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Plaire, aimer et courir vite : séparés par l’Histoire

Présenté le jeudi 10 mai en sélection officielle (compétition). Durée : 2h12.

Par Lucile Bellan, le 11-05-2018
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Cannes 2018' composée de 24 articles. En mai 2018, la team cinéma de Playlist Society prend ses quartiers sur la Croisette. De la course à la Palme jusqu’aux allées de l’ACID, elle arpente tout Cannes pour livrer des textes sur certains films forts du festival. Voir le sommaire de la série.

Il y a des histoires d’amour qui ne s’épanouissent jamais. Elle s’écrivent dans un regard, en quelques heures, en quelques jours, dans les corps qui se frôlent et se découvrent, chaque geste comme une première fois. Ainsi, elles ne se fanent jamais. Ces histoires, ce sont celles que l’on garde le plus souvent le plus précieusement dans son cœur. Elles portent les espoirs déçus, la frustration et, en leur sein, comme une promesse d’éternité. Le plus dur à vivre, c’est l’incertitude. C’est entrapercevoir le trésor pendant quelques secondes et se le voir refuser, pour toujours.

Christophe Honoré semble observer les atermoiements amoureux avec une mélancolie d’ancien

Dans Plaire, aimer et courir vite, Christophe Honoré semble observer les atermoiements amoureux avec une mélancolie d’ancien. Comme si cette course n’était plus la sienne, comme si la passion d’Arthur n’était plus qu’un souvenir. Dans ce drame doux qui emporte l’âme, on retrouve les éléments fétiches de l’auteur : la Bretagne, l’internat, la parentalité, les fantasmes d’écriture et de vie de provincial qui « monte à Paris ». On retrouve l’amour aussi. Romantique et délicieusement désuet, comme un vouvoiement malin qui caresse l’oreille. Et on retrouve l’urgence d’aimer vite et fort avant de mourir.

Si Christophe Honoré peine à créer une émotion génératrice de larmes, il enveloppe avec talent le spectateur de délicatesse et de beauté, offrant un écrin sans pareil à son trio d’acteurs : Pierre Deladonchamps, Vincent Lacoste et Denis Podalydès. Honoré, qui s’épanouit dans le verbe, écrit une histoire sur des silences, sur le temps qui passe irrémédiablement et fait grandir l’attente, tout en réduisant les possibilités. On connait l’issue. Elle est tragique. Alors, comme Jacques, on s’abreuve comme des assoiffés de la moindre de leurs caresses, du plus petit regard, du sourire malicieux de Lacoste, de la grâce sans borne de Deladonchamps. Le film de Christophe Honoré n’est pas un mélodrame, c’est la rencontre de deux personnages imparfaits, aussi sympathiques qu’antipathiques, qui s’aiment un temps donné, et à qui l’épidémie n’aura jamais donné l’opportunité de se désaimer. Deux personnage séparés par l’Histoire.

Plaire, aimer et courir vite résonne à Cannes avec d’autant plus d’amplitude et de force qu’il succède en compétition officielle à 120 battements par minute, récompensé l’année dernière. La France serait donc enfin prête à regarder en face l’accueil qu’elle a fait aux malades du SIDA pendant des décennies ainsi que les graves conséquences de son indifférence.

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