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t385411838_s4000-1512610284-640x64001. Charli XCX – « Delicious » (Guillaume Augias)
Extrait de Pop 2 – 2017 – Émoji élégie
On renonce avec délice à appréhender par le menu les néo-styles de musique électronique qu’aborde Charli XCX avec toute la densité de sa jeunesse, après un After The Afterparty qui nous avait déjà laissé un souvenir marquant. Son nom de scène vient de ses années passées sur MSN où tel était son pseudo, et on sent dans sa façon d’aligner rimes et nappes que l’archéologie s’applique à l’humanité, à la vie humaine, mais aussi à la journée d’une virevoltante anglaise où à sa chanson, comme celle qui ici choisit pour finir des chœurs élégiaques tout droit sortis d’un paradis à la Fauré.

Neil Frances02. Neil Frances – « Show Me The Right » (Jean-Sébastien Zanchi)
Extrait de Show Me The Right – 2017 – Disco/funk/pop
De Neil Frances on trouve bien peu d’informations. Auteur de quatre singles — dont une reprise de Music Sounds Better With You de Stardust — celui qui semble être américain assure en ce moment même la première partie de Passion Pit en Californie. Avec 61 followers sur Twitter et 334 sur Instagram, autant dire que l’artiste est plus que confidentiel. Un secret pour l’instant encore bien gardé, avec ce titre ensoleillé en plein coeur de l’hiver.

shame03. Shame – « Tasteless » (Anthony)
Extrait de Songs of Praise – 2018 – Post punk post adolescent
Selon la formule consacrée, Shame serait donc “la nouvelle sensation britannique”, dans la catégorie des jeunes cons brillants, énervés et arrogants, doués d’un capacité à pondre quelques hymnes punk-rock bien sentis. Comme purent l’être à leur époque Arctic Monkeys. L’album séduit par son homogénéité, savant équilibre entre les aboiements et éructations de Charlie Steen, capable toutefois de doser calme et tempête, et les riffs incendiaires de ses compères. Rien de très nouveau sous le soleil certes, mais tous les basiques du post-punk sont respectés au-delà des espérances, dans cette ère musicale actuelle qui semble ne pas trouver de nouveaux filons à explorer.

RyanAdams1989cover04. Ryan Adams – « Shake It Off » (Isabelle Chelley)
Extrait de 1989 – 2015 – cover inattendue
Il y a quelques années, la reprise de “Toxic” ou d’autres chansons de Britney Spears était un sport très prisé chez les groupes de rock pour finir un concert sur une note originale. Parfois, on découvrait – au bout de deux minutes, quand on avait reconnu le morceau – que sous leur production clinquante, certaines grosses scies commerciales étaient en fait des pépites pop. Et quand Ryan Adams reprend à sa sauce tout l’album de Taylor Swift, on se dit la même chose. Ce Shake It Off entendu ad nauseam devient, entre ses mains, un morceau de Springsteen, qu’il interprète avec plus de finesse que le Boss. Bluffant, comme le reste du disque, d’ailleurs.

unknown-mortal-orchestra-american-guilt-1516721909-640x64005. Unknown Mortal Orchestra – « American Guilt » (Christophe Gauthier)
Extrait de Sex & Food – 2018 – Rock louuuuuurd
Ce 23 janvier, j’ai changé d’avis sur Unknown Mortal Orchestra. Je gardais le souvenir de m’être emmerdé comme un rat mort durant leur concert à Villette Sonique en 2013 et de ne pas avoir particulièrement apprécié leurs albums. Et tout à coup, ce mardi, un déluge de riffs dans ma radio sur fond de basse fuzz et de batterie lourde, en mode Blue Cheer/Bubble Puppy, que je shazame comme un fou sans obtenir de résultat. Normal, c’est sorti le jour même, et je ne remercierai jamais assez l’animateur d’avoir annoncé le titre et le nom du groupe dans la foulée. Depuis, je suis à peu près certain que le prochain LP d’UMO, pas encore annoncé mais dont le nom a déjà fuité dans la presse musicale américaine, sera un gros morceau de 2018. En tout cas ça faisait longtemps que je n’avais pas attendu un nouveau disque avec autant de fébrilité.

message06. Grandmaster Flash & the Furious Five – « The Message » (Erwan)
Extrait de The message – 1982 – Hip-hop historique
Grandmaster Flash est à l’honneur de deux bonnes séries sur Netflix (la fiction The Get Down et le documentaire Hip-hop evolution), il sera en concert en mars à Bordeaux : l’occasion de se faire plaisir avec le morceau le plus connu – et toujours tranchant – de l’une des trois pointes de la “Sainte Trinité” du hip-hop (avec Kool Herc et Afrika Bambaataa).

I Am Stramgram - 15007. I Am Stramgram – « Underwater Tank » (Marc Mineur)
Extrait de Tentacles – 2018 – Folk savant
Il vaut sans mieux être seul que mal accompagné. On ne sait pas si le Bordelais Vincent Jouffroy s’est basé sur ce pesant cliché pour se lancer seul dans l’aventure I Am Stramgram. Ce qu’on peut dire à l’écoute du premier coup de coeur de 2018, c’est qu’il n’a besoin de personne pour trousser un album varié dont les références pourraient aller de Beck à Sufjan Stevens. De la belle ouvrage qui n’hésite pas à sortir la pédale de distorsion pour intensifier cet Underwater Tank sans se départir d’une belle cohérence. Il n’hésite même pas à pratiquer le français, c’est dire.

