Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

Quatre ans après sa parution, Rétromania, le fameux essai de Simon Reynolds, que l’on adhère ou non à toutes ses thèses, continue à trouver des résonances dans l’actualité. Outre les désormais rituelles reformation (Steely Dan à Coachella) et albums-historiques-joués-dans-leur-intégralité-par-leurs-créateurs (Horses de Patti Smith et Marquee Moon de Television, annoncés bientôt à Paris), on commémorait ainsi il y a quelques jours les 30 ans de la sortie de 25 O’Clock, le mini-album à la sauce sixties psychédélique des Dukes Of Stratosphear, alias XTC. Le tout-venant, en quelque sorte.

Plus étonnant, en revanche, est le verdict du procès qui opposait les héritiers de Marvin Gaye, d’un côté, face à Pharrell Williams et Robin Thicke dans l’affaire “Blurred Lines”. Les auteur et interprète ont toujours reconnu, et même revendiqué, que “Got To Give It Up” était la grande inspiration du plus gros hit de 2013, qu’ils avaient conçu comme un hommage. Mais sans pour autant plagier des éléments soumis au copyright, la mélodie en particulier. À tel point que ce sont eux qui ont initié une action préventive contre les héritiers de Marvin Gaye, mais aussi l’éditeur de Funkadelic (pour “Sexy Ways”), qui commençaient à dire que Pharrell et Thicke auraient dû leur demander un accord préalable d’utilisation de ces chansons. Au bout du compte (et avant appel), un jury fédéral a donné raison aux héritiers de Marvin Gaye. Un verdict davantage basé sur des similarités au niveau du son et de l’esprit que des harmonies, de la mélodie (en dehors de quelques notes de la ligne de basse) ou du rythme stricto sensu.

Des lignes brouillées, c’est bien ce que l’on peut retenir de ce jugement, fortement décrié par de nombreux musiciens, de la star country Keith Urban à Mick Collins, le leader des Dirtbombs. C’est en effet toute la question des influences qui semble reposée, dans un domaine où les différences pouvaient déjà apparaître floues sur le continuum allant de l’appropriation brutale au pastiche, en passant par les cases parodie et plagiat.

Pour s’en tenir au domaine du rock, quelques exemples peuvent clarifier ces notions : l’appropriation, c’est tout simplement reprendre un morceau en “oubliant” de citer son compositeur. Led Zeppelin a été le champion du larcin pur et simple, et l’évolution des crédits de composition de quelques-uns de leurs “classiques” – “Babe, I’m Gonna Leave You”, “Dazed And Confused” et “Whole Lotta Love”, notamment – est édifiante, au fur et à mesure que leurs “emprunts” étaient mis au jour.

Le plagiat, c’est la reprise – inconsciente ou non – d’éléments significatifs d’une chanson déjà publiée, la mélodie étant, jusqu’au cas “Blurred Lines”, considérée comme l’élément déterminant. L’un des exemples les plus retentissants du genre a été “My Sweet Lord”, le premier succès post-Beatles de George Harrison, étrangement similaire à “He’s So Fine” des Chiffons, un girl band du début des années 60. Harrison a plaidé le plagiat inconscient, d’autant qu’il connaissait leur répertoire. Et a limité les dégâts financiers en rachetant l’éditeur de la chanson…

La parodie, « imitation burlesque » ou « contrefaçon grotesque », selon le Petit Robert, c’est par exemple le domaine de prédilection de Weird Al Yankovic. L’Américain détourne pour rire tous les styles et tubes les plus populaires de ces 30 dernières années, et il s’est payé la tête de Michael Jackson, Madonna, Nirvana ou Daft Punk, notamment à travers des vidéos.

Et le pastiche ? Le même dictionnaire affirme qu’il s’agit d’une « œuvre littéraire ou artistique dans laquelle l’auteur a imité la manière, le style d’un maître, soit pour s’approprier des qualités empruntées, soit par exercice de style ou dans une intention parodique ». Hommage aux maîtres et exercice de style sont bien, dans l’ensemble les caractéristiques des pastiches dans le rock. Avec ce que cela représente de jeu sur les références – faute de quoi le pastiche n’est pas reconnu comme tel par l’auditeur – et de connivence.

