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Claire’s camera : woman on the beach in another country

Présenté le 21 mai 2017 en sélection officielle (séance spéciale hors compétition). Durée : 1h09.

Par Thomas Messias, le 21-05-2017
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Cannes 2017' composée de 22 articles. En mai 2017, la team cinéma de Playlist Society prend ses quartiers sur la Croisette. De la course à la Palme jusqu’aux allées de l’ACID, elle arpente tout Cannes pour livrer des textes sur certains films forts du festival. Voir le sommaire de la série.

Le stakhanoviste sud-coréen est de retour : Hong Sang-soo est tellement rapide qu’il présente à Cannes pas moins de deux longs-métrages, l’un (The day after) en compétition et l’autre (Claire’s camera) en séance spéciale. Il semblait étonnant que ce dernier, avec Isabelle Huppert en tête d’affiche, soit exclu de la course aux prix cannois et ne soit présenté qu’à des fins récréatives. La teneur et la qualité du film rendent les choses nettement plus compréhensibles : Claire’s camera est à coup sûr le film le plus mineur de son auteur.

Tout est là pour ne pas dépayser le fan-club du cinéaste : on y mange, on y boit, on y parle un peu de cinéma et de relations amoureuses. Il y a des gens qui conversent en marchant et des zooms inattendus pour coller aux personnages de plus près. Tout est là, en moins nourrissant. La durée du film (moins d’une heure dix) ne trompe pas : Claire’s camera n’est qu’une brève promenade dans l’univers de Hong Sang-soo, et devrait avant tout apporter de l’eau au moulin de ses farouches détracteurs. Tourné à Cannes il y a un an (mais avec un léger décalage permettant d’éviter la cohue du festival), le film se déroule dans la périphérie du palais du festival. On sent monter chez le réalisateur un vrai plaisir d’avoir pu tourner sur ces terres susceptibles de faire rêver des centaines de milliers de cinéphiles. Cela semble suffire à justifier l’existence toute entière du film.

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Hong Sang-soo semble n’avoir écrit qu’un canevas de scénario, permettant à ses acteurs d’improviser gentiment autour de quelques situations-clés. Le travail ne semble pas avoir été intensif : les scènes sont moins longues que d’habitude, les dialogues moins poussés, et il n’est pas rare d’observer un blanc de quelques secondes entre deux répliques, comme si l’impro n’était pas le fort de ses quatre interprètes. On a beau apprécier la bonhomie mélancolique du réalisateur, l’ensemble frôle l’amateurisme à plus d’une reprise. Le film fait s’entrecroiser les trajectoires de quatre personnages, trois venant de Corée du Sud (une vendeuse de film, sa supérieure et un réalisateur) et une de France (la fameuse Claire, prof de musique dont c’est la première venue à Cannes, et que le cinéma ne semble pas intéresser). Un dispositif minimaliste qui aurait pu être suffisant si Hong Sang-soo avait, comme il sait le faire, joué avec la temporalité, exploré en profondeur la médiocrité de certains protagonistes, utilisé l’alcool pour leur soutirer des confessions gênantes ou émouvantes…

Roland Barthes doit se retourner dans sa tombe.

Mais non. Claire’s camera n’est quasiment qu’une promenade, orchestrée par une Isabelle Huppert elle aussi en mode touriste. Petit chapeau sur la tête, appareil photo instantané à la main, elle sillonne les rues cannoises avec un petit sourire béat qui semble indiquer qu’elle est contente d’être là mais qu’elle n’a pas grand chose à nous dire de plus. Et l’on repense à In another country, en compétition il y a cinq ans, dans lequel l’actrice et se(s) héroïne(s) débarquaient en Corée du Sud pour y vivre trois aventures exaltantes. Impossible aussi de ne pas songer à Night and day, l’escapade parisienne du cinéaste. Tournée en 2006, elle s’agrémentait d’un propos décalé sur le télescopage entre les modes de vie français et coréen, mais aussi de considérations existentielles sur la façon dont le héros peinait à donner une impulsion à son existence. Ici, difficile de trouver du fond. Même quand Hong Sang-soo tente de faire un effort de ce côté, c’est pour nous apprendre que les photographies sont des images arrêtées et qu’il est bien pratique de pouvoir les regarder longuement. Roland Barthes doit se retourner dans sa tombe. Et l’on souhaite à Hong Sang-soo, au jury et au public cannois que The day after soit d’une toute autre épaisseur.

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