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Money Monster : thriller sans fond

Film présenté le jeudi 12 mai 2016 en sélection officielle du 69ème festival de Cannes (hors compétition). Sortie nationale le même jour.

Par Esther Buitekant, le 14-05-2016
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Cannes 2016' composée de 20 articles. En mai 2016, la team cinéma de Playlist Society prend ses quartiers sur la Croisette. De la course à la Palme jusqu'aux allées de l'ACID, elle arpente tout Cannes pour livrer des textes sur certains films forts du festival. Voir le sommaire de la série.

Money Monster

Cinq ans après Le complexe du castor, son dernier film en tant que réalisatrice, Jodie Foster est venue à Cannes présenter Money Monster sélectionné hors-compétition.

Lee Gates, interprété par George Clooney est le présentateur survolté d’une émission décomplexée dédiée à la finance. Cinq jours sur sept, dans Money Monster, il se livre à un one man show légèrement hystérique dans lequel il dispense ses conseils boursiers aux téléspectateurs à grand renfort d’écrans tactiles, de bruitages et d’accessoires loufoques. Jusqu’au jour où, à la (dé)faveur d’un mauvais placement conseillé par l’émission et qui lui a fait tout perdre, un homme armé fait irruption sur le plateau et prend Lee en otage. Après une brève interruption Lee reprend l’antenne, guidé dans l’oreillette par sa valeureuse productrice Patty Fenn, incarnée par Julia Roberts. Tout ce petit monde se demande où sont passés les 800 millions de dollars évanouis dans la nature après un « couac » informatique et la dégringolade spectaculaire des actions d’Ibis Clear Capital qui ont entraîné dans leur chute tous les petits actionnaires.

Si vous attendiez une analyse en finesse des rouages de la finance et des mécanismes d’enrichissement des plus riches au détriment des plus pauvres, vous risquez d’être déçu. Le rythme effréné imposé par le scénario n’autorise pas à s’appesantir sur ces questions pourtant centrales. On aurait aimé comprendre comment fonctionnent ces mystérieux algorithmes qui font et défont les marchés financiers. L’informaticien coréen qui l’a créé nous donnera une seule clé : l’homme gagne encore contre la technologie et est seul à la pervertir. On comprend alors rapidement que ce faux bug est la conséquence d’une manœuvre adroite, mais très maladroitement dissimulée, de Walt Camby, PDG de la société campé ici par Dominic Cooper, le génial acteur de la série The Affair. Comme dans tout bon divertissement des années 90, ce qu’est indéniablement Money Monster, il y a un méchant. Le problème est que celui-ci est sans aspérité ni finesse ni profondeur psychologique.

On aurait aimé également que les personnages, au demeurant attachants et bien interprétés, soient autre chose que des archétypes. Kyle, le preneur d’otages, incarne la majorité silencieuse des victimes d’un système pourri jusqu’à la moelle qui joue sur l’angoisse et les espoirs de ceux qu’il détruit. La belle énergie et la fragilité de Jack O’Connell, vu en 2015 dans Invincible d’Angelina Jolie, permettent au personnage d’être autre chose qu’un illuminé avec un flingue. Quant à Lee, sa trajectoire est attendue. Il prend peu à peu conscience de la légèreté impardonnable avec laquelle il présente son émission depuis des années et se range finalement du côté des victimes. George Clooney ne ménage pas ses efforts et forme avec Julia Roberts un tandem efficace.

Il y avait pourtant une belle idée dans Money Monster, mais elle n’est qu’esquissée. Celle du retour au « vrai » journalisme de l’équipe du show télé. Pour le spectateur français, une telle émission est assez exotique et illustre une façon de faire de la télévision que nous ne pratiquons pas, du moins pas encore. Patty, aidée de ses équipes en régie et sur le terrain, va mener l’enquête, chercher des preuves, remonter à la source. Les ficelles sont parfois énormes et les solutions trop évidentes mais nous nous y laissons prendre avec d’autant plus de plaisir que le suspense est orchestré avec efficacité et repose sur un casting de rêve.

On a parfois l’impression que Jodie Foster a dormi pendant 15 ans et découvre tout à coup le monde ultra-connecté qui l’entoure. Les nouvelles technologies sont omniprésentes mais on se croirait parfois dans un film d’anticipation tant elle en fait un usage complètement décalé. Il y a de gentils hackers islandais, on parle beaucoup des réseaux sociaux, tout le monde joue en bourse à partir de son smartphone. Et pourtant, le spectateur n’y croit jamais vraiment. Comme on ne croit pas une seconde que Walt puisse atterrir aux Etats-Unis en ignorant tout de la prise d’otage (alors que le monde entier semble au courant) pas plus qu’on ne l’imagine assez stupide pour laisser son téléphone rempli de sms compromettants à la Directrice de la communication de son entreprise, qui est aussi sa maîtresse.

Haletant, enlevé, rythmé, Money Monster n’est pourtant pas un film déplaisant. Il ne prétend pas être autre chose qu’un bon divertissement. Les rires sincères qu’il suscite et les applaudissements nourris du public à la fin de la projection ont montré que Jodie Foster avait réussi son pari. Money Monster est un film des années 90, efficace et sans surprise. Le problème est que nous sommes en 2016 et que le monde a changé. À la fin du film, une scène montre des téléspectateurs se détourner finalement de l’écran pour reprendre leur partie de baby-foot. Et en sortant de la salle de cinéma il y a fort à parier que le spectateur fera de même. Au suivant.

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