Mais il peut y avoir des exceptions. Si l’on pense aux musiques d’illustration sonore (library music, en anglais), avant tout destinées à faire réaliser des économies aux producteurs audiovisuels, le pastiche se fait purement et simplement fonctionnel. Et dans le cas du glam rock, dont la naissance coïncide avec l’élaboration du concept de postmodernité, le pastiche est, avec la citation, un élément fondateur pour bâtir une nouvelle esthétique, confer le fameux “Re-Make/Re-Model”, première chanson du premier album de Roxy Music, qu’on peut prendre comme un manifeste.

Si les pastiches assumés le temps d’une chanson sont trop nombreux pour se lancer dans une énumération, tout comme les disques de reprises – exercice inauguré par le Pin Ups de David Bowie et le These Foolish Things de Bryan Ferry, deux têtes pensantes du glam, il n’y a pas de hasard –, rares sont ceux qui se risqués à pousser le jeu sur la longueur d’un album. Peut-être parce qu’il faut une certaine dose de monomanie pour consacrer son temps et son énergie créatrice à s’inscrire dans un style d’emprunt bien balisé et qui n’est pas le sien propre, mêlée à un mélange de modestie (accepter de s’oublier) et d’arrogance (se mesurer à ses maîtres, avec ce que la comparaison peut avoir d’écrasant). Au risque de se voir traité avec condescendance par la critique. Raison de plus pour se pencher sur une demi-douzaine d’exemples marquants d’albums pastiches à travers 40 ans d’histoire du rock, et essayer de comprendre pourquoi ils ont vu le jour.

The Mothers Of Invention – Cruising With Ruben & The Jets (1968)

Frank_Zappa_-_Cruising_With_Ruben_&_the_JetsSimon Reynolds, dans Rétromania, pointe non sans raison le double blanc des Beatles et ce quatrième album des Mothers Of Invention parmi les premiers exemples de disques revisitant des périodes passées de l’histoire du rock. Avec des motivations totalement différentes. Si les Beatles, en crise, commencent à se poser, comme nombre de leurs pairs, la question d’un nécessaire progrès musical, après un lustre d’évolutions constantes et fulgurantes, la démarche des Mothers est tout autre. Cruising With Ruben & The Jets est à prendre comme un volet conceptuel – parmi les autres – s’inscrivant dans le projet No Potential Commercial, qu’on peut prendre comme une déconstruction de la musique de Zappa en ses divers éléments – satire, collages et jeu sur le studio, musique contemporaine. Ce disque est ainsi enregistré simultanément avec We’re Only In It For The Money (et sa fameuse pochette parodiant celle de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band), Uncle Meat et Lumpy Gravy.

Fan du doo-wop, la forme de rhythm’n’blues parfois un peu sirupeuse pratiquée par des groupes vocaux qui berça son adolescence, Zappa en reprend ici tous les codes, en les poussant à bout. Il s’amuse en particulier à exagérer le côté niais et naïf des paroles, mais aussi à parsemer les harmonies des chansons – dont quatre sont des nouvelles versions de titres déjà sortis sur Freak Out, le premier disque des Mothers – de références à Stravinski et autres compositeurs “savants”. Si la parodie n’est jamais loin, l’amour sincère et jamais démenti de Zappa pour le doo-wop le pousse tout autant vers l’hommage. Cette ambiguïté est ce qui fait le sel de l’album, originellement sorti sous un emballage façon comics délibérement ironique et qui pourrait faire croire que le groupe s’appelle réellement Ruben & The Jets, avec une mention discrète du nom de ses auteurs : « Sont-ce les Mothers Of Invention qui enregistrent sous un autre nom dans une tentative désespérée de faire jouer leur musique dégueu à la radio ?» La réalité rejoignant la fiction, quelques années après, un groupe rétro chicano adoptera effectivement le nom de Ruben & The Jets avec la bénédiction de Zappa, qui produira leur premier album.

