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01. Kodak Black – « Helluva Love » (Guillaume Augias)
Extrait de Heart Break Kodak – 2018 – Gueule démon
Au début du mois de mars Rick Ross a emprunté pied au plancher le tunnel d’une Near Death Experience, mais heureusement pour lui la marche arrière a fonctionné. Quoi qu’il en soit, la Floride peut d’ores et déjà s’enorgueillir de lui avoir trouvé un héritier en la personne de Kodak Black. Vingt ans aux fraises, d’origine haïtienne, Dieuson Octave – son vrai nom, prédestiné – déploie dans cette nouvelle mixtape un flow ivre d’amour et un son d’une crasse impeccable, où rocaillent son passé aussi trouble que bref et des traces que ses mugshots ne sont pas seuls à arborer. Ce diable d’impétrant a déjà coché toutes les cases de la starification outre-Atlantique, choré Insta de Drake, prods de Metro Boomin et feats de Future ou Young Thug inclus, mais ce n’est pas une raison suffisante pour le vouer dès à présent aux gémonies.

02. New Order – « True Faith » (Nathan)
Extrait de True Faith – 1987 – Musique de trentenaire
Depuis que j’ai l’âge d’écouter de la musique, j’ai toujours accueilli New Order avec un mouvement de tête désapprobateur. Pourquoi écouter New Order quand on peut écouter Joy Division? Pourquoi se passer de la voix et de la dépression de Ian Curtis? Et puis depuis 3 mois, je secoue la tête, mais cette fois en rythme avec les synthés et les mélodies de folie de New Order. L’âge, sûrement.

03. Superorganism – « Something For Your M.I.N.D. » (Thierry Chatain)
Extrait de Superorganism – 2018 – Comptine pop dadaïste
Attention, earworm ! Un de ces morceaux qui s’accroche irrémédiablement au cerveau (et dans l’oreille), une fois entendu. Pour ma part, ça fait quelques mois que ça dure (la chanson est sortie il y a un an), et je n’ai toujours pas envie que ça passe. Le brillant coup d’essai – confirmé tout au long d’un premier album qui vient de paraître – de ce collectif multinational empile les samples et les hooks (synthé basse façon pieuvre qui pète, deux accords de guitare slide, une rythmique en déséquilibre). Mais il est surtout porté par la voix nonchalante et presque enfantine d’Orono Noguchi, ado japonaise qui distille les one-liners absurdes se moquant des clichés de la pop culture, style “I know you think I’m a sociopath/My lovely prey, I’m a cliche/Make way I’m in my Pepsi mood/Mama needs food, how about a barbecue?”. Des Avalanches de cour de récré ? Il y a de ça. Un peu de savoir-faire en moins, une insolente fraîcheur en plus. Le printemps à portée de tympans.

04. Ought – « These 3 Things » (Benjamin Fogel)
Extrait de Room Inside the World– 2018 – Indie Rock
More Than Any Other Day, le premier album de Ought, publié en 2014 sur le label Constellation, m’était apparu comme un disque plein d’espoir où les canadiens démontraient combien ils avaient parfaitement assimilé leurs influences post punk, et leur goût pour Sonic Youth. Leur second disque avait confirmé tout cela, avec en prime un petit côté The Fall, assez charmant. Avec Room Inside the World, Ought passe à la vitesse supérieure. Ouvrant encore son spectre, le groupe déploie une classe incroyable, faisant de lui ce que l’on a entendu de mieux en indie-pop depuis des lustres. « These 3 Things », premier single de l’album, illustre parfaitement cette nouvelle finesse de composition, qui pousse un cran plus loin leur rock à la fois noisy et down tempo.

05. Blondie feat. Joan Jett – « Doom or Destiny » (Isabelle Chelley)
Extrait de Pollinaor – 2017 – Rock de pétroleuses
Ayant grandi avec MTV, il m’arrive souvent de tomber amoureuse de la vidéo avant la chanson… mais dans ce cas, comment dire ? Mes deux pétroleuses du rock préférées s’unissent (enfin) après des décennies d’amitié et de respect mutuel pour un morceau incendiaire et déconnent au bord du volcan pendant qu’un président en mode maître du monde détruit tout sur son passage. La chanson est un brulot punk réjouissant. La vidéo est du pur humour au vitriol où tout ce qui va mal dans ce monde entre en collision. On n’a pas forcément envie d’en rire, mais comme B.O. de l’apocalypse, c’est idéal.

