Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

 

Pastel-Blues-Cover01. Nina Simone – Sinnerman (Nathan)
Extrait de “Pastel Blues” – 1965
Plus j’écoute la version du classique de Les Baxter par Nina Simone, plus j’ai la certitude que c’est un des enregistrements les plus radicaux, intenses et révolutionnaires du XXe siècle. Bruitiste, bordélique, en accélération permanente, on sent plusieurs fois que la maitrise échappe au groupe, et que la grande Nina, elle, se laisse porter par un flot d’émotions redoutables. Simone y cristallise son héritage, ses luttes, sa politique et la beauté intrinsèque de sa voix et de sa musique en 10 minutes et 20 secondes gigantesques.

Mustang02. Warren Ellis – The Tunnel Home (Thomas Messias)
Extrait de la bande originale du film “Mustang” – 2015
Vendredi dernier, Warren Ellis a reçu un César pour la musique de Mustang, le si beau film de Deniz Gamze Ergüven. J’ai l’habitude de dire que si je réalisais des films (on en est loin, rassurez-vous), il n’y aurait pas de musique. Je fais partie de ces ascètes un peu idiots qui estiment que c’est un artifice, qu’on peut (qu’on DOIT) trouver des moyens de faire naître les émotions autrement. Une composition comme celle d’Ellis me ferait presque changer d’avis, en tout cas ponctuellement. À l’image de The Tunnel Home, ses morceaux épousent idéalement le quotidien des héroïnes du film, à la fois recluses et enjouées, rageuses et résignées. C’est l’un des seuls films dont j’ai supporté la musique en 2015. Je l’ai même réellement appréciée. Ça valait bien un César.

03. La Luz – Sleep Till You Die (Isabelle Chelley)LaLuz_LP2
Extrait de “Weirdo Shrine” – surf noir – 2015
Le son twangy d’une guitare surf dans un instrumental m’a toujours donné le frisson, comme s’il y avait quelque chose d’un peu menaçant ou sinistre sous ces vibrations-là. Et les filles de La Luz exercent ce même charme vénéneux sur les sens. Elles ont emprunté au surf ses harmonies vocales, ses guitares tout en réverb’ et ont perverti le tout en y injectant des touches de noirceur, de mélancolie, voire d’angoisse. Ce premier morceau, avec ses oooohs à mi-chemin entre chœurs de girl groups et voix désincarnées de film d’horreur des sixties, est beau à pleurer. Et donne envie de s’immerger dans le reste de l’album, ce que je ne peux que recommander.

04. Shearwater – Pale Kings (Marc Mineur)Shearwater_JetPlaneOxbow_3600
Extrait de “Jet Plane and Oxbow” – Folk Héroïque – 2015
On a toujours une phase préférée dans la carrière d’un groupe, et gérer le changement de cap d’un artiste est une des tâches les plus ardues pour le fan. Maintenant qu’on a compris que Jonathan Meiburg avait tourné la page de la magnifique trilogie Island Arc et de son point d’orgue Rook, on peut le suivre dans ses envies de rock plus ample, moins subtil peut-être mais diablement efficace. Son album se présente comme un recueil de protest-songs modernes et parfois sibyllines dont ce Pale Kings qui semble taillé pour retourner les stades. De quoi nous aider à faire le deuil des merveilles du passé.

charlixcx-oizo05. Mr. Oizo feat. Charli XCX– Hand In The Fire (Christophe Gauthier)
Single – 2015 – Electro
Je suis pas fier. Vraiment. À la grande époque (en 1999, une éternité), j’avais adoré Quentin Dupieux a.k.a. Mr. Oizo, ses morceaux courts et angoissants, ses vieux synthés analogiques au bord de la rupture. Et j’étais fan aussi de sa marionnette Flat Eric, crétine et jaunâtre. Après ça, ses oeuvres ne m’avaient pas plus marqué que ça. Mais voilà, en fin d’année dernière Dupieux a pondu un nouvel EP et je suis retombé. C’est pourtant putassier à souhait (comme souvent avec les productions Ed Banger) et pas très subtil, mais c’est aussi difficile à s’enlever de la tête que le sparadrap des doigts du capitaine Haddock. Et puis il y a à nouveau Flat Eric sur la pochette et dans le clip. Toute résistance était donc futile.

