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Dans le paysage on ne peut plus chargé du rap français actuel, connaissant tout à la fois sommet des ventes et boulimie créative, on peut dire que L.O.A.S a un certain culot de choisir le motif du double, celui des deux visages de l’âme. Avec d’emblée deux tentatives décomplexées de singles diamétralement opposées : face claire avec “Carcosa”, bonbon acide estampillé Maybach Music pour un règlement de comptes avec jacuzzi (“Dans ma tête je suis plusieurs / Mais toi et moi ne le sommes pas”) et face sombre avec “VLV”, acronyme de l’antiphrase “Vive le vent” renvoyant à l’antiphrase-titre de l’album Tout me fait rire et dotée d’une suite en forme de jumeaux maléfiques (“Vive le vent / Vive le vent / Vive le vandalisme / Vient te mettre au courant / Deux doigts dans la prise”).

Pareille propension au diptyque se retrouve également en terme de production, avec ce qui peut passer pour un manque d’unité, mais qui garde ce qu’il faut de cohérence. Ainsi l’autotune écrasée sur “Tremblement de terre” ressemble à un reflet inversé de l’autotune en écho sur “Chrysanthèmes”. L.O.A.S, Loïs à la ville, paraît ne jamais vouloir être là où on l’attend. À la fin d’un titre, on entend ainsi son jeune fils, fréquemment évoqué dans les textes, demander “Papa, pourquoi t’es pas là ?”. Sur l’entêtant “La Lune”, ledit daron choisit le terrain du cloud rap pour fourbir ses plus belles armes : “Cette planète marche sur la tête et je lui vends de la farine pour faire du blé” rappelant le Sefyu de 2008 qui rappait alors “Il respire de l’amiante pour cracher son loyer.”

L.O.A.S cherche en permanence la bonne formule pour étancher une soif de vivre que seule la mort semble comprendre

“Vieux frère” (featuring Hyacinthe et morceau de choix de ce LP) illustre la quintessence du posse parisien DFHDGB et se permet au passage un clin d’œil taquin au collectif Fauve dont un des albums portait ce même nom. L’écriture décadente de Hyacinthe est toujours aussi affûtée et n’a besoin que d’un couplet pour briller : “À ce qu’il paraît le héros meurt à la fin / Ça tombe bien j’en suis pas un”. On pense à la collaboration des deux mêmes dans “Les Lingots” sur NDMA, précédent disque de L.O.A.S (“Sous l’œil du Picsou Géant / Je suis assis dans ma chambre / Sous l’œil de Dieu / Calibre sur la tempe”). Si vous ajoutez à la réalisation le troisième larron de la foire, Krampf – une sorte Kurt Weill en maillot du Bayern –, vous voilà prévenus de ce qui vous attend à l’écoute de Tout me fait rire.

“Je suis en train de rater ma vie / Tant pis je prendrai la suivante”. L.O.A.S cherche en permanence la bonne formule pour étancher une soif de vivre que seule la mort semble comprendre. Le personnage qu’il dévoile au fil de la tracklist pourrait être qualifié de gothique au pays du toc. Alors il surprend plus souvent qu’à son tour et s’habitue à désarçonner son auditeur, comme quand par exemple il recourt à de longs samples de chanteurs à minettes : là où c’était Patrick Juvet et “De plus en plus seul” sur NDMA, c’est ici Christian Delagrange et “Sans toi je suis seul”. Solitaire et insaisissable, L.O.A.S brave quiconque osera lui dire qu’il ne devrait pas faire du rap. Il veut décrocher la lune, mais pourquoi pas aussi la timbale qu’il mérite.