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01. Jesse Marchant – Words Underlined (Henri Rouillier)jbm
Extrait de “Jesse Marchant” – 2014 – Folk rock
Un voyage en train vers Bruxelles deux jours après les attentats. Je suis heureux d’y aller, j’ai hâte d’y retrouver mes amis, d’être avec eux, de finir mes vacances le mieux possible. Je me réjouis mais il y a, dans l’air et dans mes oreilles, une profonde angoisse. Les contrôles à Gare du Nord, les militaires qui ouvrent ma valise à deux reprises Gare du Midi, les trams qui ne passent plus… Les camions vert camouflage qui attendent sur la place. L’angoisse emporte tout, sauf la voix de Jesse Marchant, qui m’apaise et me laisse respirer.

Underworld_I_Exhale_DJKoze_rmx02. Underworld – I Exhale (DJ Koze remix) (Christophe Gauthier)
Single – 2016 – Electro
On se croirait de retour en 1996 : Danny Boyle tourne une suite à Trainspotting et Underworld sort un nouvel album, “Barbara Barbara, We Face A Shining Future”. Premier titre du disque et premier single, “I Exhale” est imposant, mariant deux accords massifs de synthés coldwave aux vocaux de Karl Hyde en plein trip Mark E. Smith. Confié au germanique DJ Koze, le morceau se voit désossé ; un sample qu’on jurerait pompé sur le “Lemon” de U2, une voix nue et sans reverb, un beat sec et ce bout de comptine distordu à l’excès… Quel beau retour.

03. The KVB – Lower Depths (Anthony)
Extrait de “Of Desire” – 2016 – Dark wave
L’atmosphère générale est aux teintes grises, aux ambiances martiales, aux idées noires, à la déprime collective, aux images sombres… The KVB se place parfaitement dans la course au titre de meilleur groupe pour incarner l’esprit de son époque. On ne peut guère voir de lumière dans “Of Desire”, entre guitares stridentes, voix d’outre-tombes et synthés malades… renvoyant à la fois aux belles heures de la new-wave anglaise – Cure, Joy Division -, aux bruitistes des années 90 – Spacemen 3, My Bloody Valentine – et 10 – A Place To Bury Strangers, The Soft Moon. Tout cela est fortement référencé, certes, mais suffisamment ancré dans son temps et fabriqué avec une sincérité d’artisan. On frisonne puis on se reprend un petit cachet…

brule04. Miossec – Madame (Esther Buitekant)
Extrait de “Brûle” – 2001
Que faire lorsqu’un artiste qu’on aime sort un nouvel album dont le premier extrait nous fait l’effet d’une douche glacée ? On écoute les chansons d’avant, pour oublier. J’ai alors fait une plongée dans les profondeurs de la discographie de Miossec pour en extraire ma chanson préférée. L’album s’appelle “Brûle” et la chanson Madame. Écrite pour Juliette Gréco c’est pourtant à moi qu’elle s’est un jour adressée.  Janvier 2002, je suis dans un café Place du Panthéon avec un garçon. Il a gravé un cd pour moi et me prête ses écouteurs. Il m’explique que cette chanson-là me dira ce que lui ne me dit pas. On s’est aimé puis ça s’est arrêté. Miossec lui, est toujours là. Quand le monde au dehors explose de toutes parts, cette chanson-là est mon refuge.

Massive Attack 15005. Massive Attack – Take It There (feat. Tricky and 3D) (Marc Mineur)
Extrait de “Ritual Spirit EP” – 2016 – rock belge
Peut-être que dans une réalité parallèle il existe une configuration où Tricky n’aurait pas quitté Massive Attack. Dans ce monde-là, Take It There aurait pu sortir en 1997 parce que la moiteur et la touffeur qu’on y retrouve ne sont pas datées. Dans ce monde-ci, on est content de voir revenir ces maintenant vétérans en forme et avec une grosse envie de livrer des brûlots intenses comme celui-ci.

