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PS’Playlist décembre 2016 (Henri, Marc, Lucien, Julien, Alexandre)

Les playlists de décembre sont une sélection de trois morceaux par contributeur du site, représentative de leur année 2016 : des chansons actuelles ou anciennes, celles qui sont revenues comme un leitmotiv tout le long de l'année ou des découvertes ; le tout accompagné d'un texte personnel. Elles sont réunies par groupe de quatre ou cinq plombiers.

Par Collectif, le 28-12-2016

HENRI ROUILLIER

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Gianmaria Testa – Hotel Supramonte
Extrait de “Men at Work” – 2013 – Petites histoires et grandes chansons
Bon Iver – 29 #Strafford APTS
Extrait de “22, A Million” – 2016 – Folk électronique enluminée
Cabane – Sangokaku
Extrait de “Sangokaku/La Gomera” – 2015 – Chansons pour ceux qu’on aime

Gianmaria Testa est mort deux mois après David Bowie, un mois avant Prince, huit mois avant Leonard Cohen. Quelques jours après l’annonce de sa disparition, un de mes amis m’a envoyé cette reprise live de l’Hotel Supramonte de Fabrizio de Andre. Je n’ai écouté que ça pendant presque une semaine, juste pour cette phrase : « Ma dove, dov’è il tuo cuore ?» Dans la voix de Testa, dans chacune de ses apparitions, il y avait toute la tendresse du monde, tout cet amour un peu brûlé dont on ne sait que faire des cendres, si ce n’est les garder dans un coin pour mieux les disperser, quand les jours seront meilleurs. Il était beau, plein d’humour et de malice. Les gens drôles ne devraient pas mourir si jeunes.

Cette année, Justin Vernon a sorti ce merveilleux disque qu’est « 22, A Million ». Je pense que c’est son meilleur enregistrement à ce jour parce qu’il y a tout ce que j’aime chez Bon Iver, à commencer par ce sens de la flamboyance. Dépression, angoisses, attaques de panique, mutisme parfois… Vernon a touché le fond pendant un an et demi avant de pourvoir recommencer à faire de la musique. Seconde par seconde, titre par titre, il a remis de la lumière autour de lui. Cette chanson, c’est une forme d’hymne à l’indulgence qu’on n’a pas assez envers soi-même. Je l’ai écouté des centaines de fois, je la dégaine souvent quand je suis fatigué et que j’ai besoin de me trouver des excuses.

Cette vidéo a été tournée alors que les proches de Thomas Jean Henri et Jérôme Guiot étaient filmés, à l’endroit même où la chanson a été écrite. Leur émotion m’a bouleversé, elle était à mille lieues d’une complaisance qui est parfois de mise quant il s’agit de réagir au travail artistique d’un ou d’une amie. Il faut voir ce court clip, se projeter soi-même dans cette configuration, se rendre doucement compte de l’atmosphère qui change et de la beauté qui gagne toujours à la fin.

 

MARC DI ROSA

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Stone Roses – Beautiful Thing
Extrait de “Beautiful Thing” – 2016 – rock dansant et dance rock
Iggy Pop – The Passenger
Extrait de “Lust for Life” – 1977 – rock
Isolée – I Like it Here Can I Stay ?
Extrait de “Pampa Vol.1” – 2016 – musique électronique

Je reviens en arrière.

A la fin de l’année 2015, les parieurs anglais étaient en effervescence. Ils misaient non seulement sur David Bowie et Radiohead, mais aussi sur Oasis et The Stone Roses, pour l’attribution du prochain Mercury Prize, qui récompense le meilleur album britannique de l’année. Il faut croire que la prédiction est un art difficile, puisque c’est le rappeur Skepta, représentant de la scène grime, qui a remporté le prix en 2016 et que les deux groupes de Manchester n’ont pas sorti d’album… The Stone Roses a pourtant publié deux titres, dont Beautiful Thing, et donné quelques concerts dans des stades archi-remplis, mais l’alchimie des premières œuvres n’a pas encore été retrouvée.