The Turtles – Present The Battle Of The Bands (1968)

The_Turtles_-_The_Turtles_Present_The_Battle_of_the_BandsCoïncidence ? Le cinquième album des Turtles – dont les chanteurs, Howard Kaylan et Mark Volman, sont des amis de Frank Zappa, qu’ils rejoindront dans les Mothers Of Invention en 1970 – paraît quasi simultanément avec Ruben & The Jets, et revêt aussi la forme du pastiche. Mais là où Zappa se limite à un seul genre, les Turtles font feu de tout bois. Sous prétexte de concours entre groupes fictifs (d’où le titre), dont ils endossent successivement les identités, et les uniformes vestimentaires sur la pochette intérieure, ils reprennent à leur compte un peu tous les styles populaires en Californie et aux alentours, contemporains ou à peine dépassés. Avec d’excellentes compositions originales aux textes humoristiques, et une parfaite aisance. Après tout, eux-mêmes ont déjà montré leurs capacités d’adaptation en s’adaptant aux modes, du surf à ce qu’on appellera après-coup la sunshine pop, en passant par le folk-rock. Autant de genres que l’on retrouve ici, ainsi que le country-rock, la musique hawaïenne, la soul ou le psychédélisme. Outre “Elenore”, fortement réminiscent de leur propre tube “Happy Together”, sortent particulièrement du lot une reprise paresseuse mais somptueusement arrangée de “You Showed Me”, composé par Roger McGuinn et Gene Clark juste avant qu’ils ne fondent les Byrds, et “Oh Daddy”, qui jette un pont prémonitoire entre les Kinks de 67 et ceux de 71-72, avec ses cuivres façon Dixieland. De quoi expliquer que l’album suivant du groupe (leur dernier), Turtle Soup, sera justement produirait par Ray Davies, le leader des Kinks ? Tout cela suffirait déjà à justifier la (re)découverte de ce savoureux Battle Of The Bands si ce disque n’avait un autre intérêt : il a été très abondamment samplé – et même plus que bon nombre de disques plus originaux de la même époque – par une foule d’artistes de rap. Au point de devenir un cas d’école lorsque Kaylan et Volman ont lancé un des premiers procès médiatisés liés à l’utilisation non autorisée et sans versement de royalties de samples.


De La Soul a dû ainsi lâcher une somme rondelette aux interprètes originaux (non compositeurs) pour avoir recyclé 12 secondes de “You Showed Me” sur leur “Transmitting Live From Mars”. Ce qui ne manque pas de sel, dans la mesure où l’on peut trouver la démarche de De La Soul plus créative que celle de pasticheurs. Mais sans sous-estimer la force du pastiche : si la règle d’or de sa réussite est d’épingler les traits les plus saillants et caractéristiques du style de son modèle, il en devient ainsi le plus parfait exemple. Et une sorte d’hypersignifiant immédiatement perceptible lorsqu’il est recontextualisé et détourné, comme dans le cas du sample.

Utopia – Deface The Music (1980)

defaceTodd Rundgren est ce qu’on appelle un musicien complet : multi-instrumentiste, producteur, orfèvre pop culte avec des disques baroques comme A Wizard, A True Star (1972), défricheur des sons électroniques tenté par le prog-rock avec son groupe Utopia. Depuis 1976, on sait aussi qu’il est capable à lui tout seul de recréer à l’identique n’importe quel classique du rock des années 60. Cette année-là, sur une moitié de son album solo Faithful, il a repris rien moins que “Good Vibrations” des Beach Boys, Hendrix, Dylan, ainsi que “Rain” et “Strawberry Fields Forever” des Beatles. On ne sait pas très bien à quoi ça sert, mais la performance impressionne.

On le pensait ainsi purgé de sa fixette sixties lorsqu’est paru ce Deface The Music avec Utopia, qui n’est ni plus ni moins qu’un pastiche des Beatles dans toutes leurs phases, dans un ordre quasi chronologique. Un pastiche habile, où défilent comme à la parade tous les sons et effets caractéristiques de telle ou telle époque (la Rickenbacker de Lennon en 65, les sons à l’envers, le phasing sur la guitare de Harrison ou la reverb sur les caisses de Ringo), les harmonies vocales, les ballades sucrées à la McCartney – avec quand même d’assez vilains sons de synthé en guise de trompette baroque ou de quatuor à corde. Le hic est que les décalques sont vraiment transparents, on peut trop facilement jouer à rendre à chaque “nouveau” morceau son ADN original. Même les titres ont un petit air de déjà entendu (“Where Does The World Goes To Hide”, “Life Goes On”). Tant qu’à faire dans le clin d’œil appuyé, les Rutles sont déjà passés par là, en allant plus loin dans la satire…