Animal_Collective_-_Painting_With06. Animal Collective – FloriDada (Thierry Chatain)
Extrait de “Painting With” – 2016 – surf synth pop
Coup de foudre immédiat, antidote à l’angoisse ambiante, “FloriDada” me donne à chaque écoute l’impression euphorisante d’avoir à nouveau cinq ans. Et, pour la première fois de ma vie, m’inspire une vocation de remixeur junior. J’ai envie de démonter la chanson comme un train électrique, pour voir ce qu’elle a dans la ventre, même si ce n’est rien de bien complexe, au fond. J’ai surtout envie de me glisser dans le chassé-croisé des voix d’Avey Tare et Panda Bear qui forme la colonne vertébrale de la chanson, comme un gamin a envie de jouer avec des petits camarades qui ont l’air de s’amuser comme des fous. Du coup, largement autant que le mouvement de Tristan Tzara, le titre m’évoque plus encore les Beach Boys en pleine régression infantile de “I Love To Say Dada”.

red-zebra-falling-appart07. Red zebra – Falling apart (Arbobo)
Extrait de “Falling apart 7’” – 1981 – Post-punk
Un monde en lambeaux. On ne sait s’il faut trouver une trace d’espoir dans le fait que nous soyons toujours là pour pleurer, alors que 30 ans plus tôt (et 70 ans plus tôt, et quelques siècles…) on prononçait déjà l’extrême onction d’une humanité malade. Les rockeurs belges ont joué un rôle si central dans la scène post-punk et new wave, que le fameux label Factory y installa une subdivision, Factory Benelux, tandis que les Disques du crépuscule (quel nom!) accumulait les pépites. Mais la scène débordait de toute part, et la chasse aux titres rares parus à la même période sur des micro-labels est sans fin. Parmi eux, les autoproduits Red Zebra, électrisants et glaçants, parfaite incarnation de l’esprit new wave: sculpter l’obscurité, faire du cri un chant. Brutal et nécessaire, surtout lorsque tout fout le camp.

08. Bill Converse – Sea Bering (Benjamin Fogel)bc
Extrait de “Meditations/Industry” – 2016 – Acid Techno
Les années passant, j’aurais tendance à dire que je me connais de mieux en mieux. J’anticipe à peu près correctement les baisses de régime, et j’identifie assez régulièrement les éléments/événements qui vont avoir des répercussions sur mon moral, de manière positive ou négative. Pourtant je suis toujours infoutu de déterminer ce qui va me transcender ou me laisser indifférent dès qu’il s’agit de musique électronique. Si on prend l’exemple du texan Bill Converse et de son disque Meditations/Industry, sorti sur le label Dark Entries, et bien rien ne le prédestinait à devenir l’un de mes disques fétiches de 2016 : sa techno parfaitement acidulée n’a rien de novatrice, et je reste le premier étonné de ne pas pouvoir décrocher de cet album. Tout m’y semble évident aussi bien d’un point de vue rythmique, que mélodique. Je le trouve beau et entraînant, sans jamais en comprendre les tenants et les aboutissants. Je ne comprends pas pourquoi je l’aime tant, et c’est peut-être pourquoi je l’aime.

jamais-content09. Alain Souchon – Poulailler’s song (Thomas Messias)
Extrait de “Jamais content” – 1977 – chanson française
Se déconnecter. Des réseaux sociaux, des informations, des conversations de pacotille entre les collègues de travail. Fuir les idées reçues, les raisonnements tout faits, les propos réactionnaires, l’acharnement, le nombrilisme, le faux bon sens. Échapper au blabla ambiant, à la bêtise qui flotte dans l’air, au combo misogynie – racisme – homophobie qui se déploie de façon plus ou moins consciente au gré de discussions anodines. À chaque situation sa chanson d’Alain Souchon : Poulailler’s song reflète bien ce que je pense actuellement du monde qui nous entoure.

