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Pourquoi donc le seul angle des décryptages de Mary et la fleur de la sorcière se centre-t-il sur l’héritage de Ghibli ? Parce que son réalisateur, Hiromasa Yonebayashi, est un ancien de la maison fondée par Hayao Miyazaki, Isao Takahata et Toshio Susuki. Après presque vingt ans de bons et loyaux services – notamment en réalisant les sous-estimés Arriety le petit monde des chapardeurs et Souvenirs de Marnie (quoi que bancal, ce dernier ne manquait pas de charme) – Yonebayashi a quitté le mastodonte nippon quand ces derniers décidèrent un temps de stopper la production de longs métrages. Comme abandonné, le réalisateur décida alors que fonder le Studio Ponoc avec toute une clique d’autres anciens de Ghibli, laissés eux-aussi sur la paille.

Dès lors, leur première œuvre se devait de marquer le coup. Or, Mary et la fleur de la sorcière ne fait rien pour se détacher du canon Miyazaki. A savoir, une jeune fille qui se retrouve malgré elle sorcière, affublée d’un chat noir et d’un balais, doit sauver le monde de terribles dangers. A l’époque de Kiki la petite sorcière, Miyazaki offrait aussi à son héroïne un balais et un chat. Mais il se limitait à ces clichés pour ensuite offrir une aventure emprunte de quotidienneté, de bienveillance et de courage. A ces détails près, le film se voulait moins une aventure fantastique qu’une chronique adolescente.


Les ingrédients sans la magie

La jeune Mary a aussi un chat noir, mais jamais il ne rivalise avec la mignonnerie et l’espièglerie de Jiji – ceux qui ont vu Kiki ne peuvent qu’acquiescer. Pis, son chat noir n’est qu’un faire-valoir, un élément encombrant à l’intrigue et une béquille scénaristique. Et si le style de dessins rappelle forcément Ghibli – anciens du studio oblige–, les similarités tendent à la copie : les poissons magiques sont les mêmes que dans Ponyo sur la falaise, la grande sorcière convoque trop celle du Château Ambulant. Et les exemples pourraient se décupler.

Mary arrive dans une école de magie. Le temps d’une visite guidée, on y retrouve à la fois le foisonnement des espaces du Roi et l’Oiseau ou du Congrès, mais aussi une alternative prometteuse à l’école des sorciers d’Harry Potter. Seulement, le film n’en fait rien, trop occupé à cocher toutes les cases du film pour enfants mi-rigolo mi-poétique.

La magie ne se décrète pas, il faut la travailler

La magie ne se décrète pas, il faut la travailler ; Mary s’en rend d’ailleurs compte, elle qui ne bénéficie de pouvoirs éphémères que grâce à une fleur rare. Comment Yonebayashi n’a-t-il pas pu appliquer ce principe à son propre travail ? Avec ses techniciens, il a soigné ses images, son animation et il bénéficie d’une jolie musique. Et, à l’instar des héroïnes de chez Ghibli, il offre aux femmes les plus beaux rôles, gentils comme méchants, avec ce soupçon de remise en cause du manichéisme. En effet, ici, les méchants alchimistes sont plus bêtes que méchants, et leur menace reste très relative. Le temps de quelques scènes, Yonebayashi montre qu’il n’est pas dénué de talent. C’est le cas lors d’une scène de fuite d’animaux digne de l’arche de Noé ou d’une jolie introduction.

Mais qu’a à raconter Mary et la fleur de la sorcière finalement ? Quelle œuvre va se construire au sein de Studio Ponoc ? Le film cumule les références sans jamais trouver sa propre voie. Il n’a pas de saveur. Le premier long-métrage fait par le trio Miyazaki-Takahata-Susuki s’appelait Nausicaä de la vallée du vent. Immédiatement, un souffle nouveau s’invitait dans le monde de l’animation japonaise. Tous les éléments de Ghibli – qui allait être fondé deux ans plus tard – étaient déjà là : un message écologique, une héroïne extraordinaire, une magie supportée par la musique de Joe Hisachi, un style de dessin singulier. Rien de tel avec le studio Ponoc. Mary et la fleur de la sorcière cumule des ingrédients qui ne seraient jamais passés entre les mains d’un cuisinier. Tout reste là, amorphe, avec cette idée qu’effectivement, pour hériter de Ghibli, mieux vaut faire des films qui ne leur ressemblent pas.