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01. Franz Ferdinand – « The Academy Award » (Benjamin Fogel)
Extrait de Always Ascending  – 2018 – Indie Pop
La perspective d’un nouvel album de Franz Ferdinand en 2018 ne m’excitait guère, tant le précédent Right Thoughts, Right Words, Right Action, sorti en 2013, semblait avoir épuisé les dernières idées du groupe de Glasgow ; le départ du guitariste Nick McCarthy en 2016 annonçait également la fin d’une époque. Always Ascending et ses dix nouveaux titres n’en est que plus surprenant. Produit par Philippe Zdar, et intégrant deux nouveaux membres, le groupe délaisse discrètement les guitares pour proposer une pop sensible, qui rappelle David Bowie dans ses meilleurs moments (c’est notamment le cas sur le merveilleux « The Academy Award »). Franz Ferdinand ne s’y éparpille jamais, et offre une qualité d’écriture nouvelle.

02. Alela Diane – « Ether and Wood » (Nathan)
Extrait de Cusp – 2018 – (Re)naissance
Alela Diane continue l’air de rien son chemin à exprimer avec grâce et élégance les nombreuses étapes de sa vie, et à redéfinir la musique américaine par la même occasion. Après la rupture sur le somptueux About Farewell, elle explore la maternité. Si Song For Sandy, hommage à Sandy Denis, décédée en donnant la vie, est une de ses plus belles chansons, c’est Ether and Wood, récit de résilience et de renaissance qui résume magnifiquement ce très bel album.

03. MGMT – « Little dark age » (Erwan)
Extrait de Little dark age – 2018 – Jamais là où on les attend
On n’entendait qu’eux en 2007 (une autre époque), avec Time to pretend et Kids, les tubes de leur premier album Oracular spectacular. Chacun des trois disques qui a suivi a été pour MGMT un nouveau chemin de traverse, les voyant pratiquer leur musique comme ça leur chante plutôt que de manière à reproduire une recette qui marche. Le résultat est toujours étonnant, inventif, joyeux d’être libre même lorsqu’il est d’humeur plus sombre, comme ce nouvel album le porte jusque dans son titre et son single.

04. Loma – « Dark Oscillations » (Marc Mineur)
Extrait de Loma  – 2018 – Union sacrée folk
Les affinités électives amènent parfois de bien beaux échanges. Séduit par le premier album du duo Cross Records (Emily Cross et Dan Duszynski maintenant fraîchement divorcés), Jonathan Meiburg les emmène avec lui en tournée avec son groupe Shearwater. Le courant est si bien passé qu’ils ont écrit un très bel album. Surprise, ce n’est pas Meiburg qui chante alors qu’on n’est pas loin de le considérer comme un des plus grands vocalistes de ce côté-ci de la stratosphère. Qu’à cela ne tienne, on retrouve sa patte dans les arrangements et le verve de ce morceau et Emily s’en sort mieux que bien, évoquant tour à tour Marissa Nadler, Feist ou Natasha Kahn. Voici un des grands morceaux d’un des grands albums de ce début d’année.

05. 2 Chainz – « Lamborghini Truck » (Guillaume Augias)
Extrait de The Play Don’t Care Who Makes It – 2018– Gamos
Auteur d’un des plus puissants – sinon le plus puissant – albums de l’an dernier, Pretty Girls Like Trap Music, dans lequel il entonnait déjà « Rolls Royce Bitch », le rappeur natif d’Atlanta n’en finit plus de rattraper l’écart qu’on disait grand entre lui et Future et Young Jeezy ou encore Migos et Young Thug, sans aller chercher jusqu’à Outkast et T.I. Sa virtuosité s’affirme ainsi à chaque parution, comme la personnalité d’un Fangio de la rime et du beat lourd. La trap est le nouveau châssis de la pop et les références à la mécanique de luxe une façon d’ancrer le style qu’installe 2 Chainz dans l’imaginaire collectif : on pense au titre « White Ferrari » de Frank Ocean, au LP Droptopwop de Gucci Mane et au label Maybach Music de Rick Ross, mais aussi plus proche de nous à « 92i Veyron » sur l’album Nero Nemesis de Booba, double référence à Bugatti et à… Lamborghini. Boucle bouclée, sans ceinture et à tombeau ouvert.

06. The Limiñanas – « Trois bancs » (Anthony)
Extrait de Shadow People – 2018 – Melting pot
Digérer toutes ses influences et les restituer sans se travestir : Lionel et Marie Limiñana ont fait leur petit bonhomme de chemin, discrètement, ralliant à leur cause un casting qui en ferait rêver plus d’un. On peut parler ici d’artisanat, de quelque chose de l’ordre d’un compagnonnage (catégorie rock-garage) où le geste est séculaire, transmis de génération en génération par des passionnés. Shadow People ressemble à cette pièce que les Compagnons du Devoir doivent produire pour rentrer dans l’Ordre et faire partie de la famille : exécuter le geste parfait, témoigner de l’esprit de l’art, prouver la maîtrise des techniques, et s’attirer la reconnaissance de ses pairs.

