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Bien malin qui pourra cerner John Grant. On pensait l’affaire entendue en découvrant son premier et très bel album Queen of Denmark qui ne dénotait pas par rapport à ce qu’il avait fait avec les Czars et profitait de l’appui de rien de moins que Midlake. C’était ample et amusant à la fois, on avait bien aimé. Et puis il a commencé à brouiller les pistes dès Pale Green Ghosts qui faisait largement appel à l’électronique mais pas que. Déroutant dans un premier temps, il avait fini par s’imposer, parce que son ironie mordante était toujours là.

Après quelques versets de la bible, on retrouve tout de suite ses repères. Il y a déjà des violons, une mélodie fondante et sa distanciation. Mais c’est pour mieux nous dérouter par la suite. Contrecoup de son impeccable album avec un orchestre symphonique ? Difficile à dire, mais on constate une envie d’éclectisme qu’on ne lui connaissait pas à ce point et qui le fait sans doute sortir de sa zone de confort, mais aussi de sa zone de compétence. Il faut aussi savoir que bien des choses ont changé dans sa vie depuis, notamment une relocalisation en Islande et une sérénité gagnée. Ce qui ne transparait pas exactement, ses anciens démons d’une adolescence timide et dans le placard sont encore là.

Ce n’est jamais chez lui la volonté de sonner moderne qui le pousse à se diversifier

Il revient donc à la veine électronique plus rentre-dedans de Pale Green Ghosts sur Snug Slacks ou Black Blizzard où son phrasé et sa voix profonde maintiennent le contact. Il va même se prendre pour Trent Reznor le temps de Guess How I Know, voire tutoyer le glam avec le plus garage You and Him exécuté avec l’aide d’Amanda Palmer. Mais le seul moment plus embarassant est ce Voodoo Doll qui nous semble pour le coup plus proche de Bruno Mars. Le sourire en plus, mais quand même. Mais ce n’est jamais chez lui la volonté de sonner moderne qui le pousse à se diversifier. Les synthés de Geraldine et son inutile recours au vocoder semblent en effet tout sauf récents.

Le principal atout qui résiste à tous les traitements, c’est évidemment la grande voix de Grant, qui peut habiller seule le mid-tempo Down Here ou assurer tous les délires susmentionnés. Et puis comme toujours, sa volonté occasionnelle de grandiloquence est balancée par quelques délires textuels bien sentis (Global Warming). Mais il n’est pas toujours seul puisqu’en plus d’Amanda Palmer déjà évoquée, on retrouve avec plaisir Tracey Thorn sur Dissapointing.

‘Grey tickles’ est la traduction littérale de l’expression islandaise pour ‘crise de la quarantaine’ et ‘black pressure’ est la traduction directe du mot turc pour ‘cauchemar’. C’est sans doute un peu court pour expliquer les volontés exploratoires d’un John Grant qui arrive à nous gratifier d’un album qui tire dans plein de directions sans jamais nous faire oublier quel grand chanteur il est. La forme peut se faire changeante avec lui mais le fond reste toujours aussi dense, sombre et compact.