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120 battements par minute : vivre fort tant qu’on vit

Présenté le 20 mai 2017 en sélection officielle (compétition). Durée : 2h20. Sortie le 23 août 2017.

Par Lucile Bellan, le 24-05-2017
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Cannes 2017' composée de 22 articles. En mai 2017, la team cinéma de Playlist Society prend ses quartiers sur la Croisette. De la course à la Palme jusqu’aux allées de l’ACID, elle arpente tout Cannes pour livrer des textes sur certains films forts du festival. Voir le sommaire de la série.

Imaginez le battement sourd de la vie dans vos veines. Cette force puissante, aussi intense du premier battement au dernier. C’est cette intensité, parfois tragique et parfois profondément joyeuse, que capture Robin Campillo. Le réalisateur délaisse son regard clinique sur les couloirs de la Gare du Nord, les chambres d’hôtels d’accueil aux migrants et les appartements sans âme pour se perdre dans un cinéma de l’émotion et du sens.

120 battements par minute capture une certaine forme de vérité des années 90 au sein du groupe activiste Act Up à Paris. Il montre le sexe, il montre l’amour, il montre les interminables réunions en amphi pour les malades engagés et les sympathisants. Pendant de longues années, les membres de ce groupe ont marqué les esprits et tenté d’éveiller les consciences en menant des opérations chocs, en diffusant images et mots crus et réalistes quand certains, dont notre gouvernement, avaient moins comme priorité d’endiguer l’épidémie que de ne pas choquer l’opinion.

Ce groupe s’est engagé pour les victimes en général, les prostituées, les toxicomanes, pour la prévention dans les prisons et contre le scandale du sang contaminé.

C’est le combat de ceux qui ne survivront pas pour que d’autres puissent vivre et aimer plus encore. Ce n’est pas seulement un geste de pure altruisme mais surtout un instinct de survie dévastateur. Tant qu’ils vivent, ils veulent vivre fort, se faire entendre, refusant de devenir invisibles comme des éléments gênants qu’on cacherait sous le tapis parce qu’ils portent dans leur sang et sur leur corps les marques d’une vie qu’on jugerait trop libre.

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Si le film est le témoignage passionnant des multiples facettes du militantisme (organisation, fonctionnement codifié des réunions, campagnes de communication, luttes d’égo et de pouvoir), c’est aussi un extrêmement touchant plaidoyer sur l’amour, de l’enthousiasme des premiers jours à la difficulté de partager les derniers. C’est avec une sensibilité sans borne que Robin Campillo raconte l’histoire de Sean (formidable Nahuel Pérez Biscayart) et de Nathan (Arnaud Valois). C’est dans les moments d’intimité partagée que l’on prend la mesure de la pudeur et de la beauté du regard du réalisateur. En mettant derrière soi ses préjugés d’un autre âge, c’est avec les yeux du cœur que nous sommes invités à les voir, et c’est avec les yeux du cœur que la caméra les montre.

120 battements par minute n’est pas un film d’histoire

120 battements par minute n’est pas un film d’histoire. Il en raconte une qui est malheureusement encore très actuelle tant les luttes n’ont pas avancé et tant la maladie est devenue banale. Au jour où les campagnes de prévention ne touchent plus personne ou sont censurées, où les jeunes se protègent de moins en moins et ignorent les risques de toutes les formes de pratiques sexuelles, où l’intolérance et l’obscurantisme ont une place beaucoup trop importante dans tous les débats publics, ce film est une piqûre de rappel au message nécessaire. Vivez fort. Aimez. Protégez-vous et protégez les autres. Engagez vous. Et si la maladie tue, le silence aussi.

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