Fall08. The Fall – « Repetition » (Thierry Chatain)
Extrait de Live At The Witch Trials (bonus) – 1978 – Manifeste d’une vie
On n’est pas tous égaux devant la mort. Beaucoup de disparitions m’arrachent au mieux un haussement de sourcil, celle de Mark E. Smith (MES) m’a fait un sacré pincement au cœur. Car elles ne sont pas si nombreuses, les voix vraiment singulières, les personnalités irréductibles… Celle de MES, contradictoire, grande gueule, prolo cultivé, irrascible et généreux, était si forte, ses formules si drôles – « Si c’est ta grand-mère aux bongos et moi, ça reste The Fall », « Notre nom ? J’aime Albert Camus. C’était un super gardien de but » – qu’elles en ont fait de l’ombre à sa musique. Toujours identique, toujours différente. Un concentré déconstruit de kraut rock, soul, country, psyché, etc. passé à la lessiveuse post-punk, avec force dissonnances et répétitions, sur lequel MES interpellait, éructait, ricanait, s’emportait, mais (presque) jamais ne chantait au sens strict du terme. Un son unique, et immédiatement formé dès les débuts du groupe, comme le montre Repetition, extrait du tout premier EP de The Fall. Un vrai manifeste dans lequel MES énonce les trois R (répétition, répétition et répétition) qui seront le moteur de sa musique, tout en se moquant des 3 R classiques de l’éducation anglaise (reading, writing, ‘rithmetics), et se révèle déjà sarcastique avec ses pairs (« Blank generation/Same old blank generation », allusion à Richard Hell). C’est peu dire que l’époque sera plus terne sans sa présence et sa lucidité de statue du commandeur à l’haleine chargée.

a0371408966_1009. Shopping – « Wild Child » (Benjamin Fogel)
Extrait de The Official Body – 2018 – Post Punk
Originaire de Glasgow, le trio Shopping s’impose peu à peu comme une alternative contemporaine crédible à Gang of Four. On retrouve tous les éléments qui ont fait la gloire du post-punk pour un résultat aux mélodies acérés et aux rythmiques dansantes. L’ensemble dégage un sentiment d’urgence, mais sans se sentir concerné par le présent, comme s’il s’agissait de vivre à fond le passé ; soit une musique parfaite pour attaquer l’année sans perdre ses repères. Ça ne nous consolera pas du décès de Mark E. Smith, mais ça nous changera les idées.

seafaring-strangers10. Chuck Senrick – « Don’t be so nice » (Arbobo)
Extrait de Seafaring Strangers: Private Yacht – 2017 – Pépites cool
Trop gentil, ce n’est pas spécialement une qualité, on le sait depuis Le père noël est une ordure (« Je n’aime pas dire du mal des gens, mais effectivement elle est gentille »). Il n’empêche, parmi les incroyables compilations du label Numero Group, celle-ci est un long moment cool qui vous donnerait presque envie de basculer dans le monde des gentils. Ce soft-rock à la Donald Fagen commence tranquille et vous laisse languide en moins de trois minutes. Comme une plongée dans les années 70 des ektachromes jaunis et des photos de papi-mamie en maillot de bain accoudés à leur van Volkswagen. Dis mamie, tu crois qu’on était plus gentils à ton époque ?

Kid-EP11. Eddy de Pretto – « Kid » (Thomas Messias)
Extrait du EP Kid – 2017 – Virilité abusive
Je ne sais pas exactement d’où sort Eddy de Pretto (enfin si, de Nantes), mais sa façon de déconstruire la “virilité abusive” m’a immédiatement bouleversé. La modestie clairvoyante avec laquelle il s’empare des injonctions liées à la masculinité pour mieux en démontrer l’aberration est absolument bluffante. Physique atypique, voix inhabituelle : De Pretto ne ressemble à aucun autre, et c’est d’autant plus une bonne nouvelle que cela colle parfaitement aux convictions qu’il affiche dans le morceau. Hâte de découvrir son album le 2 mars.

Capture d’écran 2018-01-22 à 11.58.0312. Mount Eerie – « Distortion » (Nathan)
Extrait de Now Only – 2018 – Deuil
Le 17 septembre dernier, Phil Elverum était sur scène à Montréal, la ville qui a vu grandir la regrettée Geneviève Castrée. Dans cette petite église aux bancs inconfortables, Phil, pour la première fois de retour au Québec depuis la mort de son épouse, dodelinant de gauche à droite sur ces quelques petits accords, a commencé à chanter Distortion. C’est la première fois que Phil raconte des histoires de manière aussi directe. Je me souviens le voir regarder le plafond dès qu’il ne chantait pas pour éviter d’être confronté aux regards. Il chante quelque chose d’indicible, d’impossiblement intime. Je me souviens écouter cette histoire se défaire devant moi, me demandant si ce n’était pas un peu voyeur. Doit-on applaudir? Je me souviens de l’empathie profonde ressentie pour lui. Et surtout, je me souviens de Phil, ému mais ne montrant rien, dire qu’il ne rejouera probablement plus jamais à Montréal, parce que c’est tout simplement trop difficile.
L’oeuvre de Mount Eerie devient doucement une des créations les plus intéressantes et émouvantes sur le deuil et la perte.