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vashti-bunyan1) Vashti Bunyan – “Train song” (Laura Fredducci)
Extrait de “Train Song” – 1966 – Folk
La train song est comme une chanson de toile moderne, ces chansons que composaient les femmes nobles au Moyen-Âge autour d’un métier à tisser, en attendant qu’il se passe quelque chose. Ici, on s’imagine bercée par le cahot du wagon plutôt que par celui du rouet, et on tricote l’attente en rêvant d’amour, de paysages enneigés, d’une vie nouvelle. Tout ce vide entre les gens, des kilomètres de distance, même quand on est à portée de voix ; heureusement que le train avance.

playlist janvier 2015 no clear mind2) No Clear Mind – “When you’re not here” (Alexandre Mathis)
Extrait de l’album “Mets” – 2013 – Post-rock au temps suspendu

Les particules restent en l’air, suspendues. La marée n’ose pas encore grignoter la plage. Il fait un peu froid ce matin-là. A tel point que les poils des bras se dressent au garde à vous. Le bourdonnement de la veille dans les oreilles est passé. Mon pansement au doigt est tout noir, sali par le sable et le verre de vodka renversé dessus. Quand soudain : une vision, un mirage. Il se dressait là, celui qui a toujours été absent. Juste là, sur la plage, à me scruter. Il s’approche. Je crois pouvoir le prendre dans mes bras. Ses pas sont dansants, étonnement souples pour un macchabée. Au moment de le toucher, il disparaît. Décidément, il m’échappera à jamais.

Sharon Van Etten3) Sharon Van Etten – “Your Love Is Killing Me” (Anthony)
Extrait de “Are We There” – 2014 – Folk 
Parmi les recettes d’une chanson réussie, citons l’effet dit du “Boléro”. A savoir une rythmique lancinante, répétitive, au crescendo maîtrisé pour parvenir in fine au stade d’emphase ultime qui rend l’auditeur littéralement hypnotisé. Dans un registre pop-folk où la voix contribue à l’atteinte du climax tant recherché, Sharon Van Etten réussit avec “Your Love Is Killing Me” son Boléro à elle. Proche dans son registre vocal d’une certaine PJ Harvey, la jeune Américaine ne s’appuie pas seulement sur l’efficacité émotionnelle de la structure de sa chanson mais décuple ses effets par l’évidente intensité de son dépit amoureux. Certes, les ficelles sont grosses mais on ne peut pas ici douter de la sincérité de l’artisan.

bigott-the-original-soundtrack4) Bigott – “God is gay” (Arbobo)
Extrait de “The orinal soundtrack” – 2011 – Spanish pop
Cet espagnol là est doué, SACREMENT doué. On lui doit plus d’un tube, déjà. Et puis voilà ce titre, “Dieu est gay”, qui nous revient en mémoire. Souvenez-vous, un universitaire américain, Alan Watts, a fait frissonner son pays en laissant entendre qu’un astronaute de la très chrétienne et très hétéro et très blanche Amérique aurait déclaré à son retour sur Terre : “J’ai vu Dieu. Elle est noire”. Ah ah, les bigots pris à leur propre piège, ou lorsque l’intouchable figure divine se trouve, par une simple déclaration, incarnée par ce que les étroits d’esprit diabolisent jusqu’à épuisement! Il est très Charlie, ce musicien de la sainte Espagne et d’une Madrid qui sait trop bien ce que c’est qu’un massacre. Et nous, qui vivons dans “la fille aînée de l’église”, on a grand besoin de fouteurs de merde en son genre. Merci Bigott. Mais vous avez ma bénédiction pour écoutez également “No god” de l’immense et merveilleuse galloise Cate Le Bon. Croyants ou non, on a tou-te-s besoin d’un peu de sens de la dérision.

Soul_Is_Pretty_Purdie5) Bernard Purdie – “Heavy Soul Slinger” (Christophe Gauthier)
Extrait de “Soul is… Pretty Purdie” – 1972 – Funk
J’ai senti une petite excitation monter à l’annonce de la sortie d’un nouvel album de Prodigy en mars. Et puis en écoutant le premier single, “Nasty”, plus rien : redite, autoréférence, à deux doigts de la parodie. Juste une envie de revenir aux bases, de réécouter “Firestarter” ou, mieux, “Poison”. En creusant un petit peu, j’ai découvert la source d’un des beats de ce morceau, un petit bijou signé Bernard Purdie, funky drummer qui a manié ses baguettes entre autres derrière James Brown, Herbie Hancock et Aretha Franklin. Si “Nasty” me fait limite bailler, ce “Heavy Soul Slinger” me donne envie de  taper frénétiquement du pied.