Todd Rundgren justifiera cette parenthèse sans lendemain et sans nécessité apparente dans sa carrière et celle d’Utopia par pur esprit de contradiction. Au départ, “I Just Want To Touch You” avait été écrite pour la B.O. du film Roadie, pour se moquer de The Knack qui triomphait alors avec “My Sharona” en exploitant les vieilles recettes des Beatles. Mais, les producteurs craignant de se faire attaquer par Apple pour plagiat, ils avaient refusé ce morceau. Ce qui avait poussé Utopia à continuer dans cette voie sur tout un album. Sans que les Beatles ou leurs avocats se sentent concernés. Et pourtant…

The Dukes Of Stratosphear – 25 O’Clock (1985) / Psonic Psunspot (1987)

25OClock25 O’Clock pourrait être pris pour un simple canular au départ. Le mini-album paraît en effet un 1er avril sous pochette-collage dûment chamarrée et il est présenté comme l’œuvre enregistrée au cœur des années 60 et restée inédite d’un groupe psychédélique inconnu au bataillon, dont les musiciens répondent aux doux noms de Sir John Johns ou Lord Cornelius Plum. Derrière la supercherie se cache en fait XTC. Les Anglais sont un peu au creux de la vague et ne font plus de scène depuis 1982, leur leader Andy Partridge étant victime de crises de panique. Simultanément, un peu partout, on assiste à une redécouverte du psychédélisme. Du côté de Los Angeles, le Dream Syndicate, les Bangles ou Rain Parade, dont le guitariste David Roback fondera Mazzy Star, forment ce qu’on appelle le Paisley Underground, tandis que Teardrop Explodes ou Echo & The Bunnymen à Hollywood se mettent au LSD.

XTC, justement, a toujours adoré cette période 1966-1967, et décide de lui rendre un hommage le plus fidèle possible à cette période. Fidèle, mais nullement servile. Si tous les sons, instruments et effets de l’époque sont bel et bien convoqués (sitar, phasing, orgue Farfisa et mellotron, bruitages divers) et si l’on peut s’amuser à mettre des noms sur les inspirateurs évoqués (presque façon séance spirite), de Pink Floyd période Syd Barrett aux Yardbirds en passant par les Electric Prunes et, forcément, les Beatles, XTC a l’intelligence de ne pas trop appuyer ses clins d’œil. De plus, le trio a sorti le grand jeu en matière de mélodies, à la hauteur aussi bien des grands anciens que de ses meilleures compositions sur ses propres Drums And Wires ou English Settlement. Et il parvient ainsi à faire d’un pastiche un disque que l’on peut aimer au premier degré, en arrivant à oublier son point de départ.

À tel point que, après avoir retrouvé son identité le temps de Skylarking, XTC réenfilera les vestes à brandebourgs des Dukes Of Stratosphear pour un 33 tours entier cette fois, Psonic Psunspot, immédiatement réuni en CD avec 25 O’Clock sous le titre de Chips From The Chocolate Fireball. Nos garçons n’aimant pas radoter, Psonic Psunspot conserve des références sixties, mais s’éloigne des maniérismes trop connotés de l’époque, et Andy Partrige et Colin Moulding dissimulent moins leurs voix sous les effets. Si bien que, cette fois, on n’a pas l’impression d’un classique oublié des sixties qui se trouverait être enregistré par XTC, mais bien d’un disque de XTC qui remonterait à cette époque, sans se départir de son identité. Ce qui lui donne une autre forme de séduction, moins immédiate, mais plus durable, et qui transcende le simple pastiche.

The Fraternal Order Of The All – Greetings From Planet Love (1997)

The Fraternal Order Of The All - Greetings From Planet Love (UK) - FrontUn pastiche peut-il à son tour être pastiché ? Oui, en voici la preuve. Le projet sous nom de code suspect, la pochette chamarrée (mais carrément tartouille, pour le coup), les pseudos de musiciens hauts en couleur (Colin Allcars, Gene Pool, etc.), tout ici rappelle les Dukes Of Stratosphear avant même qu’on ait écouté la moindre note. Et Andrew Gold, le responsable à 98 % de Greetings From Planet Love, le reconnaissait volontiers : c’est bien XTC qui lui a donné l’idée d’y aller de son propre hommage à ses maîtres des années 60. Connu des érudits comme musicien de studio, leader du groupe de scène de Linda Ronstadt dans les années 70 (en ayant eu pour prédécesseur les Eagles), ainsi que pour quelques gentils hits en solo (“Thank You For Being A Friend”), Andrew Gold s’essaie ici à bâtir une sorte de suite, ponctuée de brefs intermèdes, qui alterne avec un bonheur inégal des chansons simplement évocatrices du son et de l’esprit de l’époque et des démarcations troublantes tant elles sonnent plus vraies que nature des Byrds, des Doors (à la limite de la parodie), des Beach Boys et des Beatles. “Rainbow People” réussit ainsi un digest digeste de Sgt. Peppers, Magical Mystery Tour et de la B.O. de Yellow Submarine en moins de 3 minutes, alors que “Mr. Plastic Business Man” dévale Abbey Road en emportant Bob Dylan dans ses valises.

