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PS’Playlist décembre 2014 (Nathan, Laura, Jean-Sébastien, Dat’)

Les playlists de décembre sont une sélection de trois morceaux par contributeur du site, représentative de leur année 2014 : des chansons actuelles ou anciennes, celles qui sont revenues comme un leitmotiv tout le long de l'année ou des découvertes ; le tout accompagné d'un texte personnel. Elles sont réunies par groupe de quatre ou cinq plombiers.

Par Collectif, le 17-12-2014

NATHAN FOURNIER

moodymann
sprinkles
silver-jews

Moodymann feat. Andrés – “Lyk U Use 2”
Extrait de Moodymann – 2014 – Sensualité

Frank & Tony feat. DJ Sprinkles – “Companion”
Extrait de You – 2014 – House 

The Silver Jews – “Tennessee”
Extrait de Tennessee – 2001 – Complainte

Habiter au Canada, c’est être dépendant de la météo. On fait avec, et la vie continue. « Mon pays c’est l’hiver », comme disait Gilles Vigneault. Alors on s’accommode et on attend avec impatience les deux semaines de printemps qui feront fondre la neige, avant de rôtir sous la chaleur de l’été. On a quasiment 9 mois à se plaindre qu’il fait trop froid ou trop chaud. La température est plus qu’un sujet de discussion, elle est presque une dictature, ici.

2014 a donc commencé avec le tube de l’été en plein hiver. Kenny Dixon Jr nous a réchauffé avec sa voix de velours et ses complaintes sensuelles. Mister Moody se languit d’un passé chaleureux et confortable, il se languit d’amour et d’attentions comme on pleure le soleil. Cette pépite pop du parrain de la house, produite par le délicat Andrés, a été la bande son d’un hiver, ce titre que l’on joue plusieurs fois pour accompagner la neige qui tombe. Dès l’hiver terminé, Moody est resté. Une évidence.

Les jours raccourcissent, et le froid laisse peu à peu sa place à l’automne. Les tas de neige qui sont restés là toute la saison, crasseux comme la ville, fondent. Le printemps arrive enfin et on s’arrête enfin de parler du temps et du froid. On redécouvre sa ville, on redécouvre les parcs. C’est une renaissance, presque. Francis Harris et Anthony Collins, accompagnés de DJ Sprinkles, offrent le complément parfait à ces quelques semaines de redécouverte.

Et enfin, alors que le froid revient, on fuit. Destination “le sud”. Pas celui de Nino Ferrer, l’autre. Georgia, Louisiana, ma fascination pour le sud des États-Unis ne fait que grandir, et à chaque fois que j’y mets les pieds, je veux y rester. Le sud, c’est plus que les champs de coton, les fruits de mer et le soleil. Ce sud est magnétique, parce que tout y semble simple et que les gens sourient. Alors on écoute cette chanson des Silver Jews et on se prépare pour les prochains voyages : vers le Kentucky ou le Tennessee.

Goodbye you suckers and steady bad luckers
We’re off to the land of club soda unbridled
We’re off to the land of hot middle-aged women
Off tot he land whose blood runneth orange

LAURA FREDDUCCI

Sean Noonan en concert
Festival Sons d’hiver – 2014 – Batterie

Cheveu en concert
2014 – Punk

Pharmakon en concert
2014 – Noise

Cette année, j’ai eu la chance de voir plusieurs concerts qui m’ont marquée, pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons. Il y a d’abord eu Sean Noonan, illustre inconnu qui faisait la première partie de Pere Ubu au festival Sons d’hiver. À l’opposé de la performance calibrée et impeccable de David Thomas, qui pour le coup m’a laissée de marbre, la première partie était assurée par ce batteur en short bordélique et généreux qui se levait toutes les 5 minutes pour jouer debout en chantant avec un regard doux-dingue, avec l’air d’être un peu dépassé par les événements, dépassé par les mouvements fous de ses bras qui l’entraînaient dans des rythmiques de plus en plus échevelées. L’important ce n’est pas la technique, c’est le panache !

Mon deuxième concert marquant de l’année commence comme une histoire qu’on connaît bien. Aucune attente, des conditions vraiment pas optimales : places gratuites, gueule de bois du siècle, Cheveu ? Connais pas. Et puis la grosse claque : ils ont tout donné, ils ont tout lancé à la foule, jusqu’à se jeter eux-mêmes, jusqu’à jeter la cheffe d’orchestre qui dirigeait la chorale de vieux invités pour l’occasion. Cheveu, c’est du bon gros punk bien violent, avec malgré tout une espèce de bonhommie tranquille qui se dégage. Des thèmes de stade de foot et des arrangements hyper malins, des rythmiques de bourrin et une performance du chanteur tout en subtilité, je m’en serais bien jetée moi-même dans la foule de gamins déchaînés qui se sont sautés dessus pendant 2h30 sans fatiguer.

