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Pauline est-elle une île?

Dans cette île au climat tempéré, un vieux phono qu’on remonte à la main, quelques livres, un carnet griffonné sur chaque centimètre carré, et une poignée de vieux disques des années 1970. Si l’on soulève le couvercle de la drôle de boîte cartonnée posée là, on découvrira une guitare, aux frettes patinées par le temps, au cordes luisantes des caresses incessantes.

Parfois dans l’îlôt, la faune à poil et à plume arrête tout commerce, se tait, et converge vers une jolie clairière. Ils viennent écouter, séduits, jamais lassés, le chant d’une drôle de créature. Seule l’eau qui court de rocher en rocher ne parvient à se taire. Guitare-voix, difficile de faire plus sobre, plus nu. Aucun arrangement envahissant derrière lequel se cacher. Mais Pauline est si juste qu’elle n’en a pas besoin. The remedy parle de la force qu’on trouve en soi, solitaire, une capacité à se dépasser dont Pauline Drand semble ne pas manquer. Tant de grâce qu’on n’a pas choisie, chante-t-elle encore, avec humilité.

Mettre en musique originale des textes de Karen Dalton est un joli clin d’oeil, puisque Dalton ne composait pas. Pauline Drand conserve les textes de Dalton, et elle a trouvé en eux leur musicalité. Avant qu’on les comprenne, et même sans comprendre, les poèmes se font musique. Ils méritent qu’on les lise pourtant, secs mais subtils, pudiques, Karen Dalton savait trop bien chanter pour écrire sans rythmique et sans sonorités.

On est pourtant à mille lieues de ce qu’elle en aurait fait, loin du timbre caractéristique de Karen Dalton, très nasal et qui rappelait celui de Billie Holiday. La drôle Drand sort sa voix de gorge, la déploie tout en rondeur. Une voix plutôt droite, qui use le moins possible du vibrato, comme ses aînées Barbara Carlotti ou Laura Gibson. On pourrait presque ajouter Nico, pour la pointe d’étrangeté de son accent lorsqu’elle chantait en anglais. Son jeu de guitare, lui, est plus anglais qu’américain, plus proche des Pink Floyd des débuts ou de Nick Drake qu’elle aime au point de lui avoir offert une belle adaptation-reprise il y a quelques mois.
Au tournant du siècle on ne donnait pas cher du folk à l’ancienne, on n’envisageait son avenir que par des réinventions comme celle de Kimya Dawson ou Devendra Banhart. C’était enterrer un peu vite ce style qui brille de mille feux depuis quelques années. Pauline Drand a aussi d’autres cordes à son arc, elle l’a montré dans ses premiers EP. On se doute bien qu’elle investira d’autres contrées un jour ou l’autre. Mais l’unité de ce disque-ci l’embellit. Parfois quatre titres suffisent, et le mieux est d’en rester là. Ici ils se répondent, se font résonner l’un l’autre. Rien de trop. Juste assez.

Quatre petites notes de musique…