06. Taylor Swift – « Delicate » (Sarah Arnaud) 
Extrait de Reputation – 2017 – Pop presque accidulée 
Taylor Swift discute depuis Novembre 2017 sur sa réputation. Titre de son album mais aussi fil rouge de son passage de jeune femme à femme. Au delà de sa place de madame célébrité et magnat du business musical, elle continue de produire de la musique compréhensible pour son (jeune) auditoire. Tout est toujours très calibré chez Swift. On peut donc analyser ce qu’elle produit avec un angle sérieux, adulte, analytique. Delicate porte pourtant bien son nom. Thème entêtant sur la difficulté de définir une relation qui n’en est pas encore une (ou même qui ne le sera jamais), Swift module sur des motifs fun, quelques phrases new-yorko-bobo. Elle sait faire de la pop qui emporte, qui émeut. Derrière son image de requin du secteur, elle se rappelle qu’être amoureuse, ça vous file des ailes, même frêles et délicates.

07. Grouper – « Parking lot » (Arbobo)
Extrait de Grid of points – 2018 – Cold songs
Liz Harris est une fée qui traverse les âges. Comme sur les pochettes en noir et blanc de ses disques, elle avance néons éteints, en hors-beat. Parking lot, teasing de son album à venir, est parmi ce qu’elle a fait de plus dépouillé. Ce nouveau titre rappelle le dénuement total de Ruins, qu’elle avait rapporté de voyage. Même pas une guitare en vue, mais un piano qu’elle effleure comme les feuilles d’un arbuste traversé par une brise de printemps.

08. Young fathers– « Wow » (Erwan Desbois)
Extrait de Cocoa sugar – 2018 – Mix angoissant et fascinant
Il y a un an pile, je glissais Young fathers dans la PS’Playlist après les avoir découvert dans Trainspotting 2. Aujourd’hui je les y remets volontiers, à l’occasion de la sortie de leur troisième album, nouvelle étape dans leur progression captivante. Leurs morceaux sont de plus en plus aboutis et marquants, leur style est toujours unique et leur humeur toujours insaisissable ; alternant entre la rage et la douceur, créant une urgence tour à tour étouffante et grisante. Et souvent les deux à la fois, comme sur ce morceau sobrement intitulé Wow.

09. Moussa – « Cabrioli » (Christophe Gauthier)
Single – 2018 – Synthpop
Moussa a 24 ans. Il n’a donc jamais vécu les années 80. Il s’amuse juste à les idéaliser – musicalement s’entend – sur ce Cabrioli, bonbon synthpop dont les paroles évoquent tout autant Élégance (Vacances j’oublie tout, vous voyez ?) que Chagrin d’Amour ou encore Gainsbourg, La touche ultime, c’est ce motif en guide de refrain joué au DX7, tellement cliché que cela en devient impeccable. Il ne manque plus qu’un clip façon VHS jouée dix mille fois pour que le flashback de trente ans soit total.

10. Dominique A. – « Aujourd’hui N’Existe Plus » (Marc Mineur)
Extrait de Toute Latitude – 2018 – Chanson française
On a coutume de dire que l’art est expérimental quand l’expérimentation a raté. A cette aune, les derniers albums de Dominique A sont aussi peu expérimentaux que possible. Parce qu’ils traduisent à chaque fois une envie, une tentation d’autre chose et que la série en cours est imparable. Il y a un peu d’électronique, certes, mais elle est incorporée au style, et le fond est cohérent avec la forme. L’art de Dominique A se polit avec le temps et on attend de voir à chaque fois où il va nous amener. Celui qu’on peut considérer comme le plus grand chanteur français vivant sort surtout des morceaux marquants comme celui-ci qu’on arrive à appréhender mais jamais complètement. Mystérieux sans être obscur, il ne s’abaisse même plus à être expérimental.

11. Franck Monnet – « J’adore t’écrire » (Thomas Messias)
Extrait de Les Embellies – 2000 – Missive
Toujours resté dans l’ombre, Franck Monnet est pourtant un auteur impeccable doublé d’un interprète sensible. Le genre de chanteur littéraire chez qui chaque chanson est l’occasion d’apprendre plusieurs mots nouveaux, sans que cela ressemble à de la prétention. Monnet ne manie pas les mots pour leur simple sonorité: il s’y enveloppe, en chérit le sens parfois méconnu, pour livrer des compositions de dandy lettré et parfois blessé. Hymne aux amours épistolaires, « J’adore t’écrire » est exactement de cette trempe : tendre, passionné, vachard, rigolard, sans illusion.