Pour l’anecdote, on remarque dans les crédits la présence ponctuelle de Graham Gouldman, authentique figure mineure des sixties. Compositeur de hits pour les Yardbirds (“For Your Love”), les Hollies (“Bus Stop”) ou Herman’s Hermits (“No Milk Today), il cosigne ici “King Of Showbiz”, qui détonne quelque peu dans l’ensemble, en rappelant plutôt certains suiveurs des Beatles dans la décennie suivante comme Electric Light Orchestra ou 10cc, dont Gouldman fut l’un des fondateurs. On peut préférer Andrew Gold dans ses numéros de faussaire de précision, parfaits pour semer la confusion dans un blind-test.

The Explorers Club – Freedom Wind (2008)

explorers_clubPour en revenir une dernière fois à Simon Reynolds, les années 2000 sont pour lui par excellence la décennie de la rétromania, celle où le passé de la pop culture finit par totalement submerger le présent, en un raz-de-marée où toutes ses précédentes incarnations reviennent simultanément. Si l’on peut penser par exemple au retour du post-punk, on n’en a toujours pas fini pour autant avec les sixties, déjà bien mises à contribution par la Britpop dans la décennie précédente notamment.

The Explorers Club se présente comme un cas limite : pour leur premier album, ces inconnus basés à Charleston, en Caroline du Sud, plutôt que de revendiquer une once d’identité, se posent en tribute band des Beach Boys qui écrirait ses propres chansons.

allsummerIls poussent le fétichisme très loin dès l’emballage : outre un collage aux couleurs délavées de photos des musiciens à la plage, cheveux dans le vent, exact décalque de celui de All Summer Long (1964), il affiche en guise de stigmates les marques d’usure que laisse un 33 tours vinyle sur une pochette en carton épais. Et l’écoute ne dément pas la première impression, dès l’intro de batterie exactement reprise à celle de “Be My Baby” des Ronettes – à l’origine de l’obsession spectorienne de Brian Wilson. Freedom Wind est exactement ce à quoi pourrait ressembler une collection d’inédits oubliés des Beach Boys, en se montrant à la hauteur du modèle, et avec une prédilection pour la période 65-69. À peine peut-on pointer une petite déviation le temps de “Honey, I Don’t Know Why” (un genre de “Darlin’” qui se serait gavé de slide guitare et de stéroïdes), pour le reste, on ne sort pas du bac à sable de la famille Wilson. À un tel point d’hyperréalisme que, le nom du label – Dead Oceans – aidant, on peut en arriver à se demander s’il ne s’agit pas d’un artefact pointant ironiquement le maniérisme de son époque. Hypothèse réfutée par Jason Brewer, la tête pensante de cet Explorers Club, qui déclarait fièrement, après la sortie de Freedom Wind : « Brian Wilson m’a appelé il y a quelques semaines. Il m’a dit à quel point il aimait notre groupe. Si le type que je plagie fidèlement aime ce que je fais, je me fiche de ce que les autres peuvent en dire. »

Si la plupart de ces pastiches se réfèrent aux rock des années 60 et, en particulier, au psychédélisme, c’est sans doute parce que cette période est depuis considérée comme une sorte d’âge d’or des premières fois, avec sa croyance dans l’utopie que la musique pouvait changer le monde et ses sons et effets datés. Ce qui ne signifie pas que le son des ères suivantes est sans lendemain. Juste, peut-être, que beaucoup de ceux qui continuent à s’inspirer en puisant dans le punk, le rock garage, la pop électronique eighties, le folk, le grunge ou l’indie-rock, ont du mal à suffisamment se détacher de leurs influences pour ne pas sonner en permanence comme des pastiches. Mais involontaires.