220px-Tempts-greatest-vol26) The Temptations – “Ball of Confusion” (Thierry Chatain)
Extrait de “Greatest Hits II” – 1970 – soul psychédélique
Souvent, j’ai l’esprit très littéral. Quand c’est la merde, qu’on entend dire tout (et surtout) n’importe quoi, ce morceau des Temptations me vient en tête. Parfait exemple de la soul psychédélique qu’orchestrait le producteur/compositeur Norman Whitfield au sein de la Motown au tournant des années 60/70, “Ball of Confusion”, porté par une ligne de basse lancinante, joue sur toute la palette des voix des chanteurs qui font mine de se couper la chique dans une chorégraphie réglée au millimètre pour évoquer l’urgence des problèmes entremêlés – chômage, guerre, intégration… – qu’affrontait l’Amérique. Ça ne résout rien sans doute, mais l’énergie vitale qui se dégage de tout ça donne au moins une bouffée d’oxygène.

Treme-Brass-Band7) The Treme Brass Band – “Didn’t He Ramble / I’ll Fly Away” (Nathan)
Extrait de “Treme” – 2010 – Second Line
J’ai l’impression que janvier n’a été qu’une succession d’enterrements. Cela coïncide étrangement avec ma redécouverte de l’hymne religieux “I’ll Fly Away”, par Xiu Xiu dans Unclouded Sky d’abord, puis dans le Treme de David Simon, avec une des plus belles scènes de télévision que j’ai pu voir. Dansons pour honorer et célébrer les morts, alors ?

Scissor_sisters_-_ta_dah_cover8) The Scissor Sisters – “I Don’t Feel Dancin’” (Isabelle Chelley)
Extrait de “Ta-Dah” – 2006 – pop queer
Mon amour pour les Scissor Sisters ne date pas d’hier. Balancez-moi des tempos discoïdes et des paroles dégoulinantes d’humour et de vitriol et la party-girl en moi se réveille, grimpe sur les tables et gogo-dance comme une drag-queen en surdose de poppers. Cette chanson-là, toute en contradictions, avec sa mélodie donnant envie d’envahir le dancefloor, toutes paillettes dehors, et son texte clamant le contraire, résume si bien mon humeur de début d’année. Pas envie de rigoler. Pas envie de trop réfléchir non plus. Juste de faire la fête au bord du volcan, en abusant de tout, puisqu’on va tous mourir, et peut-être plus tôt qu’on le croit. Avec les Scissor Sisters en fond sonore, ça m’ira très bien.

DJ_Nori_-_Happy_Sunday_(Maurice_Fulton_mix)9) DJ Nori – “Happy Sunday (Maurice Fulton mix)” (Marc di Rosa)
Extrait du maxi “We don’t know EP” – 2013 – house
Personnage méconnu et brillant producteur, l’Américain Maurice Fulton transforme souvent en or les morceaux qu’il remixe. C’est le cas de “Happy Sunday”, dont il détourne le sens du titre pour insuffler une atmosphère sombre, propagée par une basse ronflante et vrombissante, mais égayée par des envolées au groove imparable et teintées de disco. Une description en musique d’un lendemain de fête et du soulagement éprouvé à la disparition des maux de tête engendrés par les excès de la veille…

aphex-twin10) Aphex Twin – “diskhat ALL prepared1mixed 13” (Jean-Sébastien Zanchi)
Extrait de “Computer Controlled Acoustic Instruments Pt2” – 2015 – Musique électro-acoustique
Beaucoup espéraient voir en Syro, son premier album depuis douze ans, le retour en force du patron de la musique électronique. On n’avait alors pu que constater qu’il s’agissait finalement d’un disque décevant, dernier sursaut de productions entamées dix ans auparavant. C’est donc bien logiquement que tous les réels espoirs se sont fondés sur son nouvel EP sorti en janvier : “Computer Controlled Acoustic Instruments Pt2”. On y redécouvre enfin un Richard D. James inventif, manipulant de nouvelles techniques de productions et des sonorités renouvelées. Même si l’idée exploitée dans ce disque n’est pas complètement aboutie, elle ne peut que préjuger d’une nouvelle direction artistique excitante.