Enfin, j’ai mis du temps à réaliser à quel point j’avais aimé le concert de Pharmakon. Ça fait un choc, ces bruits de vieilles portes rouillées, ces hurlements de sorcière, ces nappes sonores hyper lourdes et oppressantes, le tout porté par une jeune femme seule sur scène. Tout l’album “Bestial Burden”, et encore plus son interprétation en live, donne l’impression d’un énorme exutoire à quelque chose de monstrueux niché au plus profond de chacun. Ces morceaux atteignent l’auditeur physiquement, passent de corps à corps pour transmettre cette émotion qui se crache, se hurle, mais ne s’avale pas.

JEAN-SÉBASTIEN ZANCHI

glass-animals

Timber Timbre – “Hot Dreams”
Extrait de Hot Dreams – 2014 – Folk-rock

La Féline – “Adieu l’enfance”
Extrait de Adieu l’enfance – 2014 – Dreampop

Glass Animals – “Walla Walla”
Extrait de Zaba – 2014 – Indie rock

Difficile pour moi de ne pas inclure ce titre dans mes trois chansons les plus marquantes de l’année. Le genre qui rappelle des personnes dont on a plus forcément envie de se souvenir. Une chanson qu’on a aimé à en crever, jusqu’à l’écœurement. Et pourtant l’une des plus belles sorties cette année. Et avec l’espoir de la réécouter avec plaisir dans quelques années, comme lorsque l’on croise par hasard une personne avec qui l’on a coupé les ponts il y a longtemps.

Lorsque l’on suit une artiste depuis plusieurs années — 2009 pour être exact — c’est toujours un immense plaisir de voir sortir son premier album prendre enfin forme. Après plusieurs EP incroyables, Agnès Garaud a enfin reçu la reconnaissance qu’elle méritait avec ce disque qui renferme l’une des chansons les plus obsédantes de cette année.

Voilà certainement ma bonne surprise de l’année. Découvert par hasard au détour de la programmation de l’excellent festival Pantiero à Cannes, ce groupe d’Anglais instille une musique sensuelle et lancinante. Une petite merveille qui collait parfaitement à un été rempli de soleil et de siestes inoubliables. Et si vous êtes surpris, c’est que vous n’avez jamais fait de siestes dans le Sud.

DAT’

Gucci Mane – “Making money”
Extrait de Trap God III – 2014 – Trap lean désabusée

River Bones – “Unsex”
Extrait de Pure – 2014 – Prière Thug

Girl Band – “Lawman”
Extrait de Lawman EP – 2014 – Attaque au Molotov

Quand on devient vieux, on découvre que la vie est loin d’être un long fleuve tranquille. On navigue à vue, à tenter d’anticiper chaque virage au mieux, alors que l’on conduit avec un bandeau sur les yeux. Je ne sais plus où j’habite, je ne sais plus qui je suis. Entre Objekt et Jul, entre Autechre et Young Thug, certains collègues plus haut, à raison, parlent d’attrait à la nouveauté qui s’émousse,  qu’il est si facile de rester lové dans ses classiques. De faire tourner pour la mille et unième fois un disque de chevet, plutôt que de foncer sur de nouveaux territoires accidentés. Les oreilles se ramollissent, elles n’ont plus le courage d’arpenter de nouveaux chemins, à courir au hasard comme des gamins sur les routes du quartier. Il faut pourtant de la fraicheur, parce que rester sur ses acquis, s’engluer dans la routine, se gaver d’une vie et d’un job qui tourne en rond, c’est ça, le début de la fin.

2014, c’est la perspective de se faire des brousoufs. Alors entre deux nuits blanches, autant s’extirper du bourbier, et penser à faire des deniers. Pas par passion, pas par survie, mais via une molle nécessité, une habitude viciée, et c’est Gucci Mane qui symbolise ce processus les doigts dans le nez. En prison, ex défoncé, le bonhomme lâche ses élucubrations non-sensiques sur un morceau de folie. Gucci, on perd légèrement espoir depuis qu’il est en tôle, certes, mais ces rares morceaux prouvent encore que le bonhomme reste le king, le fou, celui qui claquera sans prévenir d’une overdose en laissant derrière lui plus de trésors sur nos iTunes que de diamants sur ta Breitling.

Mais 2014, c’est aussi la Mort. Pas survenue cette année, mais validée. Fini le dénis, au revoir l’anesthésie. La prise de conscience, l’acceptation, elle est là. Et ça peut-être beau comme processus. Triste, mais beau. Ca tombe bien, parce que River Bones, il fait une musique qui pue la Mort. Mais la belle Mort. Pas celle qui choque, qui persécute. Celle qui est calme, légère comme un chiffon blanc jeté après un trop long match de boxe. Oh certes, il y a chez River Bones de la violence et de l’hystérie, mais  au final, le cœur du morceau, la colonne vertébrale, c’est la beauté d’une mélodie de folie.

Et puis il y a des moments où tu veux que l’on arrête de se foutre de ta gueule, où tu as envie de tout casser, de te rebeller et bouffer le monstre foule. Hurler, tout balayer et repartir propre comme un sou neuf en piétinant les décombres. Pertinent est Girl Band, typhon effarant, tube de stade ahuri, grand bordel jouissif. Un morceau rock comme track de l’année? Cela semblait impossible, mais c’est pourtant que ce qui est en train de se passer.