07. Aksak Maboul – « A Modern Lesson » (Christophe Gauthier)
Extrait de Un peu de l’âme des bandits – 1980 – Free-rock belge
Merci au retour en grâce du vinyle pour la remise en avant de quelques pépites injustement méconnues. Le label Crammed Discs vient en effet de rééditer de fort belle manière, en LP exclusivement, sa toute première référence : Un peu de l’âme des bandits, deuxième album d’Aksak Maboul, indéfinissable et inclassable combo belge fusionnant les genres et les influences. Jugez donc : beat à la Bo Diddley, folk song turque, tango, sections d’anches zappaiennes sauce Uncle Meat, punk avec batterie dans le fond, ambient, collages…  « A Modern Lesson », premier titre de l’album, agit comme une délicieuse mise en bouche en citant un à un les autres morceaux du disque. Qui, près de 40 ans après sa parution, sonne toujours aussi frais et singulier.

08. David Bowie – « Valentine’s Day »  (Isabelle Chelley)
Extrait de The Next Day – 2013 – Rock noir
Le 14 février, j’ai posté cette vidéo sur Facebook avec, en légende : « Ceci n’est pas une chanson sur la Saint Valentin ». Dans ce titre de 2013, David Bowie revenait sur ce qui avait des airs d’obsession depuis qu’il s’était installé aux Etats-Unis : son horreur envers la fascination américaine pour les armes à feu. Il dressait le portrait-robot du tueur de masse des lycées américains : un exclu, dérangé, physiquement faible et dénué d’émotions. Dans la vidéo, Bowie tenait sa guitare comme une arme – à l’instar du clip de « I’m Afraid Of Americans » sur le même sujet, il ne voulait pas en montrer de vraies – avant de la brandir dans un geste évoquant celui de Charlton Heston l’ex-président de la NRA sur une photo célèbre. On peut passer à côté de la noirceur du morceau (perversement accrocheur, avec ses chœurs rétro) et c’est ce qui m’a toujours plu chez Bowie – cette capacité à ne jamais être frontal, à ne pas bombarder son public de messages à l’emporte-pièce.
Le 14 février, 17 personnes sont mortes dans un lycée en Floride. Certains ont aussitôt avancé que David Bowie avait « prédit » la tragédie. Sans réaliser qu’elle n’était que trop prévisible.

09. Jay-Jay Johanson – « I’m older now » (Thomas Messias)
Extrait de Whiskey – 1996 – Trip-høp
J’aime profondément les premiers albums de Jäje Johanson, et tout particulièrement Whiskey, sur lequel on trouve ce morceau qui semble avec brio le Fish Beach de Michael Nyman, splendeur présente sur la BO du film Le Cuisinier, le Voleur, sa Femme et son Amant de Peter Greenaway. Alors âgé de 27 ans, JJJ semblait déjà en être au stade des premiers bilans, constatant qu’il n’était plus aussi fringuant qu’avant, et que son aptitude à séduire (thématique récurrente voire obsessionnelle de ses premiers disques) commençait déjà à avoir du plomb dans l’aile. Séduire, je m’en fous un peu, mais je vieillis, c’est un fait. Qu’on me permette de faire de ce morceau un étendard temporaire.


10. Michael Kiwanuka – « Cold Little Heart» (Alexandre Mathis)
Extrait de Love & Hate – 2016 – Soul noire
« In my heart, in this cold heart. I can live or I can die » Chaque journée ressemble à un match de boxe perdu d’avance. Tu montes sur le ring, hagard, sonné, juste à te dire « quand est-ce que, comme dans cette chanson, mon cœur froid va me laisser ? ». Alors tu te mets en veille. Puis les riffs gilmouriens de la chanson te réveillent. Je ne sais pas si la voix de Mickael Kiwanuka me réconforte ou me désespère. Peut-être parce qu’elle me ressemble un peu trop : à la fois vivante et déprimante, bouillonnante et amorphe. « Maybe this time I can be strong/But since I know who I am / I’m probably wrong » Bref, on verra.

11. Vacarme – « A » (Arbobo)
Extrait de Vacarme – 2018 – Cordes sauvages
Peut-être existe-t-il une histoire du violon dans le “rock”. Entre autres, elle mentionnerait John Cale et le Velvet, et soulignerait avec gourmandise la force apportée par Carla Pallone dans Mansfield TYA. Le trio formé par Gaspar Claus au violoncelle, Christelle Lassort et Carla Pallone au violon, se réunit périodiquement depuis 2012 pour habiter l’air de leurs vibrations sauvages. Ces trois là font de la musique sous tant de formes, sous leur nom ou sur les disques des autres, qu’on laissera à chacun le choix de les étiqueter. Après avoir privilégié le live, Vacarme vient de publier un album qui allie finesse et violence, lyrisme et sècheresse. Suivons-les à la lettre.