l’aurait-on évoqué au cours d’une anecdote ou pour amener un peu d’insolite au milieu d’une intrigue cadenassée. Dans la majorité des films, la party girl se serait confondue au décor. Mais ici, dans ce premier long métrage étrange signé de trois réalisateurs, on ne voit qu’elle. Une danseuse de cabaret entre cinquante et soixante ans qui profite de son mariage presque improvisé et totalement bancal pour réunir ses quatre enfants et recoller les morceaux.

Ça n’a l’air de rien, mais au final Party Girl est un film prodigieux. Capable d’embrasser dans un même mouvement l’amour et le désamour, la cruauté et la bonté. Capable d’incarner chaque personnage, même ceux qui n’ont aucune réplique, de les faire exister au-delà de leur fonction sociale. Je ne sais pas exactement ce qui se passe ici, mais il y a quelque chose de l’ordre du magique, comme une force supérieure qui permettrait aux uns et aux autres de trouver leur place et leur envergure, naturellement, sans forcer. On peut l’attribuer à la direction d’acteurs, à la grâce d’une communauté ou à la justesse du montage. Probablement un peu des trois, et surtout beaucoup de pudeur : pour aller chercher ce qui se cache derrière le fard à paupières de la danseuse, il faut nécessairement prendre son temps. Son nouvel amoureux l’apprendra d’ailleurs à ses dépens, lui qui l’a vue nue toute sa vie, mais peine à gagner sa confiance pour lui caresser la peau une fois l’intimité venue.

Le cynisme est banni, tout comme le regard du curieux venu inspecter les bouseux.

C’est aussi ce paradoxe qui rend le film sublime : se livrer sur scène, sans état d’âme, pour mieux hérisser le poil quand la musique s’est tue et que les projecteurs se sont éteints. La party girl est sauvage, trop fragile pour être en couple, irrémédiablement attirée par sa troupe. Le groupe avant tout, les enfants, l’amitié et une candeur totale. Le cynisme est banni, tout comme le regard du curieux venu inspecter les bouseux. Le trio derrière la caméra aime ce qu’il filme, vibre avec son sujet, le magnifie. Ce respect presque admiratif fait toute la différence et permet surtout l’émergence de quelques scènes merveilleuses, comme ce mariage festif emballé par le son de Mike Brant chantant en allemand. Qui ose ça encore aujourd’hui ? Qui l’ose en s’armant d’un premier degré absolu et désarmant ? Party Girl, c’est la politique des trois auteurs. La politique des acteurs, de la famille et d’une liberté insolente.