everlast-whitey-ford-sings

06. Everlast – What It’s Like (Marc di Rosa)
Extrait de l’album Whitey Ford Sings the Blues – 1998 – rap bluesy
Guitares folk, atmosphères ténébreuses et histoires de démons intérieurs. C’est de cette façon qu’Everlast, le rappeur de House of Pain, fait son retour en solo, après la dissolution d’un groupe qui valait mieux que son hit, Jump Around, usé jusqu’à la corde tellement il a été joué. Dans Whitey Ford Sings the Blues, Everlast abandonne ses egotrips pour une poignante introspection bluesy sur fond de rythmes hip-hop. Cette nouvelle inspiration se retrouve en particulier dans le titre What It’s Like, l’une des plus belles réussites de l’album, qui raconte les destins maudits de trois marginaux en quête d’un salut qui ne viendra pas…

Blank-Realm-Illegals-In-Heaven07. Blank Realm – Gold (Anthony)
Extrait de “Illegals in Heaven” – 2015
Les Australiens de Blank Realm s’inscrivent d’évidence dans la tradition musicale de leur terroir : une sorte de pop-rock ensoleillée, où les guitares se déploient en mode “réverb’ et arpèges à gogo”, où les voix se chevauchent ou se répondent. Il y a cette forme de candeur, de simplicité  et de douce mélancolie qui se retrouvaient chez les aînés de The Church ou Go-Betweens (que j’ai préférés assez nettement aux Smiths à l’époque où tous ces groupes ont émergé) et qui continuent aujourd’hui de produire de brillants rejetons. Sur “Illegals In Heaven”, la ballade Gold tranche quelque peu avec le reste de l’album, marquant une pause contemplative au sein d’un recueil de pop-songs plutôt dodelinantes. Mais la ritournelle est trop belle pour rester cachée.

le_tigre08. Le Tigre – Deceptacon (Thierry Chatain)
Extrait de “Le Tigre” – 1999 – Electroclash
Rien que pour son énorme ligne de basse distordue à réveiller les morts, “Deceptacon” me donne toujours envie de me transformer en pois sauteur mexicain et me remet le moral au beau fixe. Après le strict militantisme féministe punk rock du mouvement riot grrl, qu’elle a impulsé, Kathleen Hanna a réalisé qu’elle avait tout à gagner à faire passer ses idées avec fun, plutôt qu’en force. S’il importe peu, avec le recul, que la chanson soit le résultat d’une polémique à rallonge (et via morceaux interposés) avec Fat Mike, le chanteur de NOFX, ce qui reste est une formidable collision entre une certaine innocence fifties/early sixties détournée, l’urgence punk intacte dans la voix de Hanna, et d’efficaces effets de production electro. L’alliance du son et du (non-)sens, car le message même de la chanson est subverti par celui-là, et des paroles qui tiennent plus du cut-up que du discours édifiant.

09. MONEY – Suicide Song (Benjamin Fogel)money-suicide_songs
Extrait de “Suicide Songs” – 2016 – Indie Rock
MONEY n’a jamais rien eu de clinquant. De Manchester, le groupe ne conserve ni l’envie de faire bouger les lignes ni le besoin d’exciter les foules. Il ne garde que les stigmates de la vie et la noirceur d’Ian Curtis. Les chansons de MONEY semblent comme bridées, avec notamment un chant, pourtant émotionnellement puissant, qui n’est jamais gonflé artificiellement par la production.  Les anglais semblent craindre à chaque instant de sombrer dans le putassier et font tout pour trouver cette justesse de ton qui fait sonner une chanson tragique et non tire-larme. Suicide Song, titre emblématique de l’album, illustre parfaitement cette démarche, avec un Jamie Lee poignant mais jamais vulgaire.

suuns-hold-still10. Suuns – Instrument (Arbobo)
Extrait de “Hold/Still” – rock répétitif – 2016


Trop tard pour jouer la surprise. Trop tard pour être le bonbon fraîcheur dans la playlist du moment. Trop tard pour susciter l’attente du deuxième disque. Trop tard pour l’indulgence. Suuns a atteint le moment où, après avoir ébouriffé tout le monde sur scène, il faut durer. Après avoir durci des tétons partout où ils sont passé, et dressé bien dru pas mal de manches de guitare, il faut dire au revoir à la catégorie des “espoirs”. Et Suuns confirme, avec leur sobriété de toujours. Sans esbroufe, sans chercher à nous hypnotiser niaisement avec les tressautements de leurs pectoraux. Encore de bon goût, année après année. Avec ce truc tellement anglais qu’on finit par douter de leur pedigree : envoyer avec retenue. Allez, on trouve bien un petit défaut à leur nouvel album, qu’on aurait pu densifier en l’élaguant de 2 ou 3 titres. Mais c’est vraiment parce qu’on s’est juré de faire la fine bouche !