10. Lydia Lunch & Nick Cave – Done Dun (Laura Fredducci)lydia
Extrait de “Honeymoon In Red” – 1987 – No Wave
À écouter en boucle, pour souffler sur les braises, attiser encore et encore l’excitation que ça produit, cette musique, la voix de sorcière de Lyndia Lunch qui s’arrête dans son élan pour l’entrée théâtrale de Nick Cave sur une rythmique fiévreuse, exaspérée, une rencontre entre punk et gothique dont j’ai rêvé avant même de tomber sur cette chanson. Il n’y a pas de hasard.

kanye-life-of-pablo-art11. Kanye West – Wolves (Nathan)
Extrait de “Life of Pablo” – 2016
Sur la longueur, Kanye m’épuise. Me plonger dans ses prétentions, aussi virtuoses soient-elles, est une tâche ardue. Mais à chaque fois, une ou deux pistes m’obsèdent et reviennent en boucle. C’était Bound 2 dans Yeezus. C’est Wolves dans Life of Pablo. J’aime comme Kanye essaient de continuer l’histoire, de la transposer à notre contexte. Rihanna se prend pour Nina Simone, avec beaucoup d’autotune plus tôt dans l’album, Marie rencontre Joseph dans un club dans Wolves, évangile moderne. Plus que ça, comment se défaire de cette mélodie hantée ?

Sacré Kanye n’aime pas trop le streaming et les vidéos youtube. Faute de mieux, je n’ai trouvé que cette vidéo assez éloignée de la première version de “Wolves” sur Life of Pablo.

R-388359-1128950589.jpeg12. Evil Superstars – It’s A Sad Sad Planet (Isabelle Chelley)
Extrait de “Boogie-Children-R-Us” – 1998 – rock belge
C’est la phrase qui a tourné en boucle dans ma tête le 22 mars. Peu importe si la chanson ne fait pas allusion aux illuminés qui ont décidé de s’envoyer en l’air à coups d’explosifs ; peu importe si la chanson parle surtout de cul avec une bonne dose d’auto-dérision et quelques images absurdes choisies ; peu importe si ce groupe, pourtant brillant, n’a jamais dépassé le statut de culte. Les Evil Superstars restent pour moi un des groupes belges les plus foufous et cool des années 1990 (est-ce un hasard si leur leader, Mauro Pawlowski, est depuis chez dEUs, un autre fleuron du rock du pays de Tintin ?). Et surtout je n’ai pas trouvé mieux pour exprimer ce que je ressens en ce moment…

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13. The Aztec Mystic – Águila (Marc di Rosa)
Extrait du EP Águila – 2003 – techno de Détroit
Méconnu ; auteur d’un succès planétaire ; discret ; talentueux ; DJ Rolando est tout cela à la fois. Sous le pseudonyme de The Aztec Mystic, ce producteur de Détroit a créé Jaguar, « le » morceau de techno des années 2000, qui a su fédérer les amateurs de house et de techno par ses envolées de cordes et sa dimension épique. Dans la même veine mélodique et lyrique, DJ Rolando a composé Águila, paru sur le label Underground Resistance, mais passé quasiment inaperçu… sauf peut-être dans la BO du jeu vidéo Midnight Club 3: Dub Edition. Le titre est pourtant une perle, doté d’une pulsation latino, d’une atmosphère mystérieuse et d’un grain sonore particulier qui lui confèrent une authenticité et un caractère remarquables.

14. Anna Meredith – Scrimshaw (Julien Lafond-Laumond)156536-150x150
Extrait de “Varmints” – 2016 – Pop
Anna Meredith : on ne rencontre pas tous les quatre matins des talents comme ça. Avant tout compositrice classique bien connue du public anglosaxon, elle a ces dernières années amorcé un virage pop et électronique étonnant à plus d’un titre. Je la découvre avec son premier album, Varmints, et je suis encore perplexe. Je ne comprends pas très bien comment s’agencent des bluettes à la Saint-Etienne avec un esprit math-rock dévergondé et un goût pour le détournement rappelant Oneohtrix Point Never. Mais bon, en attendant de me mettre en accord avec moi-même – ça peut durer longtemps –, j’écoute la chose en boucle.