11) Antemasque – “Momento Mori” (Benjamin Fogel)Antemasque
Extrait de “Antemasque” – 2014 – Rock fm jouissif
Avec le temps, comme beaucoup de gens, j’avais fini par me lasser des élucubrations d’Omar Rodríguez-López et de Cedric Bixler-Zavala. A vrai dire, eux-mêmes commençaient à ne plus très bien savoir où ils allaient et encore moins pourquoi. Antemasque, leur nouveau projet, partit de ce constat et se construisit sur l’idée de revenir à une musique plus directe et plus généreuse. On aurait alors pu imaginer le groupe proposer des chansons à mi-chemin entre At The Drive-In et The Mars Volta, mais le résultat est encore plus excitant que cela. Le duo, accompagné par Flea et Dave Elitch, s’y révèle telle une machine guerre rock fm. Oui rock fm dans le sens le plus noble du terme, un truc bigger than life au point que l’on finisse par se demander si Antemasque ne pourrait pas devenir les AC/DC du XXIe siècle.

Benjamin Schoos 15012) Benjamin Schoos – “Visiter La Lune” (Marc Mineur)
Extrait de “Beau Futur” – 2014 – Héroïsme discret
C’est dans le quasi-portnawak et sous le nom de Miam Monster Miam que Benjamin Schoos a commencé sa carrière. C’était amusant et ce l’est moins maintenant. Parce que maintenant, il s’exprime dans une musique ample, toujours inspirée et occasionnellement un peu nostalgique. Comme un Biolay tout simple et avec l’accent de Serein, il trace sa route avec des amis de longue date (Jaques Duvall) ou plus récents (La Féline, Chamfort, Zita Swoon). Un des grands albums brillants et un peu sous-estimés de 2014. Visitons la lune avec lui.

Pan_American_rue_corridor_medium_image.jpe13) Pan American – “Rue Corridor” (Alexis Joan-Grangé)
Extrait de “Sketch for Winter II” – 2014 – retro-post-quelquechose
“Quiet City” fait partie – avec le “Spiderland” de Slint, avec le Mi Media Naranja de Labradford – des quelques albums qui ont largement forgé ma postadolescence musicale. À la manière dont le “Bitches Brew” de Davis ou le “Boca Negra” des Chicago Underground modulent aujourd’hui mon passage vers la trentaine. Pas nécessairement ceux que j’ai les plus écoutés, mais ceux donc le choc ne s’est jamais résorbé. Et voilà donc cette cassette de Pan American pour GeoNorth, sur laquelle je tombe par hasard et qui sonne comme des retrouvailles. J’ai fait mon boulot a minima – j’ai checké Wikipédia. Pan American a sorti deux albums depuis ma dernière écoute il y a dix ans. Et tiens, non seulement apparaît sur le second album de Pan American Rob Mazurek, leader de Chicago Underground, mais derrière Pan American se cache en fait Mark Nelson, ancien leader de Labradford. C’est forcement un signe, ou un parfait exemple de mon inculture historique en matière de musique. Mais, mieux que des retrouvailles : le rappel qu’il n’y avait rien de perdu.

Keith Ape14) Keith Ape – “잊지마  ft. JayAllday, loota, Okasian, Kohh” (Dat’)
2014 – La jeunesse va bien
Que le rap asiatique s’inspire de son papa américain, cela va sans dire. Qu’il s’inscrive dans les dernières tendances, c’est déja plus compliqué. Entre expérimental échevelé et boom bapoldschool, il y a peu de place pour la drill-trap nippone. Il était pourtant certain que la bande de drogués à la Young Thug allait impacter quelques MC made in asia. Saletée droguée, lyrics flingués, hurlements hystériques, Keith Ape invite coréens et japonais pour balancer un morceau sans queue ni-tête, entre et pourtant si proche de ce que l’on peut trouver dans les morceaux les plus hallucinés made in USA. On tape pile entre Thugga et OG Maco, la barrière du langage et le Bape name-dropping en plus. Avec en point d’orgue le couplet non-sensique de Kohh (que l’on connaissait déjà dans ce genre de délires), paroxisme d’égo-trip incohérent. La drogue a beau être difficile à trouver au Japon, elle fait quand même de sacrés putain de dégâts.

rock-plaza-central-are-we-not-horses15) Rock Plaza Central – “Anthem for the already defeated” (Lucile Bellan & Thomas Messias)
Extrait de “Are We Not Horses” – 2006 – Indie rock
C’est une scène dans un petit film indé post-apocalypse zombie. Un hipster barbu et cynique danse une bouteille dans une main, son flingue dans l’autre. Le casque sur les oreilles, il est coupé du monde. Sa danse est tragique, grotesque. C’est une danse pour ceux qui n’ont rien à perdre parce qu’il ont tout perdu. Parce que parfois, tout ce qu’il reste à faire c’est boire et danser. La danse est solitaire mais c’est en tant et parce qu’il est en duo qu’il survit. Mon binôme et moi on survit. On accepte les épreuves avec la certitude que le pire est à venir, en profitant du meilleur comme s’il n’allait plus jamais se reproduire. We will not be defeated.