Nous sommes en république fédérale d’Allemagne, en 1977. Le mur n’est pas encore tombé et Berlin-Ouest n’attire pas des foules de visiteurs étrangers. Outre quelques marginaux et artistes avant-gardistes, la ville compte parmi ses résidents le regretté David Bowie. L’Anglais loge son copain américain Iggy Pop ; il essaye de l’aider à refaire surface et accessoirement à lancer sa carrière solo après les Stooges. Tous deux font aussi cause commune pour combattre leur dépendance à l’héroïne. De cette colocation stimulante naîtra l’album Lust for Life et le fameux morceau The Passenger. Un titre prophétique, si l’on pense à la vie de l’Iguane les quarante années suivantes, passée à travers les gouttes et les modes, jusqu’à fréquenter Agnès B., Emir Kusturica et les Galeries Lafayette…

De Berlin à Hambourg, il n’y a qu’un pas. Pampa Records, le label anticonformiste de DJ Koze, a publié sa première double compilation en 2016. La pochette est ornée d’un magnifique dindon au plumage flamboyant et les mets des producteurs sont savoureux, tels I Like it Here Can I Stay ? d’Isolée (l’auteur du superbe Beau Mot Plage).

 

LUCIEN DE BAIXO

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Ricet Barrier – Petits, Petits, Petits
Extrait du LP “Ricet Barrier”  – 1978
Nirvana – Mr. Moustache
Extrait de l’album “Bleach”  – 1989
Aphex Twin – CheetahT2 (Ld Spectrum)
Extrait de “Cheetah EP” – 2016

Je n’aime pas les chansons. Et encore moins la chanson française. C’est comme ça. Ceci dit j’ai des exceptions. Ricet Barrier en est une.
Je l’ai découvert petit, non pas comme étant la voix de Saturnin, le petit canard bougon de l’ORTF (j’ai fait le rapprochement bien plus tard), mais parce que dans la collection de vinyles de mon père, c’était les 2 seuls disques qui n’étaient pas du Mozart. Savoir pourquoi quelque chose nous plaît à cet âge n’est pas aisé, s’en souvenir encore moins, mais ils ont tourné en boucle jusqu’à ce que le diamant d’entrée de gamme de ma platine les rende inaudibles. N’ayant jamais été réédités en CD, je ne les ai plus jamais écoutés jusqu’à cette année.
À 38 ans, je sais maintenant pourquoi ces chansons me plaisent tant et je me demande pourquoi il ne fait pas partie du panthéon des grands chanteurs français. Je tiens à remercier la recommandation Youtube et je me réjouis qu’un mp3 ne s’use pas.

N.B. : les deux disques étaient Ricet Barrier ‎– Ricet Barrier (1978) et Ricet Barrier – La Mythologie (1978)

À la question « Quel morceau emporterais-tu sur une île déserte ? » que j’ai toujours trouvée un peu saugrenue mais que je me pose quand même depuis des années, j’ai enfin trouvé la réponse. Ma difficulté à résoudre ce problème sans importance, est qu’un morceau de musique que j’aime et quel qu’en soit le genre (hello! La drone de Emptyset), s’enregistre automatiquement dans ma mémoire et je peux me le rejouer à volonté – un Spotify perso avec une fonction remix. Du coup, quel est l’intérêt d’amener un morceau que j’aurais déjà parfaitement en mémoire ? Et puis je suis compositeur, même sans moyen d’écouter de la musique, je peux m’en faire tout seul comme un grand avec ce que j’ai sous la main. À un Koh‑lanta de la musique, j’y aurais toutes mes chances. La solution est que je ne posais pas la bonne question : y a t-il un morceau de musique que j’aime mais que je n’arrive pas à mémoriser ? Oui, le voilà.

Depuis quelques années, j’ai de moins en moins de coups de foudre musical, artistes connus ou pas, j’ai comme un buffer de 2 ans, mon propre purgatoire musical. C’est peut-être l’âge. Trop facile comme réponse. Sûrement plus à voir avec mes propres mécaniques de création musicale, tout tourne autour de ça aujourd’hui, et de cette question qui m’obsède « pourquoi faire de la musique ? » Je crois que chacun de ces coups de foudre sont un fragment de la réponse. CHEETAHT2 (Ld spectrum) est le premier morceau dU dernier EP d’Aphex Twin, ça tombe bien, il tourne en boucle depuis.

JULIEN LAFOND-LAUMOND

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Primordial – Failure’s Burden
Extrait de “The Nameless Dead” – 2007 – Black metal celtique
Tinashe – Wrong
Extrait de “Amethyst” – 2015 – R’n’b
M.E.S.H. – Damaged Merc
Extrait de “Damaged Merc” – 2016 – Grime

Premier trimestre 2016, au prétexte d’un peu de tri sur mon disque, je replonge tête la première dans le metal de ma post-adolescence. En tombant sur mon dossier Primordial, je me souviens n’avoir jamais compris ce groupe qui recevait à l’époque tant de louanges. J’avais beaucoup écouté The Gathering Wilderness et sa splendide pochette, et rien. Dix ans plus tard, je donne cette fois une chance à son successeur, To The Nameless Dead, et le déclic se produit. Poing fermé et en l’air, j’ai moi aussi envie de hurler des complaintes de marins irlandais.

L’été arrive, je fais cette fois mes révisions en r’n’b, et je retourne dans tous les sens la discographie de Tinashe. Marrant. J’avais quelques a priori sur elle, avec son style douteux et sa plastique exubérante, alors j’imaginais pas tomber sur des titres aussi subtils et émouvants que Wrong. D’ailleurs toute la mixtape Amethyst est géniale. Dommage qu’elle n’ait pas toujours le même niveau d’exigence.

Dernièrement, après beaucoup de lectures et de bricolage, j’ai eu l’impression de mieux comprendre les rythmes électroniques : leur disposition temporelle, le secret des bonnes égalisations, des justes compressions. Et puis je suis tombé sur Damaged Merc de M.E.S.H. Sa dernière minute instrumentale m’a sidérée. Elle me dépasse. Les basses sont gigantesques, les saturations merveilleuses, et surtout il y a ces patterns grime qui se chevauchent à en bousculer les lois de la physique. C’est prodigieux.

 

ALEXANDRE MATHIS

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Red Hot Chili Peppers – Feasting on the Flowers
Extrait de “The Getaway” – 2016 – Rock de Stade
Julien Doré – De Mes Sombres Archives
Extrait de “&” – 2016 – Pop française
Richard Hawley – The Ocean
Extrait de “Coles Corner” – 2005 – Pop

Vive le rock de stade des Red Hot. J’avoue n’aimer ce groupe que depuis leur carrière des années 90. Je déteste leurs délires punk-funk des débuts. Et surtout, j’aime leur virage plus pop, même si leur précédent album était une catastrophe. Cette année, avec “The Getaway”, j’ai retrouvé les RHCP que j’aimais tant. Je l’écoute en boucle, j’ai déhanché mon popotin comme un ado en concert avec eux. J’ai quatre ou cinq morceaux chéris du nouvel album et je crois que Feasting on the flowers est en train de devenir mon préféré. Que ça vous plaise ou non.

J’ai aussi un autre artiste chouchou que je vois beaucoup critiqué. Je vois pas bien ce qui dérange avec Julien Doré. Enfin si, il fait parti de ces artistes ni complètement chanson française, ni tout à fait rock et cet entre-deux est rarement aimé. Doré est l’arbre qui cache la foret des Arman Méliès ou Joseph d’Anvers aux carrières bien trop confidentielles à mon goût. Doré a fait un chouette album cette année, surtout dans ses moments les plus nostalgiques. Et De mes sombres archives est un chef d’œuvre. Que ça vous plaise ou non.

Plus étonnant encore, c’est ma découverte tardive de la carrière solo de Richard Hawley. J’avoue n’avoir jamais trop écouté Pulp car leur méga tube Common People ne me touche pas. Et au hasard d’une playlist Spotify, j’entends The Ocean de Hawley. Quelle déflagration ! Comment aie-je pu rater un truc pareil pendant 10 ans ? Ce son m’obsède, me noie, me submerge et me donne aussi de l’air. Une merveille. Que ça vous plaise ou non. Ah, ça vous plaît ? Cool, je savais qu’on